Le système classique d'autosurveillance glycémique repose sur la mesure de la glycémie capillaire au moyen d’un lecteur qui indique la glycémie à un instant donné ou en continu. Un suivi pluriquotidien permet au patient d'adapter lui-même son insulinothérapie. L’efficacité du traitement s’évalue de proche en proche par la mesure de l'hémoglobine glyquée (HbA1c < 7 %) sur sang veineux, en laboratoire, par la fréquence et la durée des excursions glycémiques en prenant bien sûr en compte la qualité de vie du patient et les contraintes que lui impose son traitement. Les progrès techniques décisifs réalisés depuis une soixantaine d’années approchent toujours plus ce que pourrait représenter un « pancréas artificiel ».Autosurveillance de la glycémie. Le premier système permettant de quantifier aisément la glycémie fut développé au début des années 1960 par deux biochimistes américains, Leland C. Clark (1918-2005) et Champ Lyons (1907-1965).Le glucomètre fut quant à lui développé à la fin des années 1960 par un ingénieur du laboratoire américain Ames, Anton H. Clemens (1928-2011) et utilisé à partir de 1971. Les dispositifs portables commercialisés en 1981 par Bayer (Allemagne) et Roche (Suisse) offrirent de nouvelles possibilités d’autosurveillance.Les glucomètres actuels reposent sur une méthode non plus colorimétrique mais électrochimique. Le glucose du sang capillaire prélevé avec une lancette ou un auto-piqueur réagit sur une bandelette avec de la glucose-oxydase ou une autre enzyme plus ou moins spécifique du glucose (tout dépend du modèle), induisant un courant électrique proportionnel à la quantité de glucose contenue dans l’échantillon. Il existe des modèles fonctionnant sans bandelette : la microgoutte de sang est analysée directement grâce à une électrode enzymatique. Le glucose est oxydé par la glucose-oxydase à l’anode qui fournit des électrons au circuit électrique de mesure.Dans les années 2000, l’avènement des capteurs réalisant une surveillance en continu de la glycémie interstitielle (Continuous Glucose Monitoring ou CGM ; surveillance continue du glucose ou SCG) constitua une étape décisive. Le signal électrique transduit est proportionnel à la concentration du glucose dans l’environnement du capteur.Désormais hautement miniaturisés (deux pièces de 5 centimes superposées pour FreeStyle Libre 3), ces systèmes sont constitués d'une électrode insérée en sous-cutané (généralement au niveau de l’avant-bras) au cabinet médical ou par le patient (selon le système : Dexcom G6, Free Style Libre, etc.), d'un émetteur et d'un récepteur qui affiche la glycémie interstitielle quantifiée toutes les quelques minutes. Celle-ci reflète fidèlement la glycémie capillaire quand elle reste relativement constante au cours du temps, avec au plus un décalage de quelques minutes. Ces systèmes évitent de devoir se piquer plusieurs fois par jour ; certains d’entre eux nécessitent d’être calibrés vs sang capillaire pour optimiser la précision des mesures, d’autres non (ex : Free Style Libre, qui intègre néanmoins un lecteur de glycémie capillaire). La communication capteur/récepteur se fait par Bluetooth ou NFC (Near-Field Communication) selon le modèle : les mesures sont lues sur tablette, smartphone ou smartwatch. Le système affiche la courbe glycémique bien sûr mais aussi des indications sur le sens et la vitesse de son évolution, conserve en mémoire les données antérieures et certains modèles émettent des alertes lorsque la glycémie tend vers une zone à risque, programmable par le patient. Selon le modèle, la durée de vie du système varie de 5 à 14 jours (ex : 10 jours pour Dexcom G6, 14 jours pour FreeStyle Libre 3) : elle est notamment liée à celle du capteur et de la pile du transmetteur.Un système de surveillance « flash » du glucose (FGM ou Flash Glucose Monitoring = surveillance continue à balayage intermittent ou SCGbi) envoie les mesures au récepteur seulement quand on le rapproche du capteur - donc à la demande. Sa durée de vie est supérieure à celle de la plupart des systèmes continus (14 jours pour FreeStyle Libre 2 avec alerte lorsqu’il y a lieu de changer le capteur) mais il ne peut pas se connecter à une pompe à insuline et la plupart des modèles n’alertent pas le patient s'il y a des périodes d’hyper/hypoglycémie entre les mesures.Pompes à insuline et « boucles ouvertes ». Les premiers systèmes d’insulinothérapie IV automatisée furent conçus dans les années 1970 puis la pompe à insuline externe avec administration SC fut développée à partir de la décennie suivante. Généralement reliée par une tubulure à un cathéter introduit sous la peau (et repositionné régulièrement pour prévenir le risque de lipodystrophie), cet injecteur miniaturisé placé sur le ventre fonctionne sur pile et contient une réserve allant jusqu’à 300 UI d’insuline « rapide » (Novorapid, Humalog, Apidra…) dans un réservoir à remplir ou dans une cartouche pré-remplie, le tout à changer tous les 2-3 jours.La pompe administre le médicament avec un débit programmé par le patient ou par le médecin (débit basal sous forme de très petites doses administrées en continu, pouvant varier selon l’heure pour les modèles plus complets + bolus commandé par le patient pour couvrir les glucides absorbés, lors d’une collation ou pour corriger une hyperglycémie) : son fonctionnement n’est pas couplé aux données produites par le capteur. Dit en « boucle ouverte », ce système requiert une autosurveillance glycémique régulière contraignante mais supprime les injections manuelles d'insuline auxquelles il constitue une alternative.Les pompes non réutilisables (« pod » ou « patch ») sont fixées à même la peau, sur une couche de tissu adipeux (notamment, abdomen, hanche, bas du dos, fesse, cuisse, haut du bras du patient) et fonctionnent sans cathéter grâce à une canule de 9 mm insérée automatiquement lors de leur pose (voir plus bas, système Omnipod).Algorithmes et « boucles fermées ». L’objectif thérapeutique est de maintenir la glycémie un temps minimum dans une fourchette-cible (TIR ou Time in range). Celle-ci est fixée à 0,70-1,80 g/L > 70 %, avec un temps passé en dessous de la cible (TBR ou Time below range) < 0,70 g/L < 4 % (avec en particulier un TBR < 0,54 g/L < 1 %) et un temps passé au-dessus de la cible (TAR ou Time above range) > 1,80 g/L < 25 %.L’atteinte d’un tel objectif requiert le recours à des dispositifs asservissant l’insulinothérapie à la glycémie interstitielle instantanée ou prédite. Leur développement doit tout à des algorithmes ayant permis la conception de systèmes sophistiqués s’approchant toujours plus d’un « pancréas artificiel » : l’insulinothérapie est suspendue, réduite ou augmentée selon la glycémie actuelle ou à venir. Ces dispositifs dits en « boucle fermée » associent donc une pompe et un capteur glycémique grâce à un algorithme placé soit dans un boîtier indépendant (smartphone pour le système DBLG 1 de Diabeloop, ce qui facilite la télésurveillance), soit, plus généralement, dans la pompe (ce qui réduit le risque en cas de déconnexion de la liaison). Il reçoit et traite les informations du capteur puis transmet des signaux de commande à la pompe, intègre les variations de la glycémie qu’il corrige de façon autonome, gère les quantités d’insuline administrées par voie SC ainsi que la durée des administrations, mémorise et traite des données propres au patient afin de s’adapter à son profil (il lui faut 10 à 15 jours pour se « renseigner »). Les algorithmes dits « interopérables » permettent au patient d’adopter un capteur et/ou une pompe de divers modèles pourvu qu’ils soient également validés comme « interopérables ». Ces « boucles fermées » réduisent le temps en situation d'hyper- ou d'hypoglycémie et les contraintes qu’impose la correction des excursions glycémiques. Il en existe deux types[1] :- Les systèmes en « boucle fermée hybride » requièrent l'intervention du patient car l’algorithme doit être renseigné sur les « événements » susceptibles de modifier la glycémie : prise d'un repas (par exemple, indication de la quantité de glucides consommée), activité physique, sommeil, etc. En se basant sur les données du capteur et sur l'évolution estimée de la glycémie, ils ajustent la quantité d’insuline. Ces dispositifs ne gérant pas de façon totalement autonome les bolus à réaliser lors des prises alimentaires ou lors de la pratique d’une activité physique, ils ne sont pas destinés à l’ensemble des patients diabétiques : leur usage optimal et sécurisé nécessite une formation dédiée et une bonne pratique de l’insulinothérapie fonctionnelle.- Les algorithmes des systèmes en « boucle fermée totale » (non encore disponibles) contrôleront la glycémie sans saisie d'annonces et les contraintes imposées au patient seront dès lors vraiment minimales.Chaque système a son propre algorithme qu’il est possible pour certains de pré-régler parfois heure par heure. Les boucles offrent des options plus ou moins adaptées au style de vie (activité sportive programmable à l’avance ou non, etc.) ou aux événements intercurrents (fièvre, etc.). Certaines permettent de personnaliser les cibles glycémiques, de programmer des bolus prolongés, etc. en fonction notamment du calcul de la sensibilité individuelle à l’insuline et offrent une fonctionnalité de self-learning (l’algorithme apprend de ses propres erreurs) ou de prédiction des excursions glycémiques. Plusieurs boucles fermées ont obtenu le marquage CE et sont disponibles en France ou en instance de l’être (liste non limitative ; données techniques non exhaustives et sujettes à actualisations rapides dans ce domaine technologique très mouvant) :-> Le système MiniMed 670G (Medtronic), première boucle approuvée par la FDA en 2016, utilise un algorithme avec capacité de prédiction (technologie PID ou Proportional integral derivative) traitant les informations issues d’un capteur Guardian. Le système MiniMed 780G en constitue une version améliorée.-> La boucle développée par l’équipe de Roman Hovorka (Cambridge) fonctionne avec le capteur Dexcom G6 et avec les pompes Dana RS ou Dana I. L’application CamAPS FX (CamDiab Ltd) repose sur un algorithme de type MPC (Model predictive control) téléchargeable dans une version interopérable. Elle fonctionne sur Android avec un téléphone compatible avec le Dexcom G6. L’algorithme calcule la sensibilité à l’insuline ainsi que la durée d’action de l’insuline.-> La boucle DBLG 1 (Diabeloop) repose sur un algorithme élaboré en partenariat avec le CEA géré par un terminal indépendant auquel ont été connectées les pompes Cellnovo puis Kaleido et le capteur Dexcom G6.-> La boucle Control-IQ (Tandem Diabetes Care) couple la pompe Tandem t:slim X2 à la mesure continue de la glycémie par le capteur Dexcom G6 et intègre l’algorithme Control-IQ.-> La boucle Omnipod Horizon (Insulet) est actuellement la seule dotée d’une pompe patch (Omnipod). Elle est asservie au capteur Dexcom G6 par un algorithme MPC (Model predictive control) embarqué dans le pod.Sans entrer ici dans les détails, soulignons qu’il existe des algorithmes open-source traitant les datas de divers capteurs et contrôlant diverses pompes : ces assemblages ne sont pas conformes aux spécifications actuelles et exposent à des accidents.
Régulation glycémique
Publié le 01/09/2022
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Source : lequotidiendupharmacien.fr
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