Si la santé de la femme fait actuellement l’objet d’une mobilisation scientifique et médiatique grandissante, cela n'a pas toujours été le cas. Pourtant, certains acteurs du monde de la santé ont fait figure de pionniers. Ainsi du Laboratoire central de chimiothérapie et de dermochimie né en France, en 1964, de la conviction d’une nécessaire émancipation de la gent féminine par la santé.
Un stérilet pour démarrer
Nous sommes seulement quelques années, avant mai 1968, et l’entreprise, qui opère sous la marque « CCD » depuis 1967, voit le jour avec un nom de baptême sans lien avec la gynécologie. Il s’agit de rester discret sur sa vocation avant-gardiste : donner le choix aux femmes de leur sexualité, de leur maternité… Deux ans avant l’autorisation de la contraception en France en 1967, sortent ses premiers dispositifs intra utérins (DIU) -des stérilets en cuivre- et des diaphragmes fabriqués en France. Depuis, s’enchaînent quantité d’innovations grâce à des collaborations avec des professionnels du soin et du social. Ainsi des spermicides, aux marques Genola et Genocrem, et des pilules contraceptives Ovamezzo. Ces produits feront d’abord leur entrée en catimini dans les foyers français grâce à un partenariat avec le tout jeune « Mouvement français pour le planning familial ». Ils allaient changer la vie de quantité de Français. Même si, rappelons-le, c’est seulement en 1974 que la contraception est prise en charge par l’assurance-maladie !
Les années 1980 marquent un tournant dans l’histoire du petit laboratoire déjà révolutionnaire. À l’époque, le chercheur Patrick Choay travaille avec un certain Dr René Frydman. Le duo va mettre au point le premier prototype de cathéter de transfert embryonnaire. Ce prototype est en fait une des innovations qui a permis de donner naissance au premier bébé-éprouvette de France. Tout le monde se souvient d’Amandine née en 1982 ! Puis le scientifique devient directeur général du « Laboratoire Choay » avant de devoir quitter l’entreprise familiale lors de sa vente à Sanofi. En parallèle de ses travaux scientifiques, Patrick Choay se lance alors comme entrepreneur en démarrant une société aux États-Unis. C’est à ce titre qu’il contacte le Laboratoire CCD, pour des travaux sur la gynécologie et l’obstétrique. Finalement, le jeune homme rachète CCD à la veuve de son fondateur et il revient s’installer en France pour la piloter. C’est alors que CCD va produire et commercialiser le fameux cathéter dans sa version industrielle.
Des compléments alimentaires
Patrick Choay est un « trouveur », comme il se qualifie. Ainsi quand son épouse connaît des difficultés pour tomber enceinte à la fin des années 1980, on ne parle pas encore de micronutrition mais il lui cherche une solution dans cette direction. C’est dans ce contexte qu’a vu le jour le premier complément nutritionnel de CCD : Oligobs Grossesse. La légende dit que c’est ainsi qu’est née la quatrième fille de Patrick Choay, Jessica. La jeune femme, aujourd’hui formée à la naturopathie, fut donc le premier bébé « Oligobs ». À l’époque, le visuel publicitaire de ce produit novateur détonne. Une femme pose en gants de boxe et le slogan ose également bousculer les codes : « Les femmes enceintes ne sont plus ce qu’elles étaient. (tant mieux pour elles) ». Le cocktail de 17 vitamines et minéraux promet carrément : « une grossesse énergique et un post-partum tonique ».
À l’écoute de l’air du temps et des professionnels de santé, CCD fait d’Oligobs (pour « oligoéléments obstétriques ») une véritable lignée jusqu’à couvrir tous les besoins du couple de la préconception à l’allaitement. Au fil du temps, le laboratoire travaille à la création de compléments alimentaires notamment en lien avec les déséquilibres hormonaux. Dès les années 1990, la famille Oligobs s’élargit aux troubles prémenstruels, à l’inconfort urinaire (avec les premiers compléments à la canneberge en France !) et même à la procréation médicalement assistée avec Oligobs PMA. Les années 2000 vont encore plus loin avec des Oligobs Règles difficiles et Lactation Boost… Alors que parler de ménopause est de moins en moins un tabou, Ménocia Bouffées de chaleur est lancé en 2024, trois ans après un complément alimentaire pour le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK). CCD reste en phase avec les préoccupations de la Société. Au début de cette année, grâce à un travail en collaboration avec les Fivistes et les centres de PMA, des reformulations des Oligobs PROCREA F + et M + (respectivement pour la femme et pour l’homme) ont été mis sur le marché, là aussi dans un contexte porteur : la baisse de la fertilité devient particulièrement préoccupante en France.
Une autonomie de production
Au fil des ans, CCD va prendre de l’ampleur en se donnant les moyens de développer ses produits et de les fabriquer sur le territoire français. En 1987, le Groupe Choay né l’année précédente se dote d’un outil industriel en rachetant l’usine de plasturgie Prodimed, à Neuilly-en Thelle, dans l’Oise. Y sont produites les références CCD de gynécologie, d’obstétrique (comme les stérilets au cuivre) et de techniques de procréation assistée. La capacité de production sera étendue avec la reprise, 10 ans plus tard, du Laboratoire Creat, qui fusionnera en 2002 avec un autre, Bailly, pour donner naissance au site Bailly-Creat, à Vernouillet, spécialisé en formes sèches pour du médicament et des compléments alimentaires. À l’aube des années 2000, c’est au tour de l’usine Plastimed, au Plessis-Bouchard, dans le Val d'Oise de rejoindre le Groupe. Ce site va permettre la conception de dispositifs médicaux (DM) pour les hôpitaux.
Une communication BtoB ciblée
Le laboratoire communique essentiellement auprès des prescripteurs (gynécologues et sages-femmes) et des pharmacies. Il s’adresse aux officinaux grâce aux grossistes et aux groupements, pour lesquels il revendique une vingtaine de contrats-cadres. CCD contacte par ailleurs directement les pharmacies via une équipe interne d’une vingtaine de délégués pharmaceutiques en charge des 5 000 plus grosses officines sur le segment de la femme, et via Pharmedistore pour les autres, au moyen du site internet et du centre d’appels de ce partenaire. Mais surtout, les visiteurs des officines sont en mesure de former les équipes sur des sujets aussi pointus que le SOPK, le syndrome prémenstruel, la lactation, la grossesse, les déséquilibres hormonaux, la rééducation du périnée… Des cours sous forme de cas de comptoir sont également proposés en ligne via Pharmadischool.
60 ans en 2024
Résultat de cette stratégie centrée sur la femme et ouverte sur la recherche, CCD a vaillamment passé la soixantaine en 2024. Le laboratoire se revendique parmi les leaders des ventes de stérilets en cuivre en France. Il est incontournable avec son acide folique désormais prescrit à quasi 100 % des femmes enceintes. Enfin, c’est moins connu, mais il propose aussi des curettes pour les interruptions volontaires de grossesse (IVG), un marché qui, comme beaucoup, connaît des tensions d’approvisionnement actuellement. Aujourd’hui jeune octogénaire, Patrick Choay, qui fut élu membre titulaire de l’Académie Nationale de pharmacie en 1996, a passé la main opérationnelle fin 2020. Début 2025, son petit-fils Jules Segré a rejoint le groupe comme directeur du développement. Ce discret groupe pharmaceutique indépendant compte rester familial et, avec CCD, demeurer à l’écoute de la société pour le bien-être et la santé des femmes.
Date de naissance : 1964
Direction : Pierrick Halflants, directeur général du groupe Choay
Chiffre d’affaires : 26 millions d’euros en 2023 (selon Societe.com) dont la moitié générée par l’export dans plus de 100 pays (plus de 60 millions d’euros pour le Groupe Choay)
Top 3 de la contribution au chiffre d’affaires en France : 1. l’acide folique, 2. les stérilets, 3. le complément alimentaire
Nombre de salariés : environ 40 personnes et 40 délégués partagés.
Sites industriels : Bailly-Creat et Prodimed/Plastimed.
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