Assise à son bureau, Karine finalise le planning des congés d'été. Avec beaucoup de diplomatie et un soupçon d'autorité, elle a réussi à faire décaler certains salariés d'une semaine, ce qui lui permet de garantir un effectif suffisant pendant les deux mois de vacances scolaires.
- Et il y aura Alice en plus…
En face d'elle, J-C relève le nez :
- Alice ?
- C'est vraiment masculin de ne pas écouter ce que les femmes vous disent. Alice, une petite étudiante qui passe en deuxième année… Elle vient faire son stage, tu sais bien ? La fille de…
- La fille de Jean-Baptiste et Muriel, la kiné. Oui, bien sûr, s'empresse de répondre son associé.
- Cette année, ça passe encore. Mais j'ai peur que l'organisation des congés se complique d'année en année. On devra peut-être penser à fermer complètement la pharmacie pendant trois semaines. De plus en plus de confrères reviennent à ce fonctionnement.
- Et le remplaçant de Damien, interroge J-C. Tu l'as rencontré ?
- Oui, hier. Il s'appelle Emmanuel, comme le président.
J-C pose son regard sur la photo prise avec Emmanuel Macron lors de sa visite à la Pharmacie du Marché.
- Il m'a bien plu, poursuit Karine. Et puis je connais un peu une pharmacie où il a travaillé… Je me suis renseignée. C'est un bon élément. Le seul truc qui peut être gênant, c'est que…
J-C regarde la pharmacienne, inquiet.
- Il est syndiqué, poursuit Karine. Et pas que syndiqué, militant aussi. Mais après tout, ça peut être un atout ?
- Tu le crois vraiment ? Il va nous emmerder, je le sens. Oh, dis-donc, regarde ce qui nous arrive dessus !
Par la fenêtre, les deux associés voient les énormes nuages gris noir qui s'amoncellent dans le ciel, au-dessus de la ville.
Dans la pharmacie, Marion, Théo, Christèle et Damien enchaînent les ordonnances. Théo est aux prises avec Véronique Mazarin, la terreur de l'officine. Alors que le jeune pharmacien croit en avoir terminé avec elle, la patiente sort de nouvelles ordonnances, y associant des requêtes bien précises et toutes aussi tordues les unes que les autres. « À croire qu'elle le fait exprès », songe Théo.
Toutes les personnes se retournent soudain vers les vitrines. Des éclairs fendent le ciel et la grêle commence à tomber dans un fracas extraordinaire, couvrant toutes les conversations. Dans le back-office, Gisèle est obligée de mettre fin à son appel avec un fournisseur. Peu rassurée, elle se lève et rejoint ses collègues devant et regarde ce déluge s'abattre sur le parking. Sortant de leur bureau, Karine et J-C courent vers la vitrine et activent le rideau de fer.
- Qu'est-ce qu'il se passe ?, s'affole Madame Mazarin en se rapprochant de la vitrine.
- Vous avez vu la taille des grêlons ? C'est hallucinant, on dirait des balles de golf, hurle Théo. Monsieur Pontignac ferme le rideau pour protéger la vi…
Le jeune étudiant n'a pas le temps de terminer sa phrase qu'il voit la cliente se précipiter à l'extérieur en criant :
- Mon chien, mon tout-petit !
J-C essaie de l'arrêter, en vain :
- Mais elle est folle ? Madame Mazarin, restez ici.
À peine sortie, la cliente chute lourdement et s'étale de tout son long sur le lit blanc et glacé de grêlons.
(À suivre…)