Les syndicats de pharmaciens ont appris qu’une nouvelle expérimentation, conduite par les infirmiers, serait lancée en mai. Son but ? Inventorier les médicaments et dispositifs médicaux qui sont stockés et non utilisés au domicile des patients. Une initiative qui suscite déjà des craintes chez les représentants de la profession.
Pour lutter contre le gaspillage et permettre à l’assurance-maladie de réaliser d’importantes économies, la réutilisation des médicaments et dispositifs médicaux non utilisés est une piste envisagée. En septembre, l’assurance-maladie indiquait au « Quotidien du pharmacien » qu’elle étudiait la possibilité d’une expérimentation à l’officine sur la réutilisation des MNU, sans donner de calendrier ni de cadre précis.
En revanche, une autre expérimentation, elle, va bien commencer dès le mois de mai. « L’assurance-maladie va accompagner une expérimentation « anti-gaspi » qui sera conduite par les infirmiers qui se rendront au domicile du patient pour identifier la non-utilisation de certains médicaments et dispositifs médicaux », a en effet annoncé la CNAM, dans un mail adressé aux représentants des pharmaciens. Cette initiative leur sera présentée plus en détail lors d’une visioconférence le 25 avril. Elle fait suite à une première opération menée en 2024 par 12 cabinets infirmiers, qui avaient déjà collecté au domicile des patients des médicaments et DM non utilisés, ce qui avait « permis de mettre en évidence des gaspillages ayant d’importants impacts sur les dépenses et l’environnement », selon la CNAM. À l’automne dernier, cette dernière avait déjà évoqué ce projet, expliquant qu’il n’avait en revanche aucun lien avec la réutilisation des MNU. Pour l’assurance-maladie, son objectif global consiste à faire un diagnostic sur la consommation du patient en médicaments, initier un échange entre le médecin et le pharmacien et in fine « ajuster le traitement, le suivi du patient le cas échéant dans le but d’éviter les gaspillages ou la mauvaise observance ».
Toujours est-il que l’annonce du lancement imminent de cette expérimentation génère quelque inquiétude chez les syndicats de pharmaciens, qui veulent quand même mettre en garde l’assurance-maladie. « Nous appelons à la plus grande prudence concernant certaines solutions en apparence simples, comme la réutilisation des MNU, réaffirme Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). Les coûts associés à leur tri, à la vérification de leur conformité et à leur réintégration dans un circuit sécurisé sont au moins équivalents, voire supérieurs, à leur valeur marchande. Ce n’est pas un hasard si les associations humanitaires elles-mêmes ont cessé de recourir aux MNU pour répondre à leurs besoins », argumente-t-il. Pour Pierre-Olivier Variot, remettre dans le circuit des spécialités déjà délivrées présente des risques importants. « Quelles garanties pourrait-on avoir sur le respect des conditions de conservation de ces médicaments ? Je serais un patient, je n’accepterai pas d’avoir un médicament de deuxième main », affirme-t-il. Au-delà de l’importante question de sécurité sanitaire que soulève une possible réutilisation des MNU, Pierre-Olivier Variot voit dans les intentions de la CNAM un risque de stigmatisation de sa profession. « Si des infirmiers vont au domicile d’un patient et constatent qu’il y a des stocks importants, devront-ils ensuite dénoncer le pharmacien qui les a délivrés ? », interroge-t-il.
Comme veut le rappeler le président de l’USPO, les pharmaciens ne sauraient être tenus comme seuls responsables du gaspillage que l’on peut observer sur ces produits de santé. « Le stockage de médicaments et dispositifs médicaux non utilisés (MNU) à domicile est un phénomène bien documenté, dont les causes profondes sont connues », rappelle Pierre-Olivier Variot, qui dresse la liste des autres mesures que l’assurance-maladie pourrait imaginer pour lutter contre ce problème : « Imposer aux industriels des formats de boîtes plus cohérents avec les traitements prescrits, relancer les interventions pharmaceutiques et tout particulièrement la dispensation adaptée, encourager la préparation des doses à administrer (PDA) pour les patients en perte d’autonomie qui ont souvent une connaissance approximative de leur traitement et de leur stock réel, ou encore élargir la dispensation à domicile, ce qui permettrait notamment d’organiser une revue complète de l’armoire à pharmacie, rationaliser les traitements et éviter les accumulations inutiles », énumère-t-il.
Les pistes ne manquent donc pas et le président de l’USPO veut aussi attirer le regard de l’organisme payeur sur le rôle que jouent certains prestataires de santé à domicile. « Les photographies diffusées sur les réseaux sociaux par certains syndicats infirmiers montrent que la majorité des produits collectés sont des dispositifs médicaux, soutient-il. Il faut faire cesser les mauvaises pratiques de certains prestataires : contrats d’apporteurs d’affaires avec les infirmiers, facturations discutables, livraisons ou envois massifs de matériel par voie postale sur plusieurs mois, avec parfois récupération après le décès du patient… Ces pratiques génèrent non seulement un gaspillage considérable mais posent également des questions d’éthique, de sécurité et d’efficience des dépenses », dénonce Pierre-Olivier Variot. Dans ce sens, il demande en particulier la généralisation d’une mesure mise en place par la CRAM Occitanie : repérer les binômes atypiques prescripteur-prestataire.
Une idée de l’assurance-maladie
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