Le 28 avril, au terme d’intenses négociations entre partenaires sociaux, un accord a pu être trouvé en vue d’une révision de la grille des salaires des adjoints et des préparateurs en pharmacie. Officialisée par la publication d’un arrêté d’extension dans le « Journal officiel » du 26 septembre, l’introduction de cet avenant à la convention collective nationale de la pharmacie d’officine va s’appliquer à toutes les officines, sans effet rétroactif, à compter du 1er novembre. Il permet des évolutions majeures alors que la classification des emplois n’avait pas été revue significativement depuis 2008. Désormais, les préparateurs commenceront leur carrière au coefficient 250, ce qui acte donc l’abandon du coefficient 240. Ce dernier était « régulièrement rémunéré à moins de 100 euros bruts au-dessus du SMIC, rappelle la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), signataire de l’accord. Il devenait nécessaire de revaloriser la rémunération à l’embauche de jeunes professionnels de santé dont les missions ont significativement évolué ces dernières années », soutient le syndicat. Même logique appliquée pour les pharmaciens adjoints, qui entreront dès le départ au coefficient 470. « L’objectif poursuivi par la nouvelle classification est d’améliorer le début de carrière des pharmaciens adjoints, en leur attribuant un coefficient d’entrée dans la profession plus motivant et de les faire évoluer ensuite plus rapidement, tout en laissant aux employeurs la possibilité d’une négociation individuelle plus favorable », détaille la FSPF. Autre grande nouveauté, cette réforme prévoit l’accès obligatoire au statut d’assimilé-cadre (il était jusqu’alors facultatif) pour les préparateurs après 28 ans de pratique professionnelle.
Renforcer l’attractivité des métiers de l’officine était absolument nécessaire, comme en ont convenu représentants des employeurs et des salariés. Les changements prévus par cette nouvelle grille suffiront-ils cependant ? « Ces avancées sont loin d’être négligeables. Les chambres patronales ont fait un effort qu’il faut souligner, indique David Brousseau, secrétaire fédéral de la branche Officine du syndicat Force ouvrière (FO). Il a tout de même été plus difficile de les convaincre d’apporter des évolutions sur la grille des adjoints car les représentants des titulaires ont tendance à considérer, à tort, que les adjoints veulent forcément accéder au statut de titulaire. Dans les faits, ce n’est pas le cas, des adjoints veulent conserver ce statut de salarié et il était important de leur offrir de meilleures perspectives d’évolution. » David Brousseau est donc satisfait d’avoir réussi à obtenir des avancées pour eux, même si les changements sont tout de même plus importants pour les préparateurs. « Cette nouvelle grille permet notamment des évolutions très intéressantes en début de carrière, mais notre objectif était bien d’arriver sur une amélioration de la grille au niveau global, soit pour les débuts, mais aussi les milieux et les fins de carrière. Le but n’est pas seulement de rendre le métier plus attractif mais aussi de garder les salariés en place », insiste-t-il.
L’objectif poursuivi par la nouvelle classification est d’améliorer le début de carrière des pharmaciens adjoints
FSPF
Préparatrice et représentante du syndicat CFE-CGC, Christelle Degrelle salue elle aussi « une sacrée évolution ». Le passage au statut d’assimilé-cadre, désormais possible pour les préparateurs, est notamment accueilli très favorablement. « C’est une vraie reconnaissance de notre travail. Il n’y aura plus ce plafond de verre pour notre profession », souligne-t-elle. Sur les réseaux sociaux notamment, des préparateurs dans le métier depuis plusieurs années ont tout de même exprimé un « sentiment d’injustice ». « Il peut exister un certain ressentiment de la part de préparateurs en poste depuis longtemps envers les nouveaux venus qui vont bénéficier de ces débuts de carrière plus avantageux, on ne peut le nier, admet Christelle Degrelle. Malheureusement, on ne peut pas rattraper les années antérieures donc ce problème est malheureusement inévitable. »
Notre objectif était bien d’arriver sur une amélioration de la grille au niveau global, soit pour les débuts, mais aussi les milieux et les fins de carrière
David Brousseau, secrétaire fédéral de la branche Officine (FO)
Une révision trop coûteuse ?
Certains représentants des titulaires, en particulier l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), qui, elle, n’a pas signé l’accord, mettent aussi en garde contre les difficultés que vont rencontrer certaines officines à appliquer ces changements dans le contexte économique actuel. « Aujourd’hui, une officine sur deux est dans le rouge et l’on déplore une fermeture de pharmacie par jour ouvré, veut rappeler Daniel Burlet, en charge des affaires sociales pour l’USPO. Selon nos calculs, cette nouvelle grille va entraîner une augmentation de la masse salariale d’environ 3 %, soit 150 millions d’euros pour le réseau, ce qui est loin d’être anodin. » Comme le résume Daniel Burlet, si ces changements seront indolores pour les pharmacies en bonne santé, ils risquent d’y avoir des effets négatifs pour les autres. « Nous sommes obligés de négocier au global. On ne peut pas compartimenter, répond toutefois David Brousseau. Sur l’ensemble, je ne pense pas que les pharmacies auront du mal à s’y conformer, estime-t-il. Sur le recrutement d’adjoints et de préparateurs, nous sommes à flux tendu. Il fallait trouver un juste milieu entre créer les conditions pour rendre le métier plus attractif tout en veillant à ce que cela soit soutenable pour les employeurs et je pense que nous y sommes parvenus. Ce que nous négocions, c’est un minimum conventionnel, garantir que le salarié ne puisse être payé en dessous de cette barre. Les employeurs ont aussi toute latitude pour rémunérer leurs salariés au-delà de ce que prévoit la grille », rappelle David Brousseau.
Comme l’expliquent David Brousseau et Christelle Degrelle, préparateurs et adjoints payés au-dessus de la grille doivent tout de même être vigilants sur un point. Avoir un salaire supérieur à ce que prévoit le coefficient dans lequel on se trouve peut entraîner certains problèmes pour le salarié. En effet, les salariés payés au-dessus de la grille encourent le risque d’être rattrapés par leurs collègues rémunérés sur cette base si l’indexation aux évolutions du point et de la grille n’est pas précisée dans leur contrat de travail. « Des préparateurs payés au-dessus de la grille se sont aussi demandé si ces modifications n’allaient pas entraîner une baisse de leurs salaires », rapporte également Christelle Degrelle. « Or cela n’est pas le cas, le salaire qui a été négocié ne peut pas être abaissé », rassure-t-elle.
Hormis pour une officine qui paie ses adjoints et préparateurs au plus bas niveau possible, cette refonte de la grille est insignifiante par rapport à l’impact qu’aurait une baisse des remises génériques
Christelle Degrelle, représentante du syndicat CFE-CGC,
Un marché de l’emploi en train d’évoluer
Pour Christelle Degrelle, les inquiétudes exprimées par certains employeurs sont, elles, largement exagérées. « Beaucoup de salariés sont déjà payés au-dessus de la grille, confirme-t-elle. Aujourd’hui, si un titulaire rémunère ses salariés au minimum prévu par la grille, il n’arrive pas à recruter tout simplement. Hormis pour une officine qui paie ses adjoints et préparateurs au plus bas niveau possible, cette refonte de la grille ne va pas changer la face du monde. C’est insignifiant par rapport à l’impact qu’aurait une baisse des remises génériques (mesure aujourd’hui suspendue) », précise la représentante de la CFE-CGC. « Oui des pharmaciens paient au-dessus de la grille car nous avons plus d’offres que de demande, confirme Daniel Burlet. C’est surtout vrai pour les adjoints qui sont très rarement embauchés au coefficient de base. Depuis déjà deux ou trois ans, nous alertons néanmoins sur un retournement probable du marché de l’emploi et nous commençons justement à le percevoir. Pour preuve, des pharmaciens commencent de nouveau à recevoir des candidatures spontanées. Les officines déjà dans le dur n’accueillent pas cette nouvelle avec plaisir, observe-t-il. Dans leur cas, c’est la rémunération du titulaire qui risque d’en souffrir. Or, au vu de son engagement, notamment financier, lui aussi mérite une rémunération à la hauteur. Cela va peut-être aussi contraindre des titulaires à des rééquilibrages au niveau de leur équipe, ne pas reconduire certains contrats par exemple », anticipe-t-il. Pour Daniel Burlet, réviser la grille pour renforcer l’attractivité n’était aujourd’hui « pas indispensable. Le salaire ne fait pas tout, il y a aussi la qualité de vie au travail, l’intérêt du métier… Philosophiquement et moralement, nous ne sommes pas opposés à ces évolutions, le point d’achoppement se trouve au niveau financier. Cette révision coûte trop cher et arrive à un moment malvenu », tranche le représentant de l’USPO.
Cela va peut-être aussi contraindre des titulaires à des rééquilibrages au niveau de leur équipe, ne pas reconduire certains contrats par exemple. Cette révision coûte trop cher et arrive à un moment malvenu
Daniel Burlet, en charge des affaires sociales (USPO)
Pour les représentants des salariés, il n’est toutefois pas question de se contenter des récentes avancées obtenues et d’autres dossiers devront être ouverts prochainement. « La grille nous n’allons pas y retoucher tout de suite mais l’on pourrait envisager de négocier sur l’ancienneté, là encore dans l’objectif de fidéliser les salariés. Il y a aussi d’autres questions comme les congés enfants malades qui ne sont pas rémunérés, la formation avec la gratification des certificats de qualification professionnelle (CQP). Il y a d’autres leviers à activer », détaille David Broussaud. Christelle Degrelle pense elle aussi à l’avenir : « Le prochain combat c’est notamment de faire en sorte que les préparateurs puissent obtenir le statut d’assimilé-cadre encore plus tôt. »
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