« J'ai envoyé un courriel à une centaine d’associations de patients parisiennes. Je leur demandais si elles avaient besoin de pharmaciens pour les aider dans leur action. Deux associations m’ont répondu, dont Actions traitements, qui soutient les patients infectés par le VIH », raconte Alexis Sean. C’est au sein de cette association que ce jeune adjoint évolue depuis 2017, en complément de son emploi à l’officine : « Les trois premières années, j’ai participé à la mission d’éducation thérapeutique. Depuis 2020, je participe à la création d’outils d’information et de prévention, à destination des patients et des professionnels de santé. » Pour Imane Badran, adjointe dans la Marne, le contact avec l’association Alliance maladies rares s’est fait par hasard : « J’ai postulé à une annonce de l'association relayée par l'Ordre des pharmaciens. Je venais de terminer un master de santé publique, et cette opportunité m’est apparue comme une suite logique. »
Donner et recevoir
« Je ne suis dans l’association que depuis le mois de juin 2021. J’interviens surtout en tant que relectrice de dossiers relatifs aux médicaments orphelins. J’apprends plein de choses, c’est très gratifiant et enrichissant. En outre, pour les professionnels de santé, cela permet de développer une relation différente avec les patients, de se débarrasser des œillères qui nous enferment parfois dans nos connaissances », confie Imane.
Quand d'autres brandissent le manque de temps comme frein à l'engagement associatif, Imane répond simplement : « Honnêtement, ça ne me prend pas beaucoup de temps, surtout en comparaison à d’autres bénévoles qui donnent beaucoup plus. Et puis, quand on veut on peut. » Pour Actions traitements, Alexis consacre environ cinq heures par semaine : « J’ai un emploi du temps à l’officine concentré sur 3 jours et demi, ce qui me laisse du temps libre pour la vie associative. Tout est une question d’organisation. » D’ailleurs, l'adjoint parisien ne considère pas cet engagement comme une charge de travail supplémentaire : « Que ce soit dans ou hors des murs de l’officine, ces activités sont complémentaires et c’est comme cela que j’envisage d’exercer mon métier de pharmacien que j’ai choisi par passion. Tout ce qui me permet d’explorer la mise en œuvre des compétences pharmaceutiques m’intéresse. Je pense qu’on a trop tendance à enclaver la pharmacie dans l’officine. »
L'association, premier lieu d'interprofessionnalité
Les deux adjoints le confirment : cet engagement associatif apporte en retour un réel enrichissement professionnel et humain. « Dès qu'on a plus de 5 minutes d'échange avec un patient, comme c’est le cas en séance d’éducation thérapeutique, on se rend compte des nombreux autres problèmes qu’il rencontre et qui peuvent avoir un retentissement négatif sur son traitement. Et on essaie de les résoudre avec lui », raconte Alexis Sean.
En outre, les associations de patients sont sans aucun doute la meilleure école pour apprendre à travailler en interprofessionnalité. « Chez Actions traitements, il y a des médecins, des infirmiers, des psychologues, des sexologues et des pharmaciens. Nous organisons des temps d'échanges entre nous, ce qui nous aide à comprendre les problématiques des autres professionnels intervenant auprès des patients. »
Un environnement favorable à l'engagement associatif
« Effectivement, s’impliquer dans une association de patients conduit souvent à sortir de sa zone de confort ; ça peut faire peur parce que ça nous pousse à nous remettre en question en tant que professionnel de santé. Pour ma part, cela m’aide à donner du sens à ce que je fais en tant que pharmacien », témoigne Julien Gravoulet.
Ce titulaire d’une pharmacie en Lorraine est un modèle en termes de bénévolat en associations, dont l’association « Cancer solidarité vie ». Il admet cependant que la décision de s’engager doit être motivée et non subie : « Quatre choses me permettent de m’impliquer dans des activités bénévoles : une bonne santé, une entreprise économiquement viable, une équipe performante sur laquelle je peux m’appuyer, et surtout, une famille qui accepte que je sois absent régulièrement en soirée ou certains week-ends. »
Association de patients : où sont les pharmaciens ?
Il n’existe pas de données sur l’engagement des pharmaciens dans les associations de santé, mais la rareté des témoignages suggère une présence timide de la profession dans ces structures. Les engagements d'Alexis ou d'Imane sont-ils des exceptions ?
Pour Julien Gravoulet, la disponibilité pour une association est étroitement liée à la temporalité : « Quand on est plus jeune, on a plutôt tendance à donner du temps à la famille et aux enfants, à sa carrière également. Et si l’engagement associatif existe, il concerne plus l’école ou les activités sportives et culturelles. J'ai eu l'occasion d'interroger quelques adjoints que je savais investis dans le milieu associatif quand ils étaient étudiants et qui, une fois diplômés, ont abandonné toute implication. Tous m’ont répondu qu’ils se sont laissés happer par le travail et le quotidien. Une maison à rénover, une résidence excentrée, une vie de famille qui débute… Tout cela contribue à éloigner de l’engagement bénévole, du moins pendant quelques années », note Julien Gravoulet.
L'expérience étudiante à prolonger
Pour Charlotte La Diega, le temps est à la réflexion. Pendant ses études à Montpellier, cette jeune pharmacienne, diplômée de 2020, a goûté à la vie associative : « J'étais impliquée au sein de l'association humanitaire de la faculté de pharmacie et au Rotaract. Être bénévole m’a énormément apporté en autonomie, en prise d’initiative. Cela m’a aidé à prendre confiance en moi. Le fait de s’impliquer pour une cause qui nous tient à cœur est une aventure humaine incroyable et nous pousse à aller plus loin dans nos projets, dans notre action. »
En poste depuis 3 mois seulement dans une nouvelle région, Charlotte se laisse un peu de temps pour trouver ses marques dans cette nouvelle vie : « J’ai privilégié le développement de mes compétences pour enrichir ma pratique officinale en passant des diplômes universitaires. Mais je sais que je reprendrai tôt ou tard le chemin d’une association de santé. En outre, je ne conçois pas de m’investir de manière sporadique. »