Risques de contrefaçons Outre-Rhin

Importations parallèles : l’Allemagne est-elle allée trop loin ?

Publié le 29/09/2014
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« Quand je délivre certains médicaments, je redoute qu’une contrefaçon arrive chez mes patients et j’ai parfois de vrais problèmes éthiques » : cet aveu public d’une pharmacienne, au cours du congrès des pharmaciens allemands qui vient de se tenir à Munich, illustre les doutes croissants des officinaux face aux importations parallèles et aux réimportations, qui constituent une part significative de leurs approvisionnements… mais facilitent largement, selon eux, l’arrivée de produits d’origine douteuse dans leurs stocks.

TOUCHÉE ces derniers mois par plusieurs cas de contrefaçons, l’Allemagne a été particulièrement choquée, cet été, par une affaire de médicaments anticancéreux volés dans des hôpitaux italiens, dont beaucoup sont arrivés ensuite chez des grossistes parallèles allemands. La plupart des produits, notamment de l’Alimta, de l’Avastin et de l’Herceptin, ont pu être saisis avant d’être délivrés aux patients, mais de nombreux grossistes en ont acheté sans connaître leur provenance réelle, l’un d’entre eux ayant toutefois décelé des anomalies qui ont contribué à mettre fin au trafic. Celui-ci, organisé par une bande spécialisée dirigée par un patriarche de 80 ans, aujourd’hui sous les verrous, durait depuis plusieurs années et concernait en particulier des hôpitaux romains. Il est vraisemblable que d’autres spécialités aient été volées, puis revendues à l’étranger, estiment les autorités sanitaires italiennes qui ont fortement renforcé leurs contrôles.

Pour les pharmaciens allemands, ces médicaments volés révèlent une nouvelle fois les failles des importations parallèles qui, encore marginales il y a une quinzaine d’années, représentent aujourd’hui 5 % de leurs ventes, voire plus de 10 % pour certaines officines. Encouragées par les caisses d’assurance-maladie pour des raisons d’économie, elles se sont d’autant plus multipliées que le nombre d’exportateurs, et surtout d’importateurs, a explosé ces dernières années.

Il y a dix ans, suivre un médicament produit en Allemagne, vendu en Grèce et racheté par un importateur britannique était relativement simple. Aujourd’hui par contre, tracer un médicament produit en Hongrie, réétiqueté en Lituanie et revendu en Suède par un trader maltais est nettement plus compliqué, sans même parler de la mondialisation des marchés parallèles : les importateurs-exportateurs venus du Moyen-Orient, mais aussi Chinois, Indiens et Pakistanais sont de plus en nombreux à travailler avec l’Europe, laquelle a par ailleurs récemment ouvert cette activité aux « courtiers en médicaments », et non plus aux seuls pharmaciens grossistes.

Sécuriser l’approvisionnement.

Plusieurs résolutions adoptées lors du congrès de Munich ont demandé au gouvernement de supprimer l’obligation faite aux pharmaciens d’importer au moins 5 % de leurs stocks, et de renforcer les contrôles sur les grossistes parallèles, chez qui les contrefaçons et autres produits douteux seraient « surreprésentés » par rapport au volume de leurs transactions. Beaucoup de pharmaciens redoutent de délivrer à leurs patients des contrefaçons, d’autant que le système de sécurité élaboré par l’ensemble de la chaîne pharmaceutique allemande, Securpharm, ne sera opérationnel qu’en 2018.

L’association européenne des importateurs parallèles (EAEPC) rejette toutefois les critiques des pharmaciens, et souligne que c’est l’un de ses membres qui a découvert que l’Herceptin italienne provenait de vols. Elle assure que son activité respecte toutes les obligations légales et sécuritaires du médicament, en rappelant que, dans cette affaire, ce sont les faux documents et les fausses factures qui ont abusé les autorités romaines, ouvrant ainsi la voie à l’exportation des produits.

DENIS DURAND DE BOUSINGEN

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3118