D'abord hésitante, Karine commence à prendre de l'assurance et surprend les participants par sa réponse précise et argumentée à Arlette Maître, la polémiste.
- Madame Maître, je commencerai par répondre à votre premier point : l’autotest et son circuit de distribution. L’autotest est un dispositif médical, et qui dit dispositif médical, dit que ce produit présente un bénéfice pour la santé. Un bénéfice, mais également un risque, et dans le cas très précis de l’autotest, son risque est d’être mal utilisé.
- Il suffit de lire la notice, ironise la polémiste.
Karine reste concentrée, sans se laisser déstabiliser par son interlocutrice qui lui rappelle Véronique Mazarin, une des clientes les plus insupportables de la Pharmacie du Marché :
- La notice ne suffit pas ; ce que veulent la plupart des Français aujourd’hui, c’est l’accompagnement, tant dans le geste que dans l’interprétation du résultat. Mais surtout, je pense que vos propos sont, si je puis me permettre, désuet. Has been si vous préférez. Vous me ressortez cette rivalité entre pharmacien et médecin. Chacun sait rester à sa place, dans le cadre de ses compétences. Mais vous semblez avoir raté quelques wagons, Madame Maître. L’avenir, c’est l’interprofessionnalité et la délégation des taches pour renforcer notre présence auprès des patients.
- Mais…
- La santé, poursuit Karine sans laisser son interlocutrice reprendre la parole, la santé ne se consomme pas, contrairement à ce que voudraient nous faire croire Monsieur Leclerc ou Monsieur Schelcher. Je reconnais cette dualité dans notre profession, à la fois centre de santé et commerce. Mais les téléspectateurs, qui sont aussi des clients, des patients de l’officine, me comprendront : dans la majorité des pharmacies, ils trouvent bien plus de conseils gratuits qu’ils ne dépensent en produits inutiles. Vous-mêmes d’ailleurs, vous vivez une certaine dualité dans votre métier : vous analysez les comportements, les situations pour apporter de l’information aux Français. Mais votre mission est biaisée par la nécessité de faire de l’audience, de la polémique, comme vous le démontrez parfaitement ce soir.
- Docteur Dupré, pouvez-vous répondre à la question d’Arlette Maître : le pharmacien peut-il refuser de délivrer un médicament prescrit ?, réplique Yves Calvi.
- Oui, le code de la santé publique nous y autorise si nous estimons que la santé du patient est mise en danger. Les médecins diagnostiquent, soumettent une solution thérapeutique et, dans la grande majorité des cas, le traitement prescrit est pertinent. Nous le validons. Mais lorsqu’il y a danger, soit pour cause d’interaction, d’erreur de posologie ou d’utilisation non conforme à l’AMM, et c’est bien de cela dont vous vouliez parler je pense, de la prescription d’azithromycine, d’ivermectine ou d’hydroxychloroquine chez des patients Covid… et bien face à ce type de prescription digne d’un apprenti sorcier, nous pouvons refuser de délivrer. S’il existe une dichotomie depuis des siècles entre médecins et pharmaciens, c’est pour sécuriser l’usage des médicaments.
Devant leur écran de télévision, J-C, l'associé de Karine, et les collègues de la Pharmacie du Marché sont épatés par l'assurance de Karine. Sans agressivité, elle a cloué la bouche à une des polémistes les plus célèbres du petit écran.
(À suivre…)