Sur le parking de la Pharmacie du Marché, quelques gendarmes sont déjà en place pour sécuriser les lieux avant l’arrivée du ministre de la Santé. Après quelques jours d’incertitude, suite à la suspension du vaccin AstraZeneca, la visite officielle est finalement maintenue et toute l’équipe attend cette journée avec beaucoup d’excitation et une pointe d’appréhension. Au sein de la pharmacie, tout le monde s’est organisé : Karine et J-C accueilleront Olivier Véran, le préfet, le maire, Karine Wolf-Thal ainsi que les journalistes. Julien est chargé de vacciner M. Larrieux devant les objectifs et les caméras. Officiellement, il s’agit du premier patient. En réalité, M. Larrieux sera le onzième, puisque dix patients ont déjà été vaccinés la veille avec le premier flacon reçu, ce qui a permis au jeune adjoint d’assurer son geste. Le reste de l’équipe doit gérer l’accueil des patients, et assurer l’activité quotidienne de l’officine.
En descendant de sa voiture, Julien lit le SMS qu’il vient de recevoir : « Ne tremble pas mon chéri. Je suis fière de toi. Maman. » Une jeune femme arrive en scooter et se gare près de lui. Après avoir stabilisé son véhicule et dégagé sa chevelure brune de l’étreinte de son casque, elle se dirige vers le jeune adjoint :
- Bonjour. Je suis Mélanie, du Quotidien du pharmacien. Nous nous sommes appelés hier. Vous allez bien ?
- Bonjour. Oui, ça va.
Le pharmacien regarde la journaliste, puis reprend :
- En fait non, ça ne va pas. Je suis très nerveux. Et j’ai très mal dormi.
Ils entrent ensemble dans la pharmacie, qui n’a pas encore ouvert ses portes au public. La visite officielle est prévue à 10 h 00. À l’intérieur, Karine est déjà pendue au téléphone.
- C’est la préfecture, explique J-C avant de saluer la reporter du Quotidien du pharmacien.
« Je crois que nous nous sommes mal compris Madame Dupré. Nous ne parlons plus de la visite du ministre de la Santé, mais de celle du Président de la République lui-même. Tout cela s’est décidé à la dernière minute, mais Monsieur Macron l’a demandé expressément : il tient à apporter son soutien à votre profession, ainsi qu’à l’ensemble des professionnels de santé qui sont amenés à vacciner », explique posément l’interlocuteur de la préfecture à la titulaire, sidérée.
- Alors, qu’est-ce qu’ils disent maintenant ? Véran vient ou pas ?, lui demande son associé.
- Oui, Olivier Véran vient, mais pas tout seul. Il sera accompagné d’Emmanuel Macron en personne !
Sonnée par cette nouvelle, l’équipe est vite rattrapée par la réalité. Un gendarme demande à voir la salle Pasteur.
Il est 9 h 55 lorsque la voiture présidentielle s’arrête devant la Pharmacie du Marché, suivie d’un cortège de voitures officielles. Monsieur Jacques, le maire, est déjà dans la pharmacie en compagnie de la présidente de l’Ordre des pharmaciens. Dans la salle Pasteur, tout est prêt. Monsieur Larrieux est déjà installé dans le fauteuil, attendant son injection. Il regarde Julien, et lui adresse un sourire :
- Tout se passera parfaitement, ne vous inquiétez pas. Et merci de m’avoir demandé. Grâce à vous, à 67 ans, je vais rencontrer pour la première fois et en vrai un ministre et un président de la République.
- Remerciez plutôt votre diabète et votre âge, Monsieur Larrieux.
Ils tournent leur regard vers la porte, où Karine, de dos, vient d’apparaître.
- Monsieur le président, Monsieur le ministre, je vous propose maintenant de nous rendre dans notre salle Pasteur dédiée à la vaccination…
- Vous savez mettre en valeur notre patrimoine scientifique Madame Dupré. Cette salle est bien nommée, lui répond le président de la République.
« À toi de jouer Julien », se dit à lui-même le jeune pharmacien pour se donner du courage.
(À suivre…)