Ancestrale, résistante, la formule de Schoum est élaborée dans la toute première décennie du XXe siècle, en 1907. Son auteur n’est autre qu’un médecin généraliste qui, pour répondre à une problématique bien spécifique de sa clientèle, décide de miser sur ses propres capacités de préparation.
Régulièrement sujets aux petits soucis hépatiques que ne manquent de déclencher excès de bonne chère et bombance en tout genre (mais aussi tous désagréments digestifs), les patients du Dr Marcel de Lannoïse se pressent à la consultation du cabinet médical de Courbevoie. Pour faire face à la demande et soulager les foies fatigués, le praticien puise dans ses connaissances en phytothérapie pour développer un remède à base de plantes. Trois extraits fluides – fumeterre, bugrane, piscidia erythrina – se combinent au sein d’une solution faite de sorbitol, d’acide citrique et d’alcool dosé à 40 %.
Les extraits végétaux sont soigneusement choisis en fonction des propriétés qu’ils présentent : la fumeterre, autrefois connue sous le nom « d’herbe à jaunisse », est considérée comme un purgatif doux. Traditionnellement classée parmi les plantes cholagogues, elle est utilisée aujourd’hui pour ses effets diurétiques et laxatifs dans les troubles gastro-intestinaux, biliaires et digestifs. La bugrane est également dotée de propriétés diurétiques que lui confère un composé spécifique, le triterpénoïde. Son action permet un drainage efficace des reins et de la vessie, mais la plante facilite également la digestion en favorisant la vidange biliaire. Le piscidia erythrina, enfin, dispose de propriétés antispasmodiques et analgésiques.
Cocktail exotique
À l’aube du XXe siècle, la clientèle du Dr de Lannoïse est la première à mesurer les vertus de la solution. Ses effets bénéfiques font bientôt l’objet d’un bouche-à-oreille récurrent qui conduit le praticien à envisager une dispensation plus large de la préparation magistrale. Il se tourne alors vers quelques officines qui, outre le référencement de l’élixir, vont contribuer à lui assurer une notoriété rapide. Présentée sous forme de solution buvable, la formule doit cependant être baptisée avant d’être commercialisée. Le médecin se souvient alors d’un voyage qu’il a effectué en Asie, au cours duquel il avait eu l’occasion de goûter à un alcool de riz savoureux. La boisson, apparentée au Saké habituellement consommé au Japon, est différemment désignée sous le nom de « Schoum » en Chine et « Schoum Schoum » au Vietnam. Court, original et exotique, le mot s’appliquerait parfaitement à l’élixir qui, en outre, abrite aussi une proportion certaine d’alcool. Ainsi naît le nom d’une marque qui va enjamber deux siècles.
Produite par la société Schoum, créée à l’occasion par le Dr de Lannoïse, la solution devient l’allié incontournable des repas de fête et des tables bien garnies. En quelques décennies, cependant, le petit laboratoire a dû faire face à une demande croissante et les successeurs de Marcel de Lannoïse, qui en ont pris les commandes, doivent trouver le moyen d’y répondre. L’opportunité se présente par le biais des Laboratoires Parisiens, implantés à Courbevoie, qui assurent alors la production d’une célèbre marque d’hygiène infantile, si intimement liée à l’image du bébé qu’elle en deviendra une expression ! « L’usine Cadum », pour ne pas la nommer, ouvre ses portes à la formule Schoum, lui permettant de passer à une autre échelle de fabrication. Dès lors produite en quantité industrielle, la solution buvable impose indéfectiblement son nom à toute une génération de foies fatigués. Il aura cependant fallu attendre 1950 pour que sa formule soit déposée en tant que médicament de phytothérapie auprès des autorités de santé.
Trois arbres pour renaître
La solution buvable reste la seule référence à porter le nom de Schoum jusqu’en 2017. Durant des années, sous l’égide de différents laboratoires, dont Oméga Pharma, la marque a vécu de sa belle notoriété. Mais, au fil du temps, son aura s’est affaiblie et elle s’est faite plus discrète dans le paysage officinal. Là n’est pas la seule difficulté qu’elle va devoir affronter en cette fin de décennie. Car l’ANSM a durci ses exigences concernant les complexes de plantes avec AMM, demandant que soit fourni un dossier pour chacun des végétaux intégrant la formule. Cette décision signe l’arrêt de la commercialisation de Schoum, qui ne peut poursuivre sa vocation en tant que médicament face à la lourdeur des procédures à engager.
La marque n’a pourtant pas dit son dernier mot et son absence passera presque inaperçue tant elle sera furtive… Car dès 2021, elle rejoint le laboratoire Les Trois Chênes qui va lui offrir sa toute première cure de jouvence en 114 ans d’existence ! Tout d’abord, la formule est remaniée. Débarrassée de sa fraction d’alcool, elle conserve la fumeterre et la bugrane, auxquelles sont associés deux nouveaux actifs, la racine de bardane et la chicorée. La première, riche en acides phénols, est reconnue comme diurétique et sudorifique, agissant comme un bon dépuratif général et favorisant l’élimination des éléments résiduels de l’organisme par les glandes sudoripares ; tonique, apéritive, dépurative et légèrement laxative, la seconde est capable de soulager les troubles gastriques fonctionnels et dispose, entre autres, d’un effet prébiotique.
La galénique est également révisée car il faut varier les formes pour séduire un large public. La marque Schoum signe désormais une gamme qui, aux côtés de sa présentation historique, la solution buvable en bouteille de 500 ml, accueille des comprimés, galénique préférée des Français, conditionnés par étui de 30, des ampoules de 10 ml qui constituent une forme en plein essor et des sachets de tisane bio. Toutes ces références, hormis la tisane, ont le statut de complément alimentaire.
Jamais sans humour
Étoffée, révisée, la ligne est également rhabillée pour adopter une nouvelle identité graphique qui restera cependant fidèle aux couleurs originelles du produit, le jaune et le bleu. Une référence au passé à laquelle les 3 000 officines, où elle est relancée début 2022, sont sensibles, éprouvant une certaine nostalgie pour les valeurs que la marque de conseil véhicule. Le nouveau message - « Schoum, la solution pour les repas trop badaboum » - qui accompagne sa mise en avant, ne détonnera pas dans ce tableau. Car son ton décalé fait directement référence à une série de planches humoristiques que la marque avait inspirée à Jacques Faizant aux premiers temps de sa carrière et que le célèbre dessinateur avait réunie sous le titre « La Schoumologie ».
Sous l’égide des Trois Chênes, l’avenir de la marque s’annonce tout aussi souriant. Ses performances commerciales, sa notoriété, sont autant d’atouts pour un laboratoire qui, grâce à elle, peut intégrer par la grande porte un univers imposant de la médication familiale, celui des troubles digestifs. Last but not least, le marché de la dyspepsie est en pleine évolution, affichant des progressions (en valeur) à deux chiffres (+46 % en 2020, + 23 % en 2021), agissant comme un levier puissant pour tout le rayon de la digestion. Un dynamisme auquel la jeune gamme au parcours centenaire devrait généreusement contribuer.