C’est un constat qu’aucun pharmacien en exercice n’oserait certainement contredire. Au fil des années, les charges administratives s’accumulent. Contraintes législatives parfois difficiles à comprendre, procédures chronophages pour sécuriser la dispensation du médicament, multiplication de dispositifs (pas toujours très efficaces) de la part de l’assurance-maladie, complexités au niveau de la facturation, consignes ordinales, mesures relatives au droit du travail, difficultés relatives aux nouveaux outils numériques… Le pharmacien est aujourd’hui submergé par toutes ces obligations. Titulaire, coprésident du syndicat des pharmaciens de l’Ain et de la FSPF Rhône-Alpes, Antonin Bernard s’est décidé à agir contre ces problèmes, en se basant sur les remontées du terrain. « J’ai senti une grogne, un véritable sentiment de ras-le-bol chez mes confrères de Rhône-Alpes, confie-t-il. Nous avons classé ces contraintes en cinq catégories puis proposé aux pharmaciens de remplir un questionnaire en choisissant pour chacune d’entre elles cinq exemples de complexités administratives qu’ils trouvaient particulièrement pénibles ou injustifiées. Plus de cinquante pharmaciens ont participé. Nous avons eu des réponses que nous attendions et d’autres un peu plus surprenantes », explique Antonin Bernard. Le pharmacien a ensuite trié l’ensemble de ces contributions. À l’issue de ce travail, ce ne sont pas moins de cent mesures de simplification qui ont été sélectionnées et qui figurent dans ce livre blanc qu’Antonin Bernard a officiellement présenté lors de l’assemblée générale de la FSPF, le 25 mars. Depuis, ce document a été remis par Philippe Besset, président du syndicat, au cabinet du ministre de la Santé.
La simplification administrative : un « prérequis » à la transformation du métier
Comme exposé dans l’avant-propos du livre blanc, simplifier le travail des pharmaciens d’officine est aujourd’hui impératif. Le rôle de l’officinal ne cesse d’évoluer, toujours plus de missions lui sont confiées et cette évolution a vocation à se poursuivre dans les années à venir. « Aujourd'hui, nous faisons de la prévention, de l'éducation thérapeutique, du dépistage, de la vaccination, de l'adaptation thérapeutique en présence de ruptures… Demain, les pharmaciens auront aussi un rôle accru dans l'optimisation thérapeutique, grâce à leur expertise pharmacologique. Cette évolution est souhaitable (…) mais pour cela il sera nécessaire de simplifier au maximum nos process pour nous libérer du temps mais aussi pour concentrer nos moyens. (…) La simplification administrative doit être perçue comme un prérequis indispensable à la transformation de notre métier », résume ce livre blanc.
La simplification administrative doit être perçue comme un prérequis indispensable à la transformation de notre métier
Livre blanc
À la date du 1er avril, ce sont donc cent pistes d’amélioration qui ont été identifiées. D’autres mesures pourront être ajoutées à cette liste au fil du temps. Pour l’heure, un tiers d’entre elles sont en lien avec des mesures législatives, émanant du ministère, de l’ANSM ou encore du parlement. Regrettant notamment l’impossibilité pour les pharmaciens d’administrer les vaccins du voyageur, les auteurs du document proposent d’autoriser les officinaux à « effectuer toutes les vaccinations nécessaires dès l’âge de 11 ans ».
Ils plébiscitent également la e-prescription, dont la généralisation pourrait permettre « la suppression des ordonnances d’exception et des ordonnances sécurisées » mais aussi éviter de nouvelles procédures. Le formulaire désormais imposé aux médecins et que doivent contrôler les pharmaciens pour prouver l’indication remboursable des analogues du GLP-1 est notamment jugé avec beaucoup de sévérité. « Il faut supprimer purement et simplement cette hérésie ! La seule solution contre la fraude, c'est la généralisation de la e-prescription », martèlent les pharmaciens.
Les officinaux ne devraient pas avoir à prévenir le prescripteur à chaque substitution par un biosimilaire, comme c’est déjà le cas pour les génériques
Ces derniers demandent aussi plus de souplesse au sujet des biosimilaires. « Tout médicament biosimilaire arrivant légalement sur le marché doit pouvoir être substituable. Les médicaments à marge thérapeutique étroite sont rares et les pharmaciens sont capables de faire de la pédagogie pour expliquer les différences de fonctionnement des stylos », soutiennent-ils, ajoutant que les officinaux ne devraient pas avoir à prévenir le prescripteur à chaque substitution par un biosimilaire, comme c’est déjà le cas pour les génériques. Parmi les autres requêtes exprimées : mettre fin aux commandes de certains médicaments exclusivement auprès des laboratoires, autoriser les préparateurs en pharmacie à réaliser certains actes qui leur sont aujourd’hui interdits (délivrance des kits de dépistage du cancer colorectal, réalisation des TROD) ou, dans un tout autre domaine, « augmenter les paliers populationnels pour l'ouverture d'une nouvelle pharmacie dans une commune ».
Arrêter « d’infantiliser » les pharmaciens
Les mesures recensées dans le livre blanc couvrent donc un spectre très large. Ce qui prouve le sentiment d’exaspération qui prédomine chez les pharmaciens face à l’ensemble des règles auxquelles ils doivent se plier. Les relations avec l’assurance-maladie, notamment par rapport aux indus ou aux risques d’indus, sont souvent compliquées. Face aux différents formulaires de dispensation imposés pour certains traitements, aux critères de remboursement parfois peu lisibles, les officinaux attendent de la CNAM davantage de souplesse et surtout qu’elle fasse davantage confiance aux professionnels de terrain. Mesure récemment mise en place, la limitation à sept jours de la dispensation des pansements à la première délivrance est également critiquée. « Cette règle de bon sens pourrait être traitée par de simples mesures de communication et de prévention. Encore une fois on nous inflige une règle générale, qui sera certes une très bonne chose dans 90 % des cas, mais qui risque de nous compliquer la vie dans des cas spécifiques où la personne se retrouvera un jour sans pansement lors du passage de l'infirmière », peut-on lire dans le livre blanc. La lourdeur administrative, les contraintes trop importantes, nuisent aussi à des dispositifs pourtant jugés très pertinents par les pharmaciens, comme les entretiens d’éducation thérapeutique. « Faites confiance aux professionnels de santé. (…) Demander un rapport sur ce qui a été dit pour contrôle ultérieur, OUI. Imposer des protocoles et formulaires lourds et parfois totalement inadaptés aux besoins de nos patients, NON », plaident les pharmaciens, qui regrettent une certaine « infantilisation » de la profession, comme le prouve selon eux la complexité des protocoles de dispensation d’antibiotiques suite à un TROD.
Des améliorations espérées d’ici à 2027
Appliquer un seul taux de remboursement pour tous les vaccins remboursables, mettre fin aux protocoles papier pour les factures, mettre les données d'ASAFO à disposition des LGO, développer un outil Visiodroit obligatoire pour toutes les mutuelles, mettre en place un contrôle immédiat des dispensations des dispositifs médicaux avec blocage immédiat du remboursement en cas de dépassement des seuils de la LPP… les propositions d’amélioration ne manquent pas. Le livre blanc insiste aussi sur l’importance de revoir certaines règles imposées par les instances ordinales. « Instaurer des règles claires pour savoir qui détermine l'urgence d'une situation et si le déclenchement d'un pharmacien de garde est nécessaire ou non », « Remettre à jour urgemment les règles déontologiques de communication sur Internet », « Passer au prélèvement automatique annuel ou mensuel » pour le paiement des cotisations. Une liste loin d’être exhaustive.
Désormais couchées sur le papier, toutes ces propositions vont-elles être suivies d’effets ? Pour Antonin Bernard, c’est maintenant une nouvelle phase du travail qu’il a entrepris qui commence. « Nous allons faire un suivi régulier avec un bilan tous les six mois pour voir sur quelles mesures on progresse et sur lesquelles on recule au contraire. » Des points d’étape donc, avec un objectif final qui se veut ambitieux comme décrit dans le livre blanc. « Nous serons vigilants quant à l’application de ces mesures d'ici un délai de deux à trois ans maximum. Notre objectif est de clore ce dossier d'ici à 2027, pour ensuite nous tourner vers une nouvelle convention pharmaceutique et pour envisager de nouvelles mutations de notre métier ». Rendez-vous est pris.
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