Ce n’est plus qu’une question de semaines. De source syndicale, les arrêtés tant attendus portant sur la substitution des biosimilaires devraient être publiés tout prochainement. Une information confirmée par Pierre Pribile, directeur de la Sécurité sociale au cours de la 15e rencontre de l’USPO. « Le dispositif de la substitution biosimilaire est en train de s’assembler. »
Ce sont ainsi six nouvelles molécules (1) qui pourraient entrer dans le champ officinal (voir tableau ci-contre), le ranibizumab ayant déjà fait l’objet d’un arrêté ministériel le 3 novembre 2024. Cette ouverture à la substitution par le pharmacien de certains anticorps monoclonaux, analogue de la parathormone, héparines, hormones sexuelles ou encore médicaments ophtalmologiques est attendue avec impatience par la profession et par les pouvoirs publics eux-mêmes. Car dans un contexte où la Sécurité sociale annonce pour cette année un déficit de 22 milliards d’euros, dont 15 milliards imputables aux produits de santé, la substitution par biosimilaires s’impose comme une source non négligeable d’économies. Au bas mot, l’assurance-maladie vise une économie de 90 millions d’euros dès cette année. Laure Manceron, directrice médicale et pharmaceutique de TotumLab (2), estime pour sa part que la substitution à 100 % des huit molécules pourrait générer 130 millions d’euros d’économies.
Partage d’informations
La substitution des biosimilaires représente donc un levier majeur dans la maîtrise des coûts de santé. Selon le récent sondage IFOP, la moitié des patients sous biothérapie connaissent les biosimilaires et 80 % d’entre eux trouvent la substitution positive. Dans la population générale, seules 10 % des personnes savent ce qu’est un biosimilaire. Une large campagne d’informations grand public, à l’image de celle en faveur des génériques, s’impose donc. Elle devra ensuite être suivie d’un accompagnement par le pharmacien, clé de voûte dans l’observance du patient. Car il lui revient de démontrer que ces produits répondent aux mêmes exigences que le bioréférent. Un discours qui réclame un préalable toutefois, comme le souligne Sonia Jouve. Comme Alain Olympie, représentant de l’association AFA Crohn RCH France, la pharmacienne, conseillère de l’USPO, pointe un côté pratique « accompagnement, expertise et transparence sont les maîtres mots. Toutefois, le pharmacien a tout intérêt à se familiariser avec la manipulation des devices. Car entre la théorie de la notice et la démonstration devant le patient, il y a une grande différence ».
Pour aider les pharmaciens dans leur démarche, TotumLab a mis en place la plateforme Biomedinfo.fr, un outil de connaissance pour le pharmacien. Il s’agit d’un guichet unique accessible à tous les pharmaciens et aux patients, fonctionnant à l’instar de l’Omedit, avec des fiches dédiées à chacune de ces deux catégories pour 140 biomédicaments. Sur le terrain, Mehdi Djilani, président de TotumLab, installé à l’Ile d’Oléron, se fait l’apôtre des biosimilaires : il convie à des réunions d’information sur les biosimilaires les médecins généralistes de son territoire « autant intéressés par la partie pharmacologique que par la partie clinique. » Ce partage d’informations serait également profitable aux infirmières à domicile, souligne Françoise Alliot-Launois, présidente de l’Association française de lutte antirhumatismale (AFLAR).
Une nouvelle culture
Le réseau Totum, pour sa part, a déjà ouvert la voie vers la substitution. Ainsi, en 2024, les pharmaciens ont enregistré un taux de pénétration pour le pegfilgrastim de 94 %, soit 4 points de plus que la moyenne nationale. Quant au filgrastim, le score atteint par les adhérents Totum dépasse d’un point le niveau de pénétration national (95 %). Ces deux molécules sont substituables depuis trois ans, comme le souligne GERS Data. David Syr, son directeur général, revient sur le taux de pénétration des groupes biologiques déjà présents en ville (voir tableau ci-dessous). Il y a fort à parier que ces biosimilaires pour lesquels la substitution par le pharmacien sera prochainement autorisée disposeront alors d’une belle marge de progression. Atteindront-elles les sommets remportés par les deux molécules substituables depuis avril 2022 (pegfilgrastim et filgrastim) ? Le pari vaut le coup d’être tenté, tant cet engagement est vertueux à plus d’un titre.
Financer l’innovation
Car, pour le Pr Stéphane Mouly, spécialiste en médecine interne et pharmocologue à l’hôpital Lariboisière (Paris), l’enjeu n’est pas seulement économique. Le recours aux biosimilaires permet également de garantir un accès au traitement dans un contexte de pénuries de médicaments. Cela suppose toutefois une prise de conscience et de connaissances. Il rappelle que la substitution biosimilaire a nécessité plus d’une décennie pour susciter une culture médicale et pharmaceutique à l’hôpital. Un délai que la ville, cependant, ne pourra se permettre au regard des enjeux. Le Pr Mouly exhorte à élargir les pipelines aux thromboemboliques, aux traitements de l’ostéoporose, et sans doute aux insulines… À noter, cependant, que la substitution de l’insuline glargine et l’insuline asparte a, jusqu’à présent, reçu un avis négatif de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Tandis que trois autres molécules, la somatropine, le tocilizumab et l’ustekinumab, sont toujours dans l’attente d’un verdict de l’autorité.
Mais la substitution permet un accès au traitement encore plus large, insiste le Pr Mouly, puisque les économies générées peuvent ainsi financer l’innovation. Il en veut pour exemple le transfert, opéré au sein de son établissement, d’une partie des économies réalisées par le recours aux biosimilaires. Cette somme – 28 millions d’euros- permet le traitement par thérapie génique (Zolgensma) de onze enfants.
Bon point pour la santé économique
Bénéfique aux comptes sociaux, la substitution biosimilaire élargie à de nouvelles molécules devrait également l’être pour l’économie officinale. En allusion à l’arrêté de marge paru le 7 juillet 2024, ancrant le principe d’une égalisation de la marge avec le biomédicament de référence, Pierre Pribile s’est félicité : « nous sommes en train de créer les conditions d’un succès. La substitution biosimilaire est une machine à efficience pour l’assurance-maladie. Et nous n’avons aucun doute que les pharmaciens sauront la faire fonctionner. » La profession reste toutefois dans l’expectative. Tant que le texte fixant le niveau des remises pour les biosimilaires à celui des génériques n’est pas paru. Car les syndicats ont maintes fois exprimé leur crainte que le procédé des vases communicants ne soit appliqué, au détriment des remises génériques. « Il faut que la substitution biosimilaire soit un process gagnant-gagnant, en toute transparence entre l’assurance-maladie et les pharmaciens, conclut Guillaume Racle, membre du bureau de l’USPO, dans le cas contraire cela remettra en cause toutes les interventions que nous pouvons faire, dont les interventions pharmaceutiques (IP). »
(1) Aflibercept (Eylea) ne pourra être substituable qu’en novembre, une fois passé le délai de deux ans
(2) Conférence du 6 février 2025
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