Officine pratique

Comment diminuer la para au profit des services ?

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Publié le 16/10/2025
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Hausse des charges, marge fragilisée, remises génériques menacées… C’est peut-être le moment pour l’officine de revenir sur ses activités, analyser les performances de chacune et décider de développer son offre en services.

Si l’objectif est de développer ses services, l’officine doit, en toute logique, prioriser l’offre de parapharmacie qui leur est liée

Si l’objectif est de développer ses services, l’officine doit, en toute logique, prioriser l’offre de parapharmacie qui leur est liée
Crédit photo : BURGER/PHANIE

Se réorienter : Pourquoi ?

Négociations avec le fournisseur, implantation des produits, animation et conseil mobilisent du temps que l’officine économisera si elle décide d’abandonner certaines gammes de parapharmacie. Mais, à l’inverse, développer ses services peut exiger d’élargir une partie de cette offre notamment si elle peut répondre à des problématiques de santé. Rogner sur la parapharmacie pour élargir le champ de ses services n’est donc pas forcément pertinent.

Des services porteurs

La liste des services qui peuvent prendre place à l’officine ne fait que croître et embellir. Récemment évoqués dans le cadre des économies à réaliser pour l’assurance-maladie, le déploiement du pharmacien correspondant et son intégration dans le service d’accès aux soins (SAS) pour soulager les urgences pourraient s’ajouter aux missions de prévention, d’accompagnement, de dépistage, de délivrance des traitements (pharmacien référent en EHPAD…), de dispensation des soins que l’officine s’est vu attribuer pour assurer le suivi des patients. Certaines sont une indéniable source de dynamisme et de croissance pour la structure :

- La prescription et l’administration (sous condition d’équipement et de locaux) des vaccins mentionnés dans le calendrier des vaccinations (en plus des mesures dérogatoires liées aux vaccins grippe et Covid) sont désormais autorisées aux pharmaciens formés et déclarés pour cette activité. Une toute jeune pratique qui a connu une hausse importante au premier semestre 2025, sachant que le vaccin est un des principaux contributeurs à la croissance de l’activité officinale. Le tarif d’une vaccination avec prescription du pharmacien est fixé à 9,60 euros TTC par l’Assurance maladie.

- Les actes de dépistage (sous condition d’équipement et de locaux) des maladies infectieuses et non transmissibles (glycémie, TROD Angine, grippe/Covid-19, infection à VRS, cystite), la dispensation d’antibiotiques au regard d’un test ou encore la délivrance des kits de dépistage du cancer colorectal confortent l’officine dans sa mission de relais de santé. La prise en charge de l’angine, comme celle de la cystite, à l’officine est rémunérée 10 euros TTC ou 15 euros TTC selon le cas de figure (TROD sans délivrance d’antibiotique, TROD avec délivrance d’antibiotique sur prescription du médecin, TROD avec délivrance d’antibiotique sans prescription).

- Les entretiens pharmaceutiques, bilans de médication (sous condition de formation thématique) et de prévention restent porteurs bien que moins pratiqués par les pharmacies (plus de 30 %*).

- Cabine de téléconsultation, télésoin, leur implantation se justifiera pleinement dans les territoires touchés par la désertification médicale. Certaines de ces solutions ont cependant un coût non négligeable même si une participation aux frais d'équipement et une rémunération au nombre d'actes sont prévues par la convention nationale pharmaceutique en ce qui concerne la téléconsultation. 32 %* des officines proposent ces services.

*Statistiques Gers Data 1er semestre 2025

Les critères pour choisir… ou pas

Difficile pour l’officine d’arbitrer entre différents services sachant qu’elle ne peut déroger à ses nouvelles missions qui résultent de l’élargissement du champ de l’exercice officinal. Les actes de vaccination et de dépistage, par exemple, sont pratiqués par au moins 80 % du parc officinal. Répondre à une demande de vaccin ou à une suspicion d’angine fait désormais partie de la pratique courante. L’enjeu sera plutôt d’informer sur le service afin de solliciter une population qui n’a pas conscience de l’évolution des activités officinales. Et de s’organiser pour assurer le développement de la mission. Il faudra bien sûr décider sur quels services miser avant de libérer du temps pour s’y consacrer. Le profil de la clientèle peut orienter le choix : aux patients situés dans les tranches d’âge clés (18/25 ans, 45/50 ans, 60/65 ans, 70/75 ans), l’officine peut proposer un bilan de prévention accompagné de dépistage ; aux côtés des patients chroniques, elle peut développer les entretiens pharmaceutiques et bilans de médication ; elle peut aussi accompagner les femmes enceintes lors d’un entretien, leur proposer une mise à jour des vaccins, parler des solutions de contention… Pour accueillir et accompagner ces différents flux de patients, l’officine devra s’organiser en amont, établir une routine.

Rationaliser la para : on garde quoi ?

Si l’objectif est de développer ses services, l’officine doit, en toute logique, prioriser l’offre de parapharmacie qui leur est liée. Par exemple, elle conservera un large éventail d’autotests et appareils d’automesure si elle s’investit dans la prévention et le dépistage. Par ailleurs, elle pourra mettre en avant son rayon de soins et d’hygiène des pieds si elle pratique les tests de glycémie. L’officine peut également hiérarchiser ses rayons en considérant leur univers d’appartenance : si elle décide de miser sur les soins cutanés pour hommes et les produits d’entretien de la barbe, particulièrement porteurs, elle conservera les compléments alimentaires voués à accompagner l’effort des sportifs.

D’autres secteurs de la parapharmacie affichent leurs performances. « La dermocosmétique a gagné 9 % en valeur en 2024 », précise Laurence Ledreney-Grosjean, fondatrice de Pharmachat, entreprise spécialisée dans la gestion des achats à l’officine. Tout un champ de l’activité officinale qui abrite des niches à fort potentiel : « Outre les soins du visage pour hommes, la cosmétique coréenne, qui comprend une dizaine de marques, est recherchée par les femmes de 20 ans à 40 ans, sans parler des gammes à composition bio et naturelle qui continuent leur progression. » La nutrithérapie est un autre rayon porteur (+6,3 % en valeur en 2024 selon Nères*) au sein duquel les compléments alimentaires issus de la phytothérapie, de l’aromathérapie et les formules à base d’oméga 3 et d’acides aminés sont à privilégier. L’hygiène corporelle, peu performante en termes de marge, pourra en revanche être réduite sans que l’officine en souffre.

*Baromètre 2024 des produits de santé et de prévention de premier recours en pharmacie (Nères/Openhealth)

Faire le tri parmi les fournisseurs

Diminuer l’univers de parapharmacie implique de devoir se séparer de certains fournisseurs. Pour décider desquels, on peut déterminer combien chaque marque coûte et rapporte afin de savoir, au final, quelle est la plus rentable au mètre linéaire. Dans le calcul interviennent la marge, le taux de rotation, l’immobilisation (le stock), la logistique. Les relations commerciales avec les fournisseurs sont aussi à considérer (conditions d’achat, évolution des tarifs, reprise des invendus…) de même que les motivations propres à l’officine pour référencer une marque (sécurité, positionnement, nouveauté, logistique, coût et taux de marge, confiance dans le partenariat). « La pharmacie doit miser sur les fournisseurs qui privilégient le circuit et s’y investissent », conclut Laurence Ledreney-Grosjean.

(Sujet réalisé en collaboration avec David Syr, directeur général de Gers Data).

Repères

- Rogner sur la parapharmacie pour élargir le champ de ses services n’est pas forcément pertinent.

- Certains services comme la prescription et l’administration des vaccins ou la réalisation des tests de dépistage sont une indéniable source de dynamisme et de croissance pour l’officine.

- Les entretiens pharmaceutiques, les bilans de médication et de prévention restent porteurs bien que moins pratiqués par les pharmacies.

- L’implantation d’une cabine de téléconsultation, la mise en place d’un service de télésoin seront pleinement justifiés dans les territoires touchés par la désertification médicale.

- L’enjeu pour l’officine sera plutôt d’informer sur le service qu’elle veut développer afin de solliciter une population qui n’a pas conscience de l’évolution des activités officinales.

- L’officine doit prioriser l’offre de parapharmacie en lien avec les services qu’elle souhaite développer.

- La dermocosmétique et la nutrithérapie disposent de segments à fort potentiel.

- Diminuer la parapharmacie implique de devoir se séparer de certains fournisseurs.

Sondage

63 % des officines n’ont jamais songé à diminuer leur offre para au profit des services

(Selon une enquête CallMediCall/« Le Quotidien du Pharmacien » réalisée du 25 août au 30 septembre 2025).

Anne-Sophie Pichard

Source : Le Quotidien du Pharmacien