Sous le poids de l’inflation

Marge officinale : le décrochage

Par
Publié le 19/12/2024
Article réservé aux abonnés

Pour la deuxième fois consécutive, le taux de marge descend sous la barre de 30 %. En cause, l’inflation qui a mécaniquement provoqué une hausse des salaires et des frais généraux. Pour les titulaires, l’heure est aux arbitrages.

marge

Crédit photo : PHANIE

En déclin, la marge brute globale plonge au premier semestre 2024 à 28,51 % du chiffre d’affaires, contre 29,32 % un an auparavant. Désormais, cette érosion de la marge signalée par les experts-comptables lors de la « Journée de l’économie » organisée le 18 septembre, par « Le Quotidien du pharmacien », semble s’installer dans le bilan officinal. Certes sur un chiffre d’affaires en hausse de 3,97 % (hors médicaments chers), la marge en valeur augmente de 3,18 % à 350 974 euros. Mais ce redressement ne suffit pas à compenser la hausse des charges et plus particulièrement des charges de personnel. Car, rappellent les experts-comptables du réseau CGP, les coûts salariaux augmentent de 5,34 % au premier semestre pour atteindre 10,95 % du chiffre d’affaires (11,03 % au premier semestre 2023). De même, les charges de personnel relevées par Fiducial au sein des 95 officines de la région Centre confirment cette tendance avec une évolution globale de +6 % sur les six premiers mois de l’année par rapport au premier semestre 2023.

On est loin de la progression des frais de personnels observée l’année dernière qui atteignait 8, 9 et même 12,8 points selon les cabinets. Cependant, analyse Bertrand Cadillon, responsable du département pharmacie chez Fiducial : « la tendance ne pourra être freinée de sitôt. À l’image d’un bateau qui continue sur son sillage, le marché va poursuivre sur une certaine inertie. » Ce bateau, pour reprendre la métaphore, est chargé par les effectifs gonflés lors de la crise sanitaire et qui ont provoqué une hausse des coûts salariaux de vingt points en deux ans.

Des trous de trésorerie

Les titulaires feraient-ils aujourd’hui les frais de leur politique managériale ? « Faute de bras, les pharmaciens ont cédé sur les salaires et nous constatons un surenchérissement du coefficient à l’embauche et un nivellement par le haut des salaires du reste du personnel », relèvent les experts-comptables. « Ils n’ont pas attendu les augmentations de la grille pour effectuer des hausses de salaires, sinon ils savent qu’ils ne parviendront pas à recruter. Dans cette situation, ils ne peuvent se tenir aux salaires minimum », poursuit Joël Lecoeur, président du réseau CGP.
Pour autant, des arbitrages s’imposent. Car de l’avis des observateurs, le réseau officinal évolue vers des niveaux de marge tels qu’il sera désormais difficile de continuer à rémunérer correctement le personnel, la masse salariale d’une officine représentant 37 % de la marge. Dans ce contexte, les titulaires n’ont d’autres choix que d’opter pour un indicateur de productivité qui ne se rapporte plus au chiffre d’affaires mais bien à la marge brute générée par chacun de leurs salariés. Car l’état de leur trésorerie ne laisse aucun doute. Creusée par les hausses salariales et les hausses des frais généraux, elle est en recul de 7,4 % par rapport aux six premiers mois de 2023. Pour certaines officines, la situation est encore plus dégradée. Selon une enquête menée par la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), fin octobre, près de 20 % des titulaires se déclarent dans le rouge. Ils n’étaient que 12 % un an auparavant. Et près des trois quarts des 2 606 officinaux ayant répondu à cette enquête déclarent que leur trésorerie s’est dégradée entre le 31 août 2023 et le 31 août 2024. Plus de la moitié d’entre eux affirment même avoir une trésorerie inférieure à 2 % de leur chiffre d’affaires.

Marie Bonte

Source : Le Quotidien du Pharmacien