Les kits de dépistage de substances psychoactives dans les boissons, qui peuvent être vendus en pharmacie, ne sont pas recommandés par la mission parlementaire sur la soumission chimique, menée par la députée Sandrine Josso. Son rapport remis au gouvernement lundi 12 mai recommande l’élaboration par la Haute Autorité de santé de fiches pour orienter les victimes vers le recueil de preuves fiables. À terme, les infirmières pourraient être des relais dans les zones sans laboratoire d’analyses toxicologiques répertorié.
La députée Sandrine Josso et la sénatrice Véronique Guillotin, rapporteures de la mission parlementaire sur la soumission chimique, ont émis 50 recommandations, dont 15 à mettre en place en priorité dès 2025. Mais le recours à des kits de dépistage de substances psychoactives dans les boissons vendus en pharmacie n’en fait pas partie. L’expérimentation lancée par Michel Barnier, en novembre 2024, de kits de détection de soumission chimique remboursés par l'assurance-maladie, ne s’est pas révélée concluante. « Ces autotests ne sont pas sérieux, explique Sandrine Josso à « Libération », elle-même victime d’une agression de la part du sénateur Joël Guerriau. Il y a trop de substances pour que ces kits puissent toutes les identifier. Ils risquent de produire des faux négatifs, compromettant les preuves nécessaires devant un tribunal. » Le « Quotidien du pharmacien » avait d’ailleurs enquêté sur la pertinence de vendre ces kits en officine, en février dernier.
L’enjeu du dispositif identifié par la mission est, en effet, d’assurer un recueil de preuves incontestables devant la justice, dans un délai court après l’exposition à des médicaments détournés ou à des drogues, à l’insu de la victime. Seuls des prélèvements réalisés par une personne assermentée et analysés en laboratoire spécialisé peuvent garantir de tels résultats, selon la mission. En 2022, 1 229 cas de soumission ont été analysés par le Centre de référence des agressions facilitées par les substances, touchant en majorité des femmes.
La mission recommande trois volets de mesures : le premier concerne l’orientation des victimes lorsqu’elles se présentent à la police, à la pharmacie ou auprès d’un médecin. La mission la Haute Autorité de santé (HAS) va élaborer des fiches réflexes comprenant des recommandations sur l’examen, le diagnostic, le dépistage toxicologique et l’accompagnement des victimes. Ensuite, les victimes doivent être orientées vers le « bon » laboratoire doté des technologies nécessaires à des analyses toxicologiques poussées (telle que la chromatographie en phase liquide) et en capacité d’interpréter les résultats. La mission recommande de créer un répertoire référençant les laboratoires experts de chaque région ainsi que les unités médico-judiciaires (UMJ).
Deuxièmement, dans les zones sans laboratoire répertorié ou sans UMJ, les infirmières pourraient « être habilitées à effectuer des prélèvements dans les heures suivant l’agression, confie Sandrine Josso à « Libération ». Au besoin, elles les conserveraient dans leur frigo, avant de les acheminer au laboratoire compétent. » Un groupe de travail élabore actuellement un cahier des charges avec des toxicologues et des laboratoires de référence. Quel serait alors le rôle des pharmaciens ? Ce serait d’orienter vers les infirmières et les laboratoires référencés en s’appuyant sur la fiche réflexe de la HAS, afin que les victimes ne perdent pas de temps dans le recueil des preuves. Pour cela, tous les professionnels de santé et judiciaires devront être formés à un « protocole national » à suivre.
Le troisième volet concerne la prise en charge des analyses toxicologiques par l’assurance-maladie, y compris sans dépôt de plainte. Certaines substances disparaissent en quelques heures du sang ou de l’urine, la seule preuve réside alors dans l’analyse capillaire, qui peut coûter entre 500 et 2 000 euros, selon le rapport. Une expérimentation de gratuité de ces analyses sans dépôt de plainte débutera en juillet dans trois régions, dont un territoire d’outre-mer. En fonction des résultats, Sandrine Josso souhaite que ce dispositif soit généralisé en 2026.
La ministre chargée de l’Égalité, Aurore Bergé, s’est engagée, dans le cadre du budget 2026, à « renforcer les moyens sur le recueil de preuves, les UMJ, l’élargissement du spectre d’action des maisons de santé des femmes… » Elle espère présenter un projet de loi sur les violences sexuelles et intrafamiliales en octobre, avec des mesures spécifiques à la lutte contre la soumission chimique. En attendant, elle est favorable à une grande campagne de sensibilisation sur le sujet.
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