Actifed, Humex, Dolirhume, Rhinadvil seront listés à partir de demain et par conséquent accessibles uniquement sur ordonnance. Une décision de l’ANSM qui, si elle est respectée par les instances de la profession, ne manque pas de soulever plusieurs interrogations quant à sa pertinence. Et à l’avenir du conseil en pharmacie.
Depuis un mois, les pharmaciens étaient avertis. Il n’empêche, la décision de l’ANSM connue de manière informelle depuis hier soir est ressentie comme un nouveau coup porté à l’arsenal thérapeutique. « Si on avait voulu tuer ces produits, on ne s’y serait pas pris autrement », déclare Pierre-Olivier Variot. Si le président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) respecte cette décision, il ne l’estime pas moins disproportionnée. Il reste surtout dubitatif sur ses effets car, insiste-t-il, « mettre un produit sur prescription n’a jamais été synonyme de bon usage, on le voit tous les jours, en témoignent les codéinés plus que jamais détournés. »
Au-delà de l’effet dissuasif escompté, la prescription médicale obligatoire risque d’engendrer des coûts supplémentaires pour l’assurance-maladie. Ce que ne manque pas de souligner Luc Besançon, directeur général de Nérès : « 3,9 millions de boîtes sont actuellement vendues, cela correspondra-t-il à 3,9 millions de consultations supplémentaires chez les généralistes ? » Si tant est que les patients puissent accéder rapidement à un médecin. En avril dernier, une étude de Doctolib a révélé que le délai pour obtenir un rendez-vous de médecine générale était de 4 à 5 jours dans 40 départements et de 6 à 7 jours dans 11 autres. Soit la durée d’un rhume…
Autant dire que le conseil du pharmacien, notamment en solutions alternatives comme l’eau salée hypertonique, sera plus que jamais attendu au comptoir. C’est le côté positif de cette décision que veut retenir Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Il soutient quant à lui une décision prise en conférence de consensus qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause. « Notre rôle est d’expliquer aux patients que la médecine, en tant qu’activité humaine, évolue dans le temps. » À propos d’évolution, la profession reste cependant dans l’attente d’avancées significatives. « L’ANSM nous avait promis de reconsidérer le délistage et de se prononcer sur la mise à disposition de nouvelles molécules. Je constate qu’elle n’a pas tenu parole à ce jour. Aucun groupe de travail n’a été mis en place », pointe Pierre-Olivier Variot, faisant allusion à une liste produite par Nérès sur une centaine de molécules accessibles dans d’autres pays européens.
Pour les laboratoires, la stratégie des pouvoirs publics ne laisse pas d’interroger, notamment au sujet de l’avenir de ces produits, fabriqués pour la plupart en France et également destinés à l’export. Ce n’est pas le premier choc pour un marché dominé à 40 % par Actifed, à 29 % par Humex, à 16,7 % par Dolirhume et à 11,6 % par Rhinadvil (parts de marché sur les douze derniers mois)*. En décembre 2022, l’ANSM avait émis une première alerte. Dès janvier, les ventes avaient alors chuté de 57 % comme en attestent les données GERS Data. Puis avec le second coup porté en octobre 2023 avec la fin du libre accès, les ventes cumulées novembre 2024 vs novembre 2023 ont continué de s’infléchir : de 25 % en valeur à 18 918 000 euros et de 29 % en volume (2 896 180 unités).
*Données GERS Data