La pharmacie : un alibi robuste pour les personnes en détresse
Le confinement du printemps 2020 a accentué l'isolement des victimes de violences conjugales ou familiales. Cette période a surtout annihilé les alibis utilisés habituellement pour contacter ou se rendre auprès des associations d'aide ou des services de protection, sans éveiller les soupçons du maltraitant. Dans ce contexte, les pharmacies d'officine, rare espace public et de santé à rester accessible normalement, ont été identifiées comme un prétexte de déplacement acceptable.
Une démarche différente selon l'âge
L'âge de la victime de violence conditionne la démarche à entreprendre. Toute maltraitance sur mineur, suspectée ou exprimée, doit faire l'objet d'un signalement. D'ailleurs, le code pénal prévoit des sanctions à l'encontre des personnes témoins de violence sur enfant, n'ayant pas informé les autorités. Pour les adultes, la démarche de secours est très différente. L'objectif est d'aider la victime à signaler ou déclarer elle-même les violences dont elle fait l'objet.
Pour les mineurs, un numéro : le 119
Pour les mineurs, un service national d'accueil téléphonique pour l'enfance en danger existe et est joignable au numéro 119. Ouverte 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, cette plateforme permet d'exposer la situation à des interlocuteurs experts. Cette démarche n'entraîne pas de conséquences immédiates. En revanche, si la situation est jugée effectivement préoccupante, une évaluation sera lancée et confiée aux services de protection de l'enfance du département.
Violence sur adulte : des réflexes à adopter
La prise en charge des confidences émanant de victimes de violences conjugales est plus délicate. Le rôle de l'équipe officinale face à une telle situation est d'écouter, de rassurer et surtout, de ne pas brusquer la personne. Lui dire qu'on la croit conforte la victime dans sa démarche de briser la spirale de violence dans laquelle elle survit. Lui dire que sa démarche de se confier va dans le bon sens, et que cela n'aura pas de conséquences dans l'immédiat la rassure. Enfin, il est important de garantir à la victime qu'elle trouvera toujours une écoute à la pharmacie, en toute confidentialité. Pour l'accueillant à l'officine, un élément est fondamental : ne pas faire à la place de la victime, c'est-à-dire lui laisser la maîtrise de sa démarche. Une action précipitée par une tierce personne risque de conduire la victime à se refermer, voire à nier les violences qu'elle subit, par peur et par honte.
Violences conjugales : du 3919 au 114
Comme pour les mineurs, une plateforme téléphonique, le 3919, a été mise en place en France pour soutenir et accompagner les victimes de violences conjugales. Des interlocuteurs formés à ces situations aident les victimes à avancer pas à pas dans leur démarche. Ces experts sont aussi disponibles pour orienter les professionnels de santé qui se trouvent démunis face à de telles confidences. Cette plateforme nationale d'écoute, anonyme et gratuite, n'est pas un numéro d'urgence. Si la victime se sent en danger immédiat ou si l'équipe officinale est témoin d'un flagrant délit de violence (ce qui est rare dans le cadre des violences conjugales), la consigne est de contacter la police ou la gendarmerie. Autre dispositif particulièrement pertinent et développé pendant le confinement, le numéro 114 permet d'envoyer un SMS pour demander un rendez-vous téléphonique. Pour le 114 comme pour le site arretonslesviolences.gouv.fr, ces systèmes ne sont pas traçables (le tchat sur le site n'apparaît pas dans l'historique de navigation).
L'orientation et le soutien : c'est déjà beaucoup
Face à des situations de violences conjugales, le rôle de l'équipe officinale est de soutenir les victimes et de les orienter vers des professionnels compétents dans ce domaine. Le premier travail à réaliser à l'officine consiste à dresser une liste des associations d'aides aux victimes présentes sur le territoire et des dispositifs nationaux. Cette liste peut être partagée discrètement avec les victimes. Les associations peuvent également aider les professionnels de santé à établir le protocole le plus adapté pour accueillir les victimes de violences. Enfin, chaque département s'est doté d'un interlocuteur spécialisé dans les violences conjugales, un référent qui fait le lien entre les services de polices, les services sociaux, et les professionnels de santé.
Sortir du cercle de la violence : un long parcours
Échapper à une emprise psychologique, réapprendre à se faire confiance et à faire confiance aux autres est un long parcours, ponctué de périodes de progrès ou, au contraire, de repli. À la pharmacie, le discours doit inviter la victime à revenir quand elle veut pour se confier, voire utiliser la ligne téléphonique pour appeler le 3919, en toute discrétion et sécurité.