Des études menées par le Pr Romain Gherardi, chef du service d'Histologie-Embryologie à l’hôpital Henri Mondor de Créteil, et financée par l’ANSM, ont évalué la toxicité de l’aluminium présent dans les vaccins. Or le journal « Le Parisien » écrit que ces études ont fait l’objet d’un « rapport de l’ANSM » qui n’a « jamais été rendu public ».
Interrogée par « Le Quotidien du pharmacien », l’ANSM remet les choses au clair. « Nous avons financé les recherches du Pr Gherardi fin 2013, qui a présenté à l'agence, en mars 2017, les résultats de ses travaux. Un compte rendu de cette séance existe et un avis du conseil scientifique a été réalisé suite à cette présentation. Mais cet avis n’a pas été publié - comme tous les avis du conseil scientifique, d’ailleurs - puisque ces derniers ont seulement vocation à donner des orientations à la direction générale de l’agence sur la politique à mener et les décisions à prendre », justifie l’ANSM. En revanche, l’agence du médicament déclare n’avoir rien à cacher, et en réaction à l'article publié dans « Le Parisien », l'ANSM a décidé de mettre à disposition les documents en question sur son site Internet. L'ANSM précise également que cet avis et ce compte rendu ont également été transmis en août 2017 à l’Union nationale des associations familiales (UNAF), après une demande de ce collectif d'associations.
Une recherche préliminaire
Mais en pratique, que contient le projet de recherche du Pr Gherardi, baptisé « BNAA-Vacc » ? Ce projet comprend deux volets : le premier volet est consacré à la persistance et la neuromigration des adjuvants aluminiques des vaccins chez la souris. Dans le second volet, les chercheurs émettent l'hypothèse que certaines personnes pourraient avoir un profil génétique modifié, avec notamment un défaut du gène autophagique, qui, combiné au vaccin, provoquerait le développement d'une myofasciite à macrophages, et que ces pistes génétiques demandent à être poursuivies et approfondies.
Toutefois, rien dans ces études n'est suffisant pour remettre en cause le bénéfice risque de la vaccination. « Il s'agit d'une recherche très préliminaire fondamentale, essentiellement sur la souris, qui ne change rien à l'analyse bénéfice/risque des vaccins qui contiennent de l'aluminium », a réagi Dominique Martin, directeur général de l'ANSM.
Décrocher un budget
Mais alors pourquoi faire autant de bruit autour de la sécurité des adjuvants aluminiques ? Rappelons que le Pr Gherardi est de longue date engagé dans le combat pour des vaccins sans aluminium, sans être contre les vaccins en général. Il a notamment publié un livre, « Toxic story », qui veut dénoncer les effets néfastes les adjuvants aluminiques présents dans les vaccins. On peut donc s’interroger sur l'objectif de sa montée au créneau, alors que les résultats de son projet présenté en mars 2017, n’ont pas retenu l’attention de l’ANSM… Notamment en ce qui concerne un éventuel nouveau financement ! En effet, le Pr Gherardi avoue avoir besoin de fonds pour mener d’autres essais. Après avoir obtenu 150 000 euros de l’ANSM fin 2013, le professeur appelle les pouvoirs publics - dans les colonnes du « Parisien » - à poursuivre ses travaux. « Devant l’immense chantier, nous avons besoin de 550 000 euros », déclare-t-il au journal.
En revanche, le Pr Gherardi se trompe de cible, car l’ANSM n’est pas un organisme financeur de la recherche. « Il y a des pistes qui doivent être poursuivies mais l'ANSM n'est pas l'Agence nationale de la recherche et n'a pas les capacités financières pour assurer la poursuite de cette recherche. Mais nous ne sommes pas en mesure d’apporter plus à cette équipe, qui doit aujourd’hui se tourner vers d’autres financements publics et privés », détaille Dominique Martin.
Pas de lien de causalité
Rappelons que le Pr Gherardi mène des recherches visant à établir un lien entre la myofasciite à macrophages (MFM), qui se caractérise par un ensemble de manifestations, notamment de la fatigue, des douleurs musculaires et articulaires, et de la fièvre. Mais à ce jour, le lien entre vaccination avec adjuvant à l’aluminium et MFM n’a pas pu être établi. Après une analyse rigoureuse et exhaustive de la littérature, un rapport du Haut conseil de la santé publique (HCSP) en 2013, puis un rapport de l’Académie de pharmacie de 2016 indique « qu’aucun lien de causalité n’a pu être établi entre myofasciite à macrophages et injections vaccinales avec adjuvant aluminique, d’autant que ces manifestations sont limitées dans le temps (il n’y en avait pas avant 1990 et il n’y en a quasiment plus depuis 2012) et dans l’espace (la France a cumulé la quasi-totalité des cas décrits dans le monde, alors que les vaccins aluminiques sont utilisés dans le monde entier depuis plus de 80 ans) ». En revanche, les sages comme les autorités de santé reconnaissent qu’il faut poursuivre les recherches sur le sujet.
Mais aujourd’hui, on peut s’inquiéter des conséquences de l’article publié dans « Le Parisien », qui risque de venir fragiliser encore un peu plus la confiance des Français dans la vaccination. L’ANSM insiste donc avec force sur le rapport bénéfice risque très en faveur de l’utilisation des adjuvants aluminiques dans les vaccins, et insiste sur l’importance de la vaccination. « En prenant en compte l’étude du Pr Gherardi et l’ensemble des données de la littérature scientifique, il n’y a pas de signal de sécurité identifié que l’on pourrait imputer à la présence d’aluminium dans les vaccins », conclut l’ANSM.
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