Aujourd’hui, le pharmacien peut renouveler une ordonnance de contraceptif oral par procédure exceptionnelle pour une durée de 6 mois, et peut prescrire et délivrer la contraception d’urgence. Et pourquoi pas, à l’instar de certains pays, initier une contraception progestative ou renouveler une contraception progestative ou œstroprogestative, comme l’a proposé Alain Delgutte, représentant l’Ordre des pharmaciens lors de son audition le 30 octobre au Sénat, en prévision des discussions sur le PLFSS pour 2025.
Pour l’Ordre, il y a un « vrai problème d’accès à la contraception », pour preuve l’augmentation du taux de recours à l’IVG. Mais comme pour la vaccination, « cette proposition n’a pas pour but de faire à la place du médecin ou à la place de la sage-femme, mais de faire en complément de ces deux professions pour permettre à ces patientes de rentrer dans le système de soins », prévient Alain Delgutte.
Premières pistes
Si l’idée fait régulièrement irruption dans le débat français, elle s’est concrétisée dans d’autres pays. En Écosse, depuis 2021, les femmes sans contraception peuvent bénéficier d’une consultation avec un pharmacien qui peut délivrer 3 mois de contraception orale progestative. L’Angleterre a mis en place en 2023 le « Pharmacy Contraception Service (PCS) », un service de contraception en pharmacie qui comprend le renouvellement d’une contraception orale œstroprogestative (sous réserve d’une mesure de l’indice de masse corporelle et de la tension artérielle), ou progestative jusqu’à 12 mois, et l’initiation d’une contraception orale dans le cadre d’un protocole de délégation. Au Québec, avec la Loi sur la pharmacie, les pharmaciens peuvent initier une contraception hormonale pour une durée de 6 mois maximum. Et actuellement aux États-Unis, pays peu connu pour faciliter l’accès à la contraception, la délivrance d’une pilule sur prescription d’un pharmacien est autorisée dans une plus de vingt États.
« En Écosse, en Angleterre, aux USA, au Québec, les pharmaciens peuvent prescrire cette contraception progestative, qui a très peu de contre-indications absolues. Ainsi, en France, on pourrait imaginer réaliser un entretien avec notre patiente et si les conditions sont remplies, le pharmacien pourrait réaliser une prescription temporaire, le temps que la patiente prenne rendez-vous avec le médecin ou la sage-femme », propose ainsi Alain Delgutte. Le renouvellement d’une contraception combinée est aussi évoqué. « Les autorités sanitaires, les sociétés savantes, nous diront s’il faut exclure certaines générations de pilules », ajoute l’ordinal.
La cible ? « Il faut prendre exemple sur les expériences internationales. Par exemple en Écosse, la prescription d’une contraception progestative par le pharmacien peut s’effectuer à partir de 13 ans jusqu'à 55 ans. En Angleterre, c’est jusqu’à 49 ans pour une pilule combinée et 54 ans pour une pilule progestative. » Il faudrait aussi encadrer la mesure dans le temps. « En cas d'initiation, la prescription s’effectue le plus souvent pour 3 mois dans ces exemples étrangers. Il me semble logique de mettre également une limite de 3 mois, ce qui laisse ainsi une certaine latitude pour les patientes d’obtenir un rendez-vous chez leur médecin ou leur sage-femme, suggère Alain Delgutte. En cas de renouvellement d'une contraception hormonale orale antérieurement prescrite et interrompue, il faudra par exemple s’interroger sur le délai de cette interruption. »
La prescription de la contraception par le pharmacien est aussi dans les tiroirs de certaines URPS pharmaciens et s’inscrit dans une discussion interpro. « Il va falloir avancer tous ensemble. Les contours de ce projet seront déterminés avec les sociétés savantes, les médecins, les sages-femmes, les URPS, précise le représentant de l’Ordre. Pourquoi ne pas proposer si cela est nécessaire une expérimentation, comme pour la vaccination, avec un suivi d’indicateurs pertinents (baisse du nombre d’IVG réalisés, profils des patientes…) ? Il faudra ensuite présenter le projet aux autorités et prévoir un véhicule législatif. Ce ne sera pas en 2025, dans tous les cas. »
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