La journée du 1er juillet, qui a vu descendre des pharmaciens dans les rues de Paris, Marseille et Nice, n’est que le début d’un mouvement d’ampleur. Grève des gardes et grève du zèle, voire boycott de la vaccination, sont les menaces brandies par un collectif réunissant les groupements et l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF). Il promet de relâcher la pression à la seule condition que la profession obtienne un relèvement à 40 % du plafond des remises génériques, annoncé à 25 %, voire à 20 %, par le gouvernement. De leur côté, la FSPF et l’USPO entendent aussi poursuivre la mobilisation.
Une perte entre 30 000 et 60 000 euros par officine et par an, 6 000 pharmacies menacées et 20 % des emplois qui le seraient également, ces chiffres ont été agités hier dans les manifestations parisienne, marseillaise et niçoise, pour illustrer l’ampleur des dégâts que causerait un abaissement du plafond des remises génériques de 40 % à 25 % ou même à 20 %. Si l’État maintient cet objectif, les dommages collatéraux ne se feront pas attendre, le maillage territorial sera gravement endommagé et l’accès aux soins compromis, avertissent les représentants de la profession.
Pour parer à cette destruction du système de santé, l’Union des groupements de pharmacies d’officine (UDGPO), Federgy (le syndicat des groupements et des enseignes de pharmacie) ainsi que le troisième syndicat de la profession, l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) ont déroulé leur plan d’action. Depuis hier, ils appellent leurs confrères à cesser les gardes de nuit et à passer en mode dégradé les échanges avec la caisse primaire d’assurance-maladie. Dès le 15 juillet, ils proposent de suspendre la télétransmission, le retour à la feuille papier générant une lenteur administrative qui bloquera les services de la Sécurité sociale.
Le ministre de la Santé a annoncé le 1er juillet qu’il prorogerait par arrêté le plafonnement de la remise générique à 40 %, peut-être jusqu’à fin août. Cependant, si le gouvernement ne revient pas sur son projet d’abaisser ce plafond, l’UDGPO, Federgy et l’UNPF se déclarent prêtes à passer à la vitesse supérieure : dès le 1er septembre, les pharmaciens seront incités à ne plus délivrer les médicaments chers, car ils ne disposeront plus de la trésorerie nécessaire pour les acheter. « Nous renverrons les patients devant en bénéficier vers les centres hospitaliers. » Des licenciements à hauteur de 20 % des effectifs pourraient intervenir dès cette date pour éviter la fermeture de certaines officines. Par ailleurs, « les patients seront invités à se tourner vers d’autres professionnels de santé pour la vaccination Covid et la campagne antigrippale de cet hiver », déclare Daniel Buchinger, président honoraire de l’UDGPO qui appelle à l’unité de toute la profession pour faire pression sur le gouvernement.
Les trois organisations ont demandé à être reçues par le Premier ministre ainsi que par la ministre de la Santé. Parallèlement, elles ont sollicité par courrier recommandé 925 parlementaires leur demandant de « soutenir le maintien strict de la réglementation actuelle sur la marge des médicaments génériques, incluant la marge réglementée et la remise commerciale plafonnée à 40 % ».
À l’issue d’un conseil d’administration ce 2 juillet, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) a elle aussi décidé « la poursuite de la grève des gardes et la suspension de sa participation aux négociations en cours de l’accord conventionnel interprofessionnel relatif aux maisons de santé pluriprofessionnelles ». Le syndicat présidé par Philippe Besset tient à rappeler que « les pharmaciens ne sauraient se payer de promesses », réponse au « propos liminaire lénifiant » tenu le mardi 1er juillet par le ministre de la Santé, Yannick Neuder, ce dernier s’étant réfugié derrière le dernier avis du comité d’alerte de l’ONDAM pour justifier cette mesure sur les remises génériques. Du côté de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), on met en également en garde le gouvernement. « S’il venait à persister dans sa mise en péril du maillage officinal, de la santé publique et de la santé des patients, nous continuerons et amplifierons la mobilisation », prévient le syndicat.
Le combat s’annonce intense au vu des dernières déclarations de Catherine Vautrin et de Yannick Neuder ce mercredi au Sénat, lors de la séance de questions au gouvernement. La ministre a notamment rappelé l’ambition de l’exécutif de « renforcer le rôle des pharmaciens, avec les TROD, la vaccination et demain, le dépistage HTA. Ce sont d’autres activités qui vont apporter d’autres créations de revenus », a-t-elle souligné. Interrogé à son tour, Yannick Neuder est allé dans la même direction. « Il faudra trouver d’autres modes de fonctionnement pour assurer ce maillage indispensable qu’est celui des pharmacies », a-t-il ajouté, promettant des mesures en ce sens dans la loi Mouiller et dans le prochain PLFSS. Pour l’instant, le gouvernement et les représentants de la profession campent donc sur leurs positions.
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