Le Quotidien du pharmacien.- La perception des risques médicamenteux par les patients augmente-t-elle ?
Sylvie Fainzang.- Une prise de conscience de certains risques médicamenteux bien réels s’est opérée suite à des scandales sanitaires. Cela étant dit, il est vrai que la perception – pas toujours exacte – des risques médicamenteux a augmenté dans la population alors que nous vivons dans une société du risque, saturée par les assurances, où tous les types de risques sont globalement plus présents aux esprits qu’il y a vingt ans.
Certains risques médicamenteux sont-ils particulièrement générateurs d’inquiétudes ?
La perception des risques médicamenteux est individuelle. Elle se construit en fonction de l’histoire de vie, de la relation à la douleur, ou encore des origines culturelles et religieuses des individus. Par exemple, concernant les psychotropes, les personnes issues de familles catholiques s’inquiètent surtout de l’inconfort corporel et de la sensation d’être « ramolli » par ces médicaments, peur également très présente dans les familles musulmanes. Les personnes issues de familles protestantes, elles, redoutent plutôt le risque de dépendance, tandis que les familles juives craignent davantage que ces molécules induisent une perte de mémoire.
Comment la perception des risques impacte-t-elle la prise des traitements ?
La perception de ces risques conduit les patients à choisir les médicaments qui seront pris ou non. Les posologies peuvent aussi être réinterprétées si un médicament est jugé « trop ou pas assez fort », ou si une personne s’estime « sensible » ou non aux médicaments – en lien avec son poids, son âge, son sexe, etc. Entre aussi en compte la perception de la maladie à traiter.
Comment favoriser une juste perception des risques ?
Les messages trop simplifiés peuvent s’avérer contre-productifs. Notamment, le slogan « les antibiotiques, c’est pas automatique », sans plus d’explication, a conduit un certain nombre de patients à écourter leur traitement, croyant bien faire, pour limiter les risques. Je pense qu’il ne faut pas hésiter à expliquer les risques médicamenteux, et ne pas se contenter de donner des consignes. Et ce, auprès de tous, y compris des personnes issues de milieux populaires – qui tendent à recevoir moins d’explications de la part de leur médecin. L’information doit bien sûr aussi consister à faire valoir les risques qu’il y aurait à ne pas prendre un médicament, soit à parler de balance bénéfices/risques. Et pour permettre aux patients de mieux appréhender les effets des médicaments sur leur santé, il serait utile d’expliquer leurs résultats d’analyses – et pas seulement de dire « ça va mieux » ou « ça ne s’améliore pas ».