Le vitiligo est une pathologie d'origine auto-immune dysimmunitaire caractérisée par la perte des mélanocytes qui sont détruits à tort par l'organisme. Il se manifeste par des plaques blanches qui correspondent à des zones de peau où la mélanine a disparu.
La pathologie touche entre 0,5 et 2 % de la population dans le monde (autant les hommes que les femmes) et survient le plus souvent avant 30 ans ; il n’y a pas de différence de fréquence selon la couleur de peau ou l’origine ethnique. Le vitiligo n’est absolument pas contagieux, il existe un terrain génétique qui prédispose à développer la maladie mais pas de transmission héréditaire. Dans la forme la plus classique et la plus fréquente, les plaques sont symétriques et généralisées partout sur le corps. Dans la forme dite segmentaire, la dépigmentation est unilatérale et se limite à une zone du corps (avant-bras, main). Par ailleurs, il entraîne dans la grande majorité des cas une dépigmentation complète, alors que la plupart des autres causes de dépigmentation, comme la lèpre ou les infections à champignons, entraînent une dépigmentation partielle (la peau est plus claire mais pas complètement blanche).
Le vitiligo évolue par poussées mais son évolution est imprévisible, il peut rester stable, s’étendre plus ou moins rapidement, voire régresser. Les plaques sont généralement asymptomatiques, mais il existe des signes cliniques montrant une forte évolutivité et activité de la maladie comme le signe de Kœbner (développement sur des zones de frottements réguliers ou sur des cicatrices), des bords hypochromiques et flous mais aussi une dépigmentation en confetti.
Beaucoup de croyances erronées
La maladie n'est pas psychosomatique, cependant le stress (au sens médical du terme) peut déclencher ou aggraver des poussées. Elle est encore souvent considérée comme un problème esthétique bénin alors qu'elle est très stigmatisante. Son retentissement est majeur sur la qualité de vie des personnes qui en souffrent. Les atteintes des mains et du visage sont les plus difficiles à supporter.
Malheureusement de nombreux mythes et idées reçues continuent de circuler, déplore le Pr Thierry Passeron, dermatologue CHU de Nice : « Non, les personnes ayant un vitiligo n'ont pas plus de risque de développer un cancer cutané, le risque est même 3 fois moins important pour le mélanome. Non, le soleil n'est pas nocif, c’est le contraire car sans ultraviolets il est quasi impossible de repigmenter un vitiligo. Oui, il existe des solutions déjà efficaces pour aider de nombreux patients » affirme-t-il. De façon optimale la prise en charge doit stopper la perte mélanocytaire en bloquant la dépigmentation et induire la repigmentation des plaques.
Traiter le vitiligo actif est une urgence
Dans les vitiligos non actifs, le traitement pour induire la prolifération des mélanocytes est aujourd’hui bien codifié et repose sur l’association d’un traitement topique et d’une photothérapie ou des UVB. Il est même possible de repigmenter des vitiligos très anciens évoluant depuis des dizaines années. En première intention les dermocorticoïdes topiques ou le tacrolimus en crème permettent une repigmentation complète, ou quasi complète, du visage pour 70 à 80 % des patients, ils donnent de très bons résultats sur le corps dans 50 % des cas, mais ils sont peu concluants sur les mains et les pieds (20 à 30 %). « Le traitement est long, entre 6 et 24 mois et au moins 6 mois avant de juger de son efficacité, prévient le dermatologue. Le résultat est optimisé en été par une exposition solaire régulière (3 ou 4 fois par semaine) sans crème solaire jusqu’à ce que la peau blanche devienne bien rose. En hiver on peut avoir recours à une puvathérapie ou aux UVB dans les cabines du dermatologue, alors que les UV des cabines des esthéticiennes sont de type A, inutiles pour repigmenter. Il existe des lampes UVB à spectre étroit permettant une photothérapie à domicile. » Quand le vitiligo est actif et s'étend rapidement le traitement est urgent pour bloquer son évolutivité. Il fait appel à des petites doses de corticoïdes par voie orale associées à une photothérapie UVB spectre étroit pendant 3 à 6 mois. Chez le petit enfant les mini pulses de cortisone se font seuls sans photothérapie. Les traitements chirurgicaux sont utiles pour les vitiligos localisés et stables et pour les formes segmentaires.
La voie prometteuse des antiJak
De nouveaux traitements sont aujourd'hui en développement. Parmi eux, le ruxolitimib en crème, médicament ciblé de la famille des antiJak. Cet inhibiteur de kinase a obtenu une AMM aux États-Unis en juillet 2022. Il a montré chez des adultes et des enfants de plus de 12 ans une bonne efficacité sur le visage et le corps et une bonne tolérance ; en revanche il est décevant sur les lésions situées sur les mains et les pieds. « Dès qu'il sera autorisé en France, il devrait devenir le traitement de première ligne, au mieux associé aux UVB, en particulier pour les formes les moins étendues. D'autres essais sont en cours d'étude avec d'autres antiJAK par voie orale pour les formes très actives ou étendues Ils pourraient avoir un intérêt pour prévenir les récidives », espère le Pr Passeron. Il est indispensable de poursuivre la recherche fondamentale afin de mieux comprendre les mécanismes impliqués dans la dépigmentation de la peau mais aussi d’appréhender les voies qui permettent aux mélanocytes de recoloniser la peau atteinte afin de repigmenter les zones atteintes.
D'après une conférence de presse du Pr Thierry Passeron, du CHU de Nice, dans le cadre des Journées dermatologiques de Paris 2022.