- Tu as pu voir le médecin ?, demande Karine en se dirigeant vers la salle Pelletier.
Dans le téléphone, la voix de J-C est si forte que la pharmacienne écarte le combiné de son oreille :
- C'est la croix et la bannière pour le choper. Heureusement, Delphine connaît le chef du service où maman a été admise. Elle lui a envoyé un petit SMS. Je te laisse, on frappe à la porte. J'espère que c'est le médecin…
- Passe le bonjour à Élisabeth, bon courage J-C.
Après avoir reposé le téléphone, Karine s'assoit au bureau et poursuit la mise à jour de la procédure des TROD angine qu'elle a commencée la veille. Pour une fois, elle espère ne pas être interrompue dans sa tache, mais son optimisme est de courte durée. Christèle toque à la porte :
- Marie et Hélène sont là. Elles voudraient te voir…
Marie et Hélène sont deux infirmières libérales associées dans le même cabinet, à deux pas de la pharmacie. Installées depuis une dizaine d'années, elles ont tissé des liens amicaux avec l'équipe. Malgré leur emploi du temps surchargé, elles passent quasiment tous les jours à la pharmacie, soit pour déposer une ordonnance, soit pour récupérer une boîte de pansement, soit simplement pour cinq minutes de convivialité autour d'un café.
- Bonjour Karine. Voilà, on voulait te dire…, tente Marie un peu gênée.
- Vous prenez un café ?
- Oui, avec plaisir, répondent les deux infirmières.
- Vous venez à la réunion de CPTS demain soir ?
Hélène réagit la première :
- Oui, et justement… On voulait te dire que nous, on s'en fiche que vous puissiez vacciner à domicile. Mais demain soir, attends-toi à des réflexions de la part de certains infirmiers.
La pharmacienne relève la tête :
- Ah c'est pour ça que vous étiez tout embarrassée. Je n'y pensais pas du tout. Parce que vous pensez réellement qu'on a le temps d'aller vacciner à domicile ? On a déjà du mal à assurer les livraisons. Mais le fait que vous m'en parliez me touche, c'est vraiment une démarche amicale que j'apprécie.
- C'est normal, depuis le temps qu'on se connaît… Mais notre syndicat semble vraiment très remonté contre les pharmaciens, poursuit Marie.
- Bah, laissons-les faire leur petite crise. Les responsables syndicaux aiment bien pousser des coups de gueule ; ça fait parler d'eux, dit Hélène en haussant les épaules. Et vous la grippe ? Il y a du monde qui se fait vacciner ?
- Tu ne te vexeras pas si je te dis que oui ?, plaisante Karine. En une semaine, on a fait plus de 500 injections.
- Je ne me vexe pas, sourit l'infirmière en se tournant vers sa collègue. À nous deux, nous en avons fait près de 500 aussi.
Les trois femmes rient, quand Théo vient demander un conseil à la titulaire.
- Monsieur André veut que je lui délivre du Psaradine. J'ai beau lui dire que la pseudoéphédrine est contre-indiquée dans son cas, il ne veut rien savoir…
- Tu maintiens ton refus ; c'est toi le pharmacien. Il va te faire le sketch qu'il va changer de pharmacie et cetera. Ne t'inquiète pas, il nous fait ce chantage au moins une fois par mois. Vivement que l'ANSM prenne une décision franche vis-à-vis de ce médicament.
(À suivre…)