Un peu plus de 10 000 cas pour environ 220 décès, selon les chiffres de l'université Johns Hopkins, pour un pays de 51 millions d'habitants qui fut l'un des premiers touchés, le tout sans aucune mesure de confinement, la gestion de l'épidémie de Covid-19 en Corée du Sud fait figure d'exemple. Parmi les clés du succès au pays du matin calme, une stratégie massive de dépistage (plus de 400 000 tests réalisés), mais aussi le traçage numérique (tracking) des malades. La géolocalisation des téléphones portables, l'analyse des paiements par carte bancaire et celle des déplacements, ont permis une collecte massive de données mises ensuite à disposition du grand public sur un site Internet. Si un individu a été diagnostiqué positif au Covid-19, tout citoyen sud-coréen pourra savoir dans quel quartier il vit, quel bus il a emprunté, quels lieux il a fréquentés. Il connaîtra également son âge et son genre. Seul le nom du malade, ou presque, reste confidentiel. Une méthode qui fait fi de la vie privée et des libertés individuelles, mais dont l'efficacité a incité d'autres nations à envisager la mise en place de mesures similaires.
Ainsi les autorités françaises, en coopération avec leurs homologues allemandes, travaillent à la mise au point d'un outil qui permettrait à son utilisateur d'être prévenu s'il a été en contact avec une personne infectée. Le 13 avril, Emmanuel Macron a confirmé qu'une application numérique était bien à l'étude et viendrait compléter l'arsenal qui permettra d'entamer le déconfinement à partir du 11 mai. Du tracking, mais sur la base « du volontariat et de l'anonymat », comme l'a répété le président de la République, qui souhaite que l'Assemblée nationale puisse « débattre du sujet » d'ici à la date butoir.
Le consentement éclairé du patient
Le traçage numérique est en tout cas plébiscité par plusieurs experts régulièrement consultés par le gouvernement depuis que le confinement a été décidé. Frédéric Bizard, président de l'Institut Santé, a récemment transmis ses recommandations pour sortir de la crise aux autorités, notamment au Conseil scientifique, et réserve une place importante à la surveillance numérique. L'économiste de la santé milite tout d'abord pour l'instauration de trois groupes au sein de la population en fonction du statut immunitaire. Après avoir été dépisté, « chaque citoyen pourra définir son statut immunitaire à l’aide d’une application digitale, ou sur papier, selon trois cas possibles : immunisé (Groupe A), atteint de Covid-19 (Groupe B), ou non immunisé et non malade (Groupe C) », détaille Frédéric Bizard. Une fois identifiées, les personnes du groupe B, porteuses du virus et donc contagieuses, devraient observer une quatorzaine. La géolocalisation serait alors employée pour vérifier si la personne malade respecte bien son confinement, sous peine de sanctions pénales. « Le recours aux nouvelles technologies a prouvé son efficacité à l'étranger, mais il faut l'assentiment de la population, souligne Frédéric Bizard. Si on appliquait ces méthodes en France, il y aurait deux principes essentiels à respecter : ne pas géolocaliser un malade sans son consentement éclairé et s'assurer que le traçage numérique ne dure pas au-delà du temps nécessaire. » Faire en sorte qu'un maximum de personnes adhèrent au concept de traçage numérique est en effet indispensable à la réussite d'une telle stratégie. Conscient des doutes de nombreux citoyens, notamment en ce qui concerne la protection des données, le gouvernement travaille désormais sur une solution numérique qui s'affranchirait du smartphone.
Une clé pour tracer les malades ?
Développée par des chercheurs de l'Institut national de recherches en sciences et technologies du numérique (INRIA) et des développeurs bénévoles, l'application Stop Covid devrait être opérationnelle d'ici trois à six semaines, selon le secrétaire d'État chargé du numérique. Interrogé par des députés à ce sujet, Cédric O s'est voulu très prudent. « Il y a des incertitudes très fortes sur le fait que cela soit efficace et il n'est pas impossible que tout cela se dégonfle assez vite, même s'il serait irresponsable de ne pas y travailler. » Préconisée, car elle offre plus de garanties en termes de sécurisation des données que la géolocalisation, le recours à la technologie Bluetooth présente en effet certaines limites. « Cette technologie n'a pas été conçue pour mesurer des distances, il y aurait vraisemblablement un certain nombre de faux positifs car l'application ne saura pas vous dire si vous avez été dos à dos ou face à face avec une personne. Elle ne pourra pas dire non plus si vous avez touché une surface contaminée. Ce ne sera pas magique », tempère Cédric O. Face aux limites du Bluetooth, le gouvernement a récemment évoqué une nouvelle piste. « Nous réfléchissons à quelque chose hors du téléphone portable, une petite clé que nous pourrions produire massivement », a annoncé Cédric O, mais, quoi qu'il arrive, le système qui sera retenu devra prévoir « un lien avec un tiers de santé », notamment pour garantir que les cas déclarés sont réellement positifs.
Quel rôle pour les professionnels de santé ?
Directeur du programme santé du groupe Jouve et fondateur d'Ethik-IA, structure qui promeut une régulation positive de l'intelligence artificielle (IA) et de la robotisation en santé, David Gruson estime que le traçage numérique ne représentera, quoi qu'il arrive, qu'une « partie de l'équation du déconfinement ». Sur ce sujet, « on observe la tension, classique, entre l'intérêt collectif et la restriction des libertés individuelles, remarque-t-il. Toutefois, sur le plan juridique, un article du Règlement général sur la protection des données (RGPD) prévoit une clause d'urgence sanitaire qui permet de suspendre un certain nombre de normes, à condition que cela se déroule sous la surveillance d'un service public. L'important ensuite c'est d'adopter un modèle qui ne jettera pas aux orties les principes de base du RGPD et pourra surtout être régulé en temps réel ». Une régulation qui pourrait être exercée par un collège de garantie humaine, composé de professionnels de santé et de représentants des associations de patients. « Quelle que soit la stratégie de déconfinement, et peu importe la place accordée au traçage numérique, cela ne pourra se faire sans les professionnels de santé de ville, à commencer par les pharmaciens qui se trouvent en première ligne, juge David Gruson. Ils sont à même de superviser les risques sur le plan éthique et pourront signaler les difficultés rencontrées par le dispositif. »
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