L’agence du médicament répète sa recommandation d’éviter de prendre de l’ibuprofène ou du kétoprofène en première intention en cas d’infection hivernale. Ces AINS peuvent masquer, voire faire flamber une infection bactérienne. Les dernières données de pharmacovigilance sont particulièrement préoccupantes.
« En cas de fièvre ou de douleurs liées à une infection hivernale (angine, bronchite, otite…), les AINS comme l’ibuprofène ou le kétoprofène peuvent masquer les symptômes d’une infection bactérienne (streptocoque, pneumocoque) et retarder un traitement adapté. Le paracétamol est toujours à privilégier en première intention. » Ce message, que répète aujourd’hui l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), est loin d’être anodin. Et malheureusement, loin d’être toujours respecté. Avec pour conséquence, la notification régulière de cas d’infections bactériennes graves dans un contexte de prise d’un AINS pendant un épisode infectieux. D’ailleurs, les données du dernier rapport de pharmacovigilance sont particulièrement préoccupantes, par la sévérité des tableaux cliniques, par le nombre de cas rapportés et par le type de population touchée (des enfants et des jeunes adultes sans facteur de risque), a fortiori dans un contexte de diminution des ventes d’AINS.
Selon ce rapport, entre le 1er janvier 2019 et le 30 juin 2023, 162 cas graves d’infections bactériennes ont été déclarés en France avec l’ibuprofène, et 54 avec le kétoprofène. Douze personnes sont décédées, dont des enfants et de jeunes adultes en bonne santé.
Le rapport, qui ne s’est penché que sur les infections invasives à streptocoque sous AINS, insiste sur la gravité des tableaux cliniques. Pour l’ibuprofène, sur 63 patients ayant eu une infection invasive à streptocoque sous AINS, 14 % sont décédés (9 patients, dont 5 enfants), 38 % ont eu leur pronostic vital mis en jeu, et 5 % ont des séquelles. L’ibuprofène avait été pris en automédication dans 43 % des cas, et prescrit dans 57 %, parfois en association avec une antibiothérapie. La durée médiane de traitement était courte (3 jours), soulignant qu’un usage ponctuel suffit à majorer le risque.
Pour le kétoprofène, le rapport souligne qu’il y a eu des formes sévères d’infection à streptocoque, mais exclusivement chez l’adulte. Sur 16 cas, 18 % des patients sont décédés (3 patients), 18 % ont présenté un pronostic vital engagé, et 6 % ont conservé des séquelles. Contrairement à l’ibuprofène, le kétoprofène a rarement été donné pour traiter une fièvre, mais plutôt pour traiter des douleurs post-traumatiques ou articulaires, sans antibiothérapie associée.
Au final, ces données confirment que l’utilisation des AINS — ibuprofène, kétoprofène et potentiellement fénoprofène — dans la fièvre et la douleur non rhumatologique constitue un facteur de risque majeur d’aggravation des infections streptococciques, même lors de traitements courts et même en association avec une antibiothérapie.
Il ne s’agit pas uniquement d’un effet de masquage des symptômes comme il est souvent avancé, mais il existe bien un effet intrinsèque des AINS qui favorise la dissémination bactérienne. « Dans un contexte de recrudescence des infections invasives à streptocoques A en Europe, ces résultats imposent une vigilance renforcée, une meilleure information des professionnels de santé et des patients, ainsi qu’un encadrement strict des pratiques de prescription et de délivrance », soulignent les auteurs du rapport.
L’ANSM rappelle les recommandations suivantes aux pharmaciens :
- Conseiller le paracétamol en première intention en cas de fièvre ou de douleur, et rappeler la posologie recommandée (la dose la plus faible possible, sur la durée la plus courte possible).
- Déconseiller l’automédication par AINS en cas de syndrome grippal, de varicelle ou d’infection ORL.
- Informer les patients que les AINS peuvent masquer les symptômes d’une infection, faisant courir le risque de complications graves et d’un retard de prise en charge.
- Rappeler aux patients de consulter un médecin si la fièvre ou la douleur s’aggravent ou si ces symptômes persistent chez l’adulte au-delà de 3 jours en cas de fièvre et de 5 jours en cas de douleurs, et dans des délais plus courts chez l’enfant dans certaines situations.
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