Le Quotidien du pharmacien. – À quel type de fumeur peut-on proposer un accompagnement au sevrage ?
Vincent Loubrieu.– Avant tout, définir à quel stade du cycle de Prochaska Di Clementi le fumeur se trouve. Celui qui a le plus besoin d'être accompagné est le fumeur ambivalent, qui navigue entre l'intérêt d'arrêter de fumer et celui de continuer, ou celui qui a rechuté après une tentative de sevrage. À nous de l'aider à augmenter sa motivation au changement et l'amener à être acteur de sa démarche. Au fumeur qui est déjà dans un processus d'arrêt, on proposera un traitement à base de substituts nicotiniques, ainsi qu'un suivi régulier.
Comment se passe le suivi du fumeur en sevrage ?
Il faut montrer au fumeur tout l'intérêt qu'on porte aux questions que le sevrage lui pose et organiser l'accompagnement - au comptoir ou idéalement lors d'un entretien de motivation - selon ses disponibilités et toujours avec beaucoup d'empathie. Le suivi est très important pour le fumeur qui, au début, est en forte recherche de soutien et peut renouveler ses visites régulièrement. Lors de la rencontre, faites-lui exprimer ses craintes concernant l'arrêt (énervement, prise de poids, peur d'échouer…). Il devra aussi identifier les situations de la vie quotidienne où il a l'habitude de fumer (le matin, café, apéritif, en voiture, pendant une pause…) et qui déclenchent l'envie de tabac. C'est la dépendance psycho-comportementale dont le fumeur doit prendre conscience s'il veut la supprimer. Si la personne cède à l'envie et fume pendant son sevrage, il faut dédramatiser et surtout mettre en évidence les circonstances qui ont amené le geste. C'est par l'expérience de l'arrêt que le fumeur découvrira le processus de dépendance et comment le contourner.
Comment mettre en place un traitement ?
Il faut évaluer la dépendance du fumeur - test de Fagerström, nombre de cigarettes fumées par jour, test du taux de CO dans l'air expiré - pour savoir quel dosage de nicotine proposer (l'ordonnance du médecin peut parfaitement être adaptée). En général, on associe un patch à une forme orale mais tout dépend du degré de dépendance. Le danger est de sous-doser le traitement – beaucoup plus courant que le surdosage – qui déclenche le manque chez le patient. On essaie donc d'évaluer au mieux le dosage nécessaire qu'on peut ajuster lors d'une prochaine visite dont on laisse le choix au patient. Quand il se représente, on fait un bilan pour savoir comment il a vécu cette première période et s'il supporte bien le traitement (énervement, cauchemars que peuvent causer les patchs…). Dès lors, on peut modifier les dosages, changer les formes, les parfums… On ajuste le traitement à la personne, selon ses habitudes de vie, ses besoins. Rappeler qu'un timbre se change de place tous les jours pour éviter l'allergie, qu'une gomme doit être mâchée par intervalle et le comprimé laissé en contact avec la muqueuse buccale si l'on veut que la nicotine se diffuse efficacement.