Pour commencer, un peu de lexique. Les « supportive care », ou « soins de support » regroupent l’ensemble des soins et soutiens prenant en charge les conséquences de la maladie et de ses traitements. Ils se rapportent bien souvent au cancer et aux traitements spécifiques dédiés à l’accompagnement tout au long de la maladie. Par exemple, les solutions existantes pour aider un patient à supporter les effets secondaires, comme la chute des cheveux ou la perte de l’appétit.
Les différents soins de supports sont nombreux. L’Institut national du cancer liste, entre autres : la prise en charge de la douleur ; la prise en charge nutritionnelle ; l’accompagnement psychologique ; un accompagnement social, familial et professionnel ; l’aide à la pratique d'une activité physique adaptée, pendant ou après les traitements ; des conseils d’hygiène de vie ; le soutien psychologique des proches et aidants des personnes atteintes de cancer ; le soutien à la mise en œuvre de la préservation de la fertilité ; la prise en charge des troubles de la sexualité. Une longue liste qui fait appel aux connaissances et compétences spécifiques de ceux censés dispenser ces soins.
Soins de supports et rôle du pharmacien
Le titulaire joue un rôle de premier plan dans leur bonne application. « Aujourd’hui, le pharmacien est un acteur de proximité et de confiance, il occupe un rôle central dans le parcours de soins des patients(es) », explique Maud Bourru, chef de produits oncologie hôpital Viatris, qui a participé activement au développement de l’application « Mon carnet de route ». Disponible sur iOS et Android, celle-ci vise à accompagner les patientes atteintes d’un cancer du sein. C’est le titulaire qui va conseiller un patient et lui proposer les soins de support adaptés à sa condition.
Pour assurer cet accompagnement, les pharmaciens ont la possibilité, depuis le 1er janvier 2021, de dispenser des entretiens aux patients sous chimiothérapie orale (CTO). C’est ce que propose notamment Pharmagest, dans le cadre de la convention pharmaceutique. Celle-ci prévoit l’accompagnement de patients dans la prise de leur traitement anticancéreux par voie orale. « Le pharmacien peut proposer aux patients de plus de 18 ans un accompagnement avec un entretien initial et deux autres au cours de l’année pour la bonne observance de leurs traitements souvent très lourds et non sans conséquence », détaille Gaëlle Storhaye, directrice produit chez Pharmagest.
Ces moments d’échange visent notamment à renseigner le patient sur des crèmes, shampoing, prothèses… ou à le rediriger vers un médecin s’il doit réadapter son traitement, en cas d’inconfort par exemple. Si le premier entretien se fait obligatoirement en présentiel, les suivants peuvent être effectués à distance, via télésoin. « C’est relativement peu utilisé », constate toutefois Gaëlle Storhaye, en raison, selon elle, d’un besoin de contact nécessaire et rassurant pour le patient. Dans les faits, les pharmaciens, d’une manière générale, appliquent peu ces entretiens, car « ils (eux aussi, NDLR) manquent de temps pour assurer cet accompagnement, du fait d’une multiplication des missions », reconnaît Gaëlle Storhaye.
Les outils digitaux à la rescousse
Mais alors, quelles alternatives ? D’autres outils digitaux peuvent également assister le titulaire dans l’accompagnement d’un patient. Ce sont surtout des applications. Ces services digitaux venant en support (c’est le cas de le dire) des équipes oncologiques et, par extension, des pharmaciens « doivent prioritairement traiter le cancer et n’ont pas forcément le temps de prendre en charge tout ce qui a trait à l’hygiène de vie », détaillait, lors d’une conférence de presse de présentation de « Mon carnet de route », Céline Dufranc, ancienne patiente, journaliste et rédactrice du contenu du recueil et de l’application.
À titre d’exemple justement, une fois installée sur un appareil, « Mon carnet de route » invite l’utilisateur à « s’écouter », via une interface qui permet de prendre en compte son humeur du jour. C’est ensuite s’organiser et s’informer à travers une série de conseils de soins, d’esthétique, de nutrition, pour pallier les effets des traitements comme la chute de cheveux, les nausées et les vomissements. Ce sont aussi des recommandations sur le maintien ou la reprise de la vie professionnelle, des playlists personnalisées, des conseils de lecture, des films culte à regarder, le décryptage de termes médicaux… L’application propose également des exercices de cohérence cardiaque et des activités physiques adaptées à la condition des patientes – tel le yoga.
Les applications de suivi sont légion. Resilience, par exemple, est une app mobile construite avec le centre de lutte contre le cancer Gustave-Roussy. Elle incite les personnes atteintes de cancer à améliorer leur qualité de vie, notamment par une meilleure gestion des effets secondaires des traitements, et à limiter les risques de rechute. Au début de la crise sanitaire, c’est aussi la start-up myCharlotte qui a développé Bulle, une plateforme de soins à distance visant à pallier la fermeture des structures de soins oncologiques de support pendant la crise.
Soins de support et déserts médicaux
Lancé début 2022, « Mon espace santé » doit aussi servir de relais à ces services digitaux. Ce carnet de santé numérique, proposé par le ministère de la Santé et de la Prévention et l’assurance-maladie, comporte un catalogue de services référencés regroupant les offres numériques utiles à la santé des patients et pouvant être recommandées par les pharmaciens. Les services digitaux dédiés aux soins de support en font partie. Certains développeurs ont déjà entamé les démarches afin d’être référencés. « L’intégration au catalogue “Mon espace santé” n’a pas encore été initiée, mais le projet est en cours d’évaluation », indique Maud Bourru pour qui, être répertorié « favorise la confiance des professionnels de santé et des usagers et offre une visibilité importante ».
Tous ces services se destinent prioritairement à un usage par les patients. D’autres, en revanche, sont spécialement pensés pour un usage professionnel. Citons Pandalab Pro (Pharmagest) qui se présente comme une messagerie instantanée entre pharmaciens et professionnels de santé, téléchargeable sur Google Play. Elle doit accélérer la prise en charge, soins de support compris. « Le pharmacien a un compte dans lequel il peut inviter des professionnels de santé, converser de manière asynchrone avec médecins, kinésithérapeutes, infirmières… mais aussi analyser des résultats, discuter d’effets indésirables auxquels sont confrontés les patients… » Et ce, afin d’adapter la marche à suivre.
Des programmes de formation en distanciel
Autre avantage de tous ces services à distance : ils peuvent répondre à une demande dans des zones frappées de plein fouet par la problématique des déserts médicaux. De l’avis d’Hélène Gauthey, fondatrice et directrice générale du centre de formation Atoopharm, « les services digitaux peuvent apporter un plus dans les zones rurales. Après, tout dépend de la dextérité des patients avec ces applications. Pour les personnes âgées, c’est forcément plus compliqué. » Il importe donc que le pharmacien monte en compétences pour accompagner les patients qui préféreront le conseil en pharmacie plutôt que ces services digitaux.
Et en la matière, les programmes de formation en distanciel pour favoriser cette montée en compétences des pharmaciens sur le soin de supports ne manquent pas. L’école de formation Afsos form’ dispense, par exemple, une formation gratuite en partenariat avec La Roche-Posay, afin de faciliter la mise en œuvre des entretiens pharmaceutiques en cancérologie. Le groupe pharmaceutique Pierre Fabre a, quant à lui, lancé Oncoguide.com, une plateforme digitale dédiée à l’accompagnement du pharmacien d’officine et de son équipe dans la prise en charge des patients traités pour un cancer.