S’équiper de consignes connectées, c’est dans l’air du temps.
C’est du moins ce que susurrent certains prestataires. Progrès du click & collect, expansion des nouveaux modes de consommation et du digital, manque de temps, et bien d’autres arguments poussent ainsi certains pharmaciens à s’équiper de ces consignes. Celles-ci accueillent des produits déjà commandés via Internet, que le client, patient ou professionnel de santé, peut récupérer à toute heure. Un tel équipement représente certes un confort, est-ce pour autant un besoin ? À bien y regarder, les avantages que l’on peut y trouver sont réels, bien au-delà d’un effet de mode, à commencer bien sûr par celui de proposer une disponibilité des produits 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, ce qui dans certaines régions peut être très utile. Mais les consignes connectées, c’est aussi la possibilité de mieux gérer les promis, dont la gestion reste toujours contraignante, et par effet « collatéral », celle de fluidifier la circulation dans l’espace de vente, et c’est enfin celle de faciliter les relations avec les autres professionnels de santé, en tête desquels les infirmières.
Double effet contraire
Depuis deux ans environ, une véritable offre s’est constituée. Une offre qui répond avant tout à cet « air du temps », et notamment à faciliter la gestion du click & collect. Mais la crise sanitaire du Covid est passée par là, produisant un double effet contraire. Celui d’abord représenté par le besoin de renforcer sensiblement la demande de ce type d’équipements qui ont l’avantage de permettre à des patients et des clients de récupérer leurs commandes sans avoir à entrer dans l’espace de vente, démarche plus rassurante pour eux. « Nous avons constaté au travers de nos expérimentations que l’effet Covid a multiplié par six l’usage quotidien de ces équipements », constate ainsi Raynald Martino, directeur commercial et marketing du pôle Pharmacie France de Pharmagest. Paradoxalement, c’est ce même Covid qui a freiné les investissements des pharmaciens, très pris par la gestion de la crise sanitaire et de ses conséquences. Si bien qu’aujourd’hui, le marché des consignes connectées émerge à peine, les prestataires font état de quelques pharmacies équipées chacun, mais promettent aussi un vrai décollage car leurs carnets de commandes se remplissent.
Les pharmacies ciblées sont celles pour qui la disponibilité des produits à tout moment est un véritable avantage, souvent des pharmacies en zone semi-urbaine, ou semi-rurale, c’est selon, en tout cas celles qui ont des plages horaires d’ouverture limitées – ne sont pas concernées par exemple les pharmacies parisiennes qui ont des plages d’ouverture larges et qui par ailleurs manquent de place. Qui plus est, en centre-ville, il faut tenir compte du caractère historique du bâtiment dans lequel la pharmacie se trouve. Si ledit bâtiment est classé historique, ce ne sera pas possible. Les pharmacies qui ont aussi besoin de fluidifier la circulation au sein de leur espace peuvent être aussi intéressées.
Les spécificités des consignes pour pharmacies
Bien sûr, elles pourraient s’équiper de consignes type Amazon Locker, qui se trouvent en différents points d’une ville afin que les clients du géant de la vente en ligne puissent y récupérer leurs colis. Mais ce ne serait pas adapté à la pharmacie car les spécialistes des consignes pour officines le disent, il y a des spécificités propres à leur monde qu’il faut respecter. À commencer par la gestion du froid. C’est ainsi que la société Anodia a conçu sa consigne connectée, la BoxPharma.
« La thermorégulation se fait par bloc, et un bloc, c’est une colonne », explique Lionel Dupuy, dirigeant fondateur d’Anodia. Les consignes sont en effet constituées de colonnes composées de casiers de tailles différentes selon les cas. Pharmamat, créateur de la Safe Box, gère également le froid et propose trois températures, 4 °C, 8 °C et 18 °C, respectant en cela les spécifications du CNOP. « Les pharmaciens nous ont poussé à gérer la thermorégulation à 4 °C, précise Christophe Montabrun-Ollivier, président de la société, pour l’insuline, les vaccins notamment. » Et ce, surtout pour les professionnels de santé. Car il y a en effet un débat sur la réglementation liée au placement des produits en consignes. On ne peut pas y mettre des médicaments, sauf les promis. C’est pour cette raison que Pharmagest a conçu sa consigne Offilocker « avec et pour les professionnels de santé afin de répondre à des cas d'usage identifiés et respectant les bonnes pratiques de dispensation et de conservation des produits », selon Raynald Martino. « Elle dispose nativement de sondes de températures pilotées directement par le module Offilocker intégré à LGPI, pour un contrôle en continu de chaque casier », ajoute-t-il. En effet, une consigne peut parfois être soumise à des écarts de températures faramineux, explique Christophe Montabrun-Ollivier : « à l’Alpe d’Huez par exemple, il peut faire 40 °C l’été et - 20 °C l’hiver. »
Les consignes thermorégulées sont équipées de systèmes de traçabilité du froid. « L’ARS nous a demandé un an d’historique », précise ainsi Lionel Dupuy. La thermorégulation, c’est aussi un pari sur l’avenir. Christophe Montabrun-Ollivier et Lionel Dupuy estiment ainsi possible une évolution de la réglementation sur les médicaments en consigne, un peu comme elle a évolué pour leur livraison à domicile, et dans ce cas, des consignes thermorégulées trouveront leur plein usage.
Sécurité matérielle et logicielle
L’autre attention qu’il faut porter à ces consignes est liée à leur sécurité, matérielle bien sûr, la Safe Box de Pharmamat est en Inox par exemple, mais aussi celle liée aux données. Les prestataires montrent patte blanche et avancent leur agrément HDS. Et la sécurisation de la livraison, bien sûr, permise par les logiciels qui font en sorte de délivrer un code unique à chaque patient, client ou professionnel de santé qui a commandé un ou plusieurs produits ou est en attente de promis. Ledit code peut-être lu via un QR code le plus souvent, mais aussi un code pin plus classique. Le QR code a l’avantage d’être sans contact. Le code en question est transmis via un mail et/ou un SMS. Le logiciel gère aussi la rotation des produits dans les casiers contenus par les consignes. Et notamment le cas où le client ne vient pas chercher son produit. « Le pharmacien peut ainsi paramétrer un rappel ainsi qu’un délai de mise à disposition du produit dans le casier au-delà duquel il sera retiré et avertir ensuite le client qu’il lui faudra le retirer au comptoir, détaille Raynald Martino, c’est cependant un cas de figure rare, la rotation moyenne des produits dans les casiers que nous avons constatée est inférieure à quatre heures. »
Les différentes consignes disponibles sur le marché sont pour la plupart modulables, en fonction de la place dont disposent les pharmacies, à l’extérieur, mais aussi à l’intérieur si leurs titulaires estiment plus intéressante leur présence dans l’espace même de vente, pour notamment fluidifier la circulation. Ce faisant, ils s’interdisent aussi de profiter de la large disponibilité des produits qu’offrent ces équipements quand ils sont placés à l’extérieur. La modularité des consignes se fait souvent, voire systématiquement, par colonne, cela signifie que la taille des casiers varie en fonction des colonnes et ne peut être mixée sur une seule et même colonne. Pour Lionel Dupuy, l’expérience montre que le modèle à deux colonnes, proposé par Anodia, l’une avec 4 casiers (pour les produits à gros volume comme les laits pour bébé), et l’autre avec 8, fonctionne plutôt bien. Pour savoir combien de casiers il faut avoir, Christophe Montabrun-Ollivier propose le ratio suivant, 20 casiers pour 200 clients par jour.
Les relations avec les fournisseurs et les autres pharmacies
Un des usages possibles de ces consignes serait de pouvoir envoyer, voire réceptionner des colis de la part des fournisseurs des officines, laboratoires, répartiteurs, quand la pharmacie est fermée, mais aussi entre pharmaciens eux-mêmes. Ils sont en effet de plus en plus nombreux à travailler dans le cadre de petits groupements où l’on se répartit les tâches, telle pharmacie recevant telle catégorie de produits de tel fournisseur, à charge pour elle de les répartir ensuite auprès des autres pharmacies de son groupement. Seul hic, les colis en question peuvent être nombreux et volumineux. C’est une des raisons pour laquelle la société Boks a distingué les deux tâches, d’un côté les consignes pour tout ce qui est click & collect, de l’autre, les consignes pour travailler avec les fournisseurs. À dire vrai, la société a commencé par cette dernière, la Bokspro, disponible déjà depuis près de deux ans, sa consigne click & collect l’est depuis l’été dernier seulement. La gestion de ces deux types de consignes est comparable, avec des codes envoyés par SMS ou par mail, mais elle se distingue aussi dans le premier cas par la possibilité qu’ont les pharmaciens d’envoyer les colis à d’autres, fournisseurs ou pharmacies. « Notre application intègre les étiquettes Colissimo prépayées, le pharmacien n’a plus ensuite qu’à disposer le produit dans la Bokspro », explique Marie Murzeau, directrice marketing de la société. Elle se distingue également par la taille, la Bokspro est disponible en deux formats, 215 et 768 litres, le second correspond en gros à l’équivalent d’une grande poubelle, évoque encore Marie Murzeau.
L’intelligence de ces systèmes fait en sorte que les pharmaciens ont le moins de choses à faire, la plupart des tâches étant assumées par les logiciels animant ces consignes. Mais ils doivent cependant s’organiser pour être le plus réactif possible quand viennent les commandes sur Internet, un minima sans doute évident pour toutes celles qui se sont lancées dans le click & collect, mais qu’il faut néanmoins rappeler. Il faut aussi communiquer auprès de la clientèle de l’officine sur ce service. Anodia par exemple fournit flyers et communication digitale afin de mieux les informer. L’essentiel est de les amener à utiliser ce service au moins une fois, car selon Raynald Martino, « une fois qu’ils l’ont expérimenté, ils y reviennent ensuite. »
Ces efforts autour de l’organisation et de la communication sont nécessaires car l’investissement n’est quand même pas anodin, l’Offilocker de Pharmagest coûte par exemple en tarif de base 15 000 €, et ce n’est pas la plus chère du marché. Sans compter le coût des travaux nécessaires pour l’installer en façade.
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