La vague verte qui emporte une partie croissante de l’offre à l’officine, répond à une demande croissante de la clientèle. Ce constat désigne le rayon et les produits qu’il présente comme le premier élément témoignant de l’orientation du lieu de vente en matière de naturalité. Le linéaire, sa catégorie de marché, la place qu’il accorde aux formules naturelles, expriment d’emblée l’attention que porte l’officine à cette question. Et force est de constater que les rayons se multiplient sous la bannière du naturel : l’historique phytothérapie a ainsi vu, d’année en année, l’aromathérapie et la nutrithérapie de composition végétale gagner en importance, comme elle a pu observer l’apithérapie, l’oligothérapie ou la gemmothérapie sortir de leurs niches pour exposer leurs principes… Par ailleurs, tous les statuts - médicaments, compléments alimentaires et, de plus en plus, dispositifs médicaux - abritent désormais des formules à base d’extraits végétaux.
Mais une chose est de référencer des produits aux formules naturelles, une autre est de les conseiller. Car seuls ou en association, ces composants détiennent une certaine puissance d’action et peuvent interagir de façon indésirable. Ils font donc l’objet de formations incontournables comme celle qu’a pu dispenser Christine Cieur Tanquard, docteur en pharmacie, en matière de phyto-aromathérapie*. Réparti en 8 journées de formation étagées sur deux ans, l’enseignement aborde chaque discipline séparément sans oublier la nutrithérapie et l’oligothérapie. « Ces connaissances sont indispensables pour assurer un conseil efficace dans toutes ces disciplines et être à la hauteur de l’engagement pris par l’officine en termes de naturalité », explique la formatrice.
Une décision du pharmacien
Dans le module dédié à la phytothérapie, par exemple, tous les systèmes du corps humain – respiratoire, cutané, cardiovasculaire/circulatoire, locomoteur, digestif, nerveux, urogénital… - et les affections courantes dont ils peuvent souffrir sont abordés en rapport avec les plantes, leurs propriétés, leurs présentations et les façons de les administrer. La formation à l’aromathérapie, pour sa part, détaille les principales familles biochimiques des huiles essentielles, leurs propriétés, l’importance de la qualité, les voies d’administration, la posologie, la toxicité et les effets indésirables, les excipients (gel d’aloe vera, huiles végétales). Les champs d’application des produits de l’aromathérapie sont étayés d’un rappel physiologique et d’études de cas : pathologies infectieuses respiratoires, gastro-intestinales, urinaires, cutanées (eczéma, psoriasis, herpès, zona…), articulaires, affections buccales, sphère nerveuse, traitements associés à l’oncologie (hydrolats et aromacologie), prise en charge des douleurs, femmes enceintes et pédiatrie… « Les produits de phytothérapie et d’aromathérapie peuvent faire l’objet d’un conseil en première intention comme d’un conseil associé dans de nombreux cas de pathologies courantes. Mais ils nécessitent une décision, un investissement du pharmacien au préalable pour être mis en œuvre. »
Un choix qui pourrait s’avérer profitable si l’on considère l’essor des ventes de formules naturelles. « Le secteur du naturel – phytothérapie, aromathérapie, cosmétique bio – a vu son chiffre d’affaires progresser de 35 % en un an », indique David Van Acker, à la tête de l’entreprise d’agencement Mobil M. Témoin de l’engouement croissant pour les produits directement issus de la nature, le dirigeant a observé les changements de motivation et de comportement, comme l’illustre récemment l’utilisation grandissante de l‘application Yuka permettant au public de connaître instantanément la composition des produits qu’il scanne. L’émergence de tout petits laboratoires qui réussissent, grâce à leur positionnement, à être visibles dans une offre bien implantée est un autre signe du phénomène. « Il existe aujourd’hui une grande appétence pour tout ce qui relève du naturel. Notre rôle est de montrer que la pharmacie a investi ce créneau en théâtralisant le concept dans l’espace de vente. » Un espace où le bois est privilégié, dans les linéaires, les meubles bas ou l’habillage des murs, voit donc le jour agrémenté de plantes de toutes formes, murs végétaux, arbres dévitalisés, cactus en pot… « Le temps de visite d’un client en pharmacie est de 7 à 10 minutes. Dans les premières secondes qui suivent son entrée, il doit comprendre l’environnement dans lequel il se trouve. »
Théâtraliser l’espace
Un décor végétalisé et boisé va parler au public en évoquant immédiatement la nature et renseigner sur l’orientation de l’officine. « D’autres espaces peuvent témoigner de cet engagement », poursuit David Van Acker. Une offre en vrac, un rayon « do-it-yourself » précisent le positionnement du lieu de vente en termes de naturalité. « Il n’existe pas aujourd’hui une pharmacie qui ne présente pas un corner ou un rayon dédié aux produits naturels ou bio. C’est devenu une proposition incontournable. »
Le bois – associé au verre – est aussi au cœur du concept de naturalité imaginé par le réseau Pharm O’naturel. « C’est un bois prélevé dans des forêts françaises au mode de gestion responsable, travaillé par des menuiseries locales, donc issu d’un circuit court », précise Denis Fragne, un des dirigeants en charge du développement du réseau. Mobil Wood, principal fournisseur en mobilier pour les enseignes à positionnement « nature », a été choisi comme partenaire pour proposer aux pharmacies du groupement un agencement à géométrie variable : étagères murales, linéaires mobiles, meubles adaptés au vrac agrémentés de panneaux en ardoise, signalétique en bois… « Certaines de nos officines sont tout en bois. C’est un matériau aux teintes douces, à l’odeur particulière qui crée une ambiance chaleureuse. » Le concept store signé Pharm O’naturel met l’accent sur l’herboristerie aux moyens d’un meuble spécifique à tiroir transparent et d’un bar à tisanes qui invite la clientèle à découvrir la gamme et même, pour ceux qui le souhaitent, à en déguster les mélanges. Mais la naturalité trouve ici d’autres voies d’expression. « Toute l’offre classique est accompagnée d’une offre axée sur le naturel quand c’est possible. Ce double référencement peut se mettre en place progressivement. » Le rayon de la cosmétique en vrac, pour sa part, fait l’objet d’un partenariat avec un fabricant (Sarmance) qui a élaboré une machine distributrice capable de réduire le risque sanitaire lié à une dispensation en vrac. Un autre partenaire (Endro) fournit au réseau des packagings recyclables et des contenants réutilisables. « Les pharmacies qui nous rejoignent vont travailler la naturalité dans tous les espaces de l’officine, de l’agencement au référencement », conclut Denis Fragne.
Et de références il est question, lors des mises en avant qui peuvent suggérer le concept rien qu’en surexposant une gamme aux ingrédients naturels en vitrine ou dans l’espace de vente. « Nous disposons d’un corner dédié aux produits bio qui est réassorti régulièrement, témoigne Anne Leclercq, titulaire sur la côte basque. Il attire tout de suite l’attention du public. » Toutes les indications qui font référence à un extrait végétal, une composition naturelle, un label écologique ou une origine locale sont attractifs aux yeux du public. « Ces mentions peuvent facilement être signalées dans le rayon et favorisent la vente. » Mais elles suscitent aussi les questions de la clientèle. « Il faut améliorer la connaissance qu’ont les équipes des actifs naturels et de leurs propriétés afin de proposer un conseil plus poussé. »
* Formation AP2 Phytothérapie créée par la pharmacienne Danielle Roux.