Cursus pharmaceutique

Rentrée 2025 : quelles actions peut-on attendre de la part de l’ANEPF ?

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Publié le 11/09/2025
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À l’issue de l’assemblée générale du 61e congrès de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF) qui s’est tenu du 3 au 6 juillet à Grenoble, Noémie Chantrel-Richard a été élue présidente de l’association, succédant à Ilan Rakotondrainy. À ses côtés, Syrine Ayed, qui prend le relais de Valentin Masseron en tant que porte-parole de l’association. Réforme du 3e cycle, santé mentale des étudiants, inclusivité des études… De quels dossiers ce nouveau bureau s’empare-t-il ?

ANEPF

Crédit photo : DR

Le Quotidien du pharmacien -. Quels sont les principaux sujets sur lesquels prévoit de travailler l’ANEPF durant l’année qui vient ?
Noémie Chantrel-Richard -. Il y en a trois. D’abord, la réforme du 3e cycle dont nous attendons la mise en place pour septembre 2026. Ensuite, nous allons poursuivre les travaux effectués par le bureau précédent sur la santé mentale des futurs pharmaciens. Par exemple, il y aura une révision des référents locaux en santé mentale. Nous voulons nous assurer que ces personnels sont volontaires et correctement formés à leurs missions. Il y a des villes où le dispositif fonctionne très bien et d’autres ou il y a des mises à jour à faire, parfois par la formation. Enfin nous allons axer nos efforts sur l’inclusivité. Aussi bien des étudiants en situation de handicap que des étudiants ultramarins, pour lesquels une contribution a été votée au 61e congrès en juillet.
Syrine Ayed - Concernant la santé mentale, nous voulons consolider les positions construites durant le précédent mandat et faire appliquer dans les universités et par la Coordination nationale d’accompagnement des étudiants (CNAE) les propositions faites au terme de l’enquête réalisée par le précédent bureau. Nous travaillons avec eux à la construction d’un modèle qui répondrait aux problématiques identifiées dans l’enquête. Par ailleurs, la ligne d’écoute annoncée par le précédent bureau sera ouverte à la rentrée.

La R3C a donc encore une fois été repoussée, y a-t-il des garanties qu’elle ne sera pas encore une année de plus ?
N.C.-R. -.
Les choses ont beaucoup bougé sur les conditions de mise en place de la réforme durant l’année qui vient de s’écouler, mais ces changements sont intervenus un peu tard. Les discussions ont impliqué de nombreux acteurs : la Conférence des doyens, la Direction générale de l’offre de soin (DGOS), la Direction générale de la Santé (DGS), le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche… Le temps a manqué pour mettre tout le monde d’accord. Alors, effectivement, cela fait un certain moment que cette réforme est sur la table et nous n’avons toujours pas de garanties pour l’année prochaine. Toutefois, cela ne va pas nous empêcher d’avancer sur les modalités, sur les référentiels de compétences, sur le statut de l’étudiant, sur des éléments concrets de la réforme. Par ailleurs, puisque nous nous emparons du sujet dès le début de notre mandat et à la suite du travail de nombreux bureau, nous disposons d’une large fenêtre pour axer nos efforts et porter cette réforme au bout du processus.

Quelle action peut-on attendre de l’ANEPF dès la rentrée universitaire ?
S.A. -. L'ANEPF publie depuis 2018 un indice sur le coût de la rentrée pour un étudiant en pharmacie qui rentre en deuxième ou en cinquième année. Ce dossier inclut les chiffres d’une enquête sur la précarité des étudiants pharmaciens et ceux du Grand entretien 3.0, réalisés par le bureau précédent. À partir de ces deux travaux, nous construisons des propositions pour abaisser le coût des études. Au premier rang de nos demandes, la réforme des bourses sur critères sociaux, dont l’attribution et le fonctionnement comportent des angles morts. Certains étudiants, par exemple, ne peuvent pas compter sur les ressources de leurs parents à cause de conflits relationnels et ne touchent pourtant pas de bourse. Par ailleurs, elles s’interrompent l’été alors que les étudiants continuent de payer leur loyer. Le repas CROUS à 1 euro pour tous les étudiants est aussi une des propositions que nous soutenons. Enfin, nous allons communiquer sur notre fonds de dotation qui met à disposition des bourses d’urgence ou des bourses d’été. L’an passé, plus de 70 étudiants ont pu en bénéficier.

La question de l’inclusion des étudiants en situation de handicap et des étudiants ultramarins, quelles problématiques spécifiques y voyez-vous ?
N.C.-R. - L’inclusion de ces étudiants dans les études de pharmacie en métropole est au cœur de ces travaux. Il n’y a pas de faculté de pharmacie en outre-mer, ce qui contraint les futurs pharmaciens à venir étudier en métropole et induit un surcoût estimé à près de 1 300 euros s’ils veulent voir leur famille ne serait-ce qu’une seule fois par an. Un surcoût rédhibitoire pour trop d’étudiants. Dans un contexte ou l’attractivité des études est au cœur des enjeux de la profession, il nous a paru primordial de ne pas laisser ces étudiants de côté. Nous travaillons aussi au maintien du lien avec les étudiants en première année dans les territoires d’outre-mer à travers de projets de tutorat, qui nous permettent aussi de les introduire à nos cursus.
S.A. -. Le Grand entretien 3.0 a estimé à 4 % le nombre d’étudiants qui se déclarent en situation de handicap. C’est 15 à 20 % dans la population générale. Ces chiffres posent question. Est-ce qu’il y a un filtre qui empêche ces jeunes de s’engager dans des études de santé ou est-ce qu’il y a une honte qui les retient de se déclarer ? En ce qui concerne la prise en charge du handicap au sein de l’officine, nos étudiants nous ont fait remonter un certain nombre d’éléments du terrain sur lesquels nous travaillons pour construire les positions de l’association et les propositions que nous soutiendrons. Nous avons un membre chargé de la mission inclusivité et handicap en charge de ce dossier qui travaille à sensibiliser les étudiants à ces questions et accompagne les associations locales. Nous avons également établi une collaboration avec l’association 100 % Handinamique, qui œuvre pour les jeunes en situation de handicap, avec laquelle nous menons des campagnes et que nous invitions à nos évènements.

Peut-on attendre des actions en faveur de l’attractivité du cursus ?
S.A. -.
Je pense que le choix des mots n’est pas juste. Notre métier est attractif, mais encore faut-il le connaître. C’est dans ce sens qu’a été pensée la campagne Bouge ta pharma, en partenariat avec l’Ordre de pharmaciens. Partenariat que nous renouvelons d’ailleurs cette année. C’était la première fois qu’un défi national était lancé et que l’ensemble des facultés étaient fédérées autour d'un projet et les étudiants ont répondu présent. Il nous reste une quantité conséquente de contenu vidéo créé par les étudiants, que nous prévoyons de continuer à diffuser cette année.

L’ANEPF ne se prononce pas sur les questions économiques, notamment sur la problématique des remises sur les génériques qui mobilise les officinaux depuis l’été. Pourquoi ce choix ?
N.C.-R. -.
En tant qu’étudiants, et notamment de différentes filières, nous ne pensons pas que notre rôle soit de se positionner sur ces questions. En revanche, nous participons à la sensibilisation de nos étudiants sur les questions de maintien de l’offre de soins et du maillage territorial. Pour les étudiants qui ne lisent pas la presse pharmaceutique, il peut être difficile de comprendre ce sujet. Aussi, nous nous efforçons de vulgariser ce sujet sur nos réseaux sociaux.

L’ANEPF publie son dossier sur le coût de la rentrée 2025-2026 pour les étudiants en deuxième année de pharmacie, auquel s’ajoutent les données du rapport sur la précarité réalisé par le précédent bureau. Les chiffres sont préoccupants. Le coût de la rentrée a encore augmenté : un étudiant de deuxième année dépense en moyenne 3 190 euros contre 3 095 euros l’année précédente, soit une augmentation de 3,06 %. Près de six étudiants en pharmacie sur dix déclarent rencontrer des difficultés financières et près d’un sur deux a déjà renoncé à se chauffer pour réaliser des économies. Plus grave encore, 52 % affirment avoir sauté un repas pour des raisons budgétaires. Ces situations précaires conduisent près de trois futurs pharmaciens sur dix à exercer un emploi salarié pour améliorer leur niveau de vie. « Je travaille à côté des cours, mais notre présence est obligatoire à tous les enseignements, les profs font l’appel et notent les absents. Cela entraîne une pénalité le jour du partiel. On part avec un désavantage ou des points en moins. Cependant, si je ne travaille pas, je ne peux pas étudier car je finance l’intégralité de ma vie étudiante », raconte une jeune femme qui a souhaité rester anonyme. Un salariat qui n’est pas sans conséquences sur la scolarité : « Un étudiant avec une activité rémunérée consacre 11 heures hebdomadaires de moins à son travail personnel, ce qui pèse de facto sur les performances aux examens », déplore Syrine Ayed, porte-parole de l’ANEPF.

Parmi les mesures demandées par l’ANEPF pour répondre à ces besoins, figure la vente à moindre coût des invendus alimentaires de la journée du CROUS (pour réduire le gaspillage et alléger le budget alimentation des étudiants), et un accès universel aux bourses. Cet accès serait basé sur les besoins sociaux réels de chaque étudiant, indépendamment de la situation familiale, et prendrait en compte le contexte économique et géographique de chaque territoire. « En d’autres termes, nous demandons un accès aux bourses qui ne soit pas conditionné par les revenus des parents et qui intègre les différences territoriales de coût de la vie et des loyers, argumente Syrine Ayed. La Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) a, par exemple, estimé qu’il peut y avoir jusqu’à 200 euros de différence entre un loyer en Île-de-France et dans le reste du pays. » Par ailleurs, l’ANEPF rappelle que son fonds de dotation attribuera encore cette année des aides ponctuelles et des bourses d’été. « Le choix de devenir pharmacien ne doit jamais être conditionné par le milieu social d’origine, ni par la capacité financière de l’étudiant », martèle la porte-parole de l’association.

Propos recueillis par Arthur-Apollinaire Daum

Source : Le Quotidien du Pharmacien