Pas de désamour envers l’officine
« Il n’y a pas une désaffection, les jeunes en faculté sont de plus en plus enclins à prendre cette filière, mais ce sont des nouveaux pharmaciens qui vont être formés dans 4-5 ans. Lorsque nous voyons les doyens de facultés, nous constatons que les promotions qui suivent la filière officine sont de plus en plus importantes donc cela va repartir mais pour l’instant c’est un peu compliqué », explique Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO). Un intérêt certain confirmé par les propos de Numan Bahroun, président de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF) : « Il n’y a pas de désamour envers l’officine. Nous le remarquons en regardant les chiffres. Une partie est intéressée par l’industrie mais l’officine reste majoritaire dans le vote des étudiants en pharmacie. » Faire découvrir le quotidien d’une officine et les nouvelles missions qui ont émergé avec la crise sanitaire peut s’avérer être un véritable enjeu pour la profession, la continuité de l’offre de soins et le maillage territorial. Promouvoir l’exercice du métier en officine est un des combats de l’ANEPF : « Il s’agit de montrer le panel de métiers et de donner les cartes à tous les étudiants, qu’ils soient déjà en pharmacie ou en train de passer leur première année, sans oublier les lycéens. Nous avons un guide, des journées de formation, par exemple, pour promouvoir l’installation. Le but de notre association est aussi de combler ce manque d’information. » Dans ce contexte favorable à l’officine, l’État va devoir passer à la vitesse supérieure et faire avancer réformes des études et négociations de la nouvelle convention.
La nouvelle convention peut-elle faire bouger les lignes ?
« Elle peut changer la donne en continuant d’accélérer l’attractivité du métier. Il faut qu’elle évolue au niveau économique pour stabiliser le réseau. Pour qu’il y ait de vraies perspectives de salaires, il faut que l’officine soit revalorisée », explique Pierre-Olivier Variot. Même son de cloche du côté des étudiants en pharmacie, « la convention pharmaceutique peut s’avérer être un enjeu pour le métier, nous allons définir la rémunération et le cadre du pharmacien titulaire d’officine ».
Concernant les 3 % d’augmentation du point officinal, Nicolas Baldo, expert-comptable chez KPMG et responsable du Hub Provence, rappelle que, « s’il rentre en vigueur en juin, il faudra voir le niveau inflationniste. Si nous avons 3 % d’inflation et que les salaires augmentent de 3 %, il n’y aura pas forcément de hausse du pouvoir d’achat ».
Une réforme du troisième cycle très attendue
Elle est au point mort, mais force est de constater qu’elle ne peut attendre plus longtemps. « Nous avons fait des propositions au gouvernement comme celle de mettre la sixième année de pharmacie en internat. Les étudiants auront le statut d’interne. Cela présente les avantages d’être mieux rémunéré, de prendre en charge les déplacements et la location du logement où ils sont envoyés car ils doivent revenir en faculté dans leur ville universitaire », souligne le président de l’USPO. Une solution qui permettrait à certains étudiants de se rendre dans les réseaux en difficulté, qui serait une opportunité pour relancer l’attractivité de la ruralité. Et c’est sans compter que toutes les régions sont concernées. Une position que le président de l’ANEPF partage : « Cette réforme pourrait apporter des solutions aux pharmaciens dans le sens où nombreux sont ceux qui cherchent une personne car ils ne sont pas à côté d’une ville universitaire. Ils sont en milieu rural et ont moins d’attrait. Il y aurait une rémunération de l’étudiant quand il est en dehors de son territoire universitaire ou de sa ville d’étude, des indemnités de transport, d’hébergement. » Concernant le métier de préparateur, le DEUST permettra de valoriser la fonction mais devra s’accompagner d’une revalorisation de la rémunération. « Les préparateurs peuvent être fortement utilisés par le pharmacien afin que les missions soient pleinement garanties », ajoute Numan Bahroun. Ce que confirme Pierre-Olivier Variot : « Nous n’avons pas forcément beaucoup de préparateurs, nous avons besoin d’eux, surtout dans des régions sous-denses. »
La robotisation, une alternative ?
Des titulaires ont opté pour ce choix voilà quelques années. Une nouvelle façon de travailler, du temps dégagé mis à profit du patient et des nouvelles missions. C’est un investissement qui peut aider à gagner en productivité, soulager l’équipe officinale et apporter un confort de travail certain, surtout en cette période de pénurie de personnel, pharmaciens adjoints et préparateurs compris. « Avoir un robot peut permettre de doper le chiffre d’affaires par équivalent temps plein. J’ai visité des pharmacies qui, lorsqu’elles maîtrisent parfaitement l’utilisation du robot ou de l’automate, arrivaient à 400-500 euros de chiffre d’affaires par équivalent temps plein », explique Nicolas Baldo. Il convient néanmoins de s’interroger sur la capacité financière de l’officine à supporter un nouveau remboursement. Cette opportunité est à étudier avec votre expert-comptable.
Trésorerie : vigilance pour assurer la pérennité de l’officine
Cette pénurie de personnel amène certains titulaires à faire de la surenchère lors d’embauche de collaborateurs. En effet qui dit pénurie dit rareté, et par conséquent augmentation des salaires. Or, avec des salaires bruts et des charges patronales qui vont augmenter, l’EBE va se détériorer. Selon Nicolas Baldo, « ce qu’il faudrait faire pour embaucher, c’est se dire j’ai fait plus 5 par exemple avec la crise sanitaire, si je suis à flat et que j’embauche, ma performance commerciale de gestion (ou EBE) sera-t-elle suffisante pour rembourser mon emprunt, pour continuer à me rémunérer. Il faut regarder ces indicateurs ainsi que le ratio de 319 000 euros de chiffre d’affaires TTC par équivalent temps plein ». Selon KPMG, pour un titulaire, le ratio frais de personnel sur chiffre d’affaires doit être de 9,4 % dans une pharmacie de 1 100 000 euros ; de 11,4 % pour une pharmacie dont le chiffre d’affaires se situe entre 1 100 000 et 2 200 000 d’euros et de 12,4 % au-delà de 2 millions d’euros. « Nous avons ces deux ratios assez discriminants pour savoir si l’officine est en sous-effectif ou sureffectif, savoir si le coût du personnel n’est pas trop élevé eu égard le chiffre d’affaires. » Certains titulaires n’ont pas d’autre choix que de rémunérer davantage leurs salariés, sinon ils ne recrutent pas. Les frais de personnel augmentent plus que la marge en raison des nouvelles missions, ils sont en constante hausse depuis 2017 et ont augmenté cette année de 3,30 %. Avant de prendre toute décision, il est préférable d’en parler avec votre expert-comptable.