Le Quotidien du pharmacien.- Le besoin de représentativité des adjoints est-il un phénomène légitime ?
Stéphane Rapelli. - Le besoin de représentativité exprimé par les pharmaciens non titulaires n'est pas marginal. On l'observe dans d'autres domaines d'activité libérale. Avant de penser à une organisation, il faut d'abord définir les revendications : la qualité de vie au travail et les revenus ? L’avenir de l’exercice professionnel et la restructuration de la profession ? Sur ces différents enjeux, il existe déjà des structures représentatives que sont les syndicats traditionnels, patronaux ou salariés. La seconde étape consiste à fédérer des confrères et consœurs autour de ces idées, pour exister. Quand on observe la faible participation aux élections syndicales, on se rend compte de la difficulté à faire adhérer un corps de métier à une organisation. La bonne volonté ne suffit pas : l’enjeu est d’être suffisamment attractif pour que les adjoints se mobilisent. Il faut une structure de représentation novatrice, qui se distingue des modèles traditionnels ; une structure qui apporte du service par exemple, et qui peu à peu gagne en légitimité pour intervenir dans le cadre des négociations sur l’avenir professionnel. C’est un travail long à construire.
Sous quelle forme peut se concrétiser cette représentativité ?
L’association (selon la loi 1901) est plus dans l’air du temps. En termes de missions, elle est moins contrainte que le syndicat dont la raison d’être est la représentation professionnelle et la défense de la profession. La structure associative est certes plus lourde à gérer administrativement, mais elle peut apporter, outre un rôle de porte-parole, beaucoup plus de prestations comme un soutien juridique ou un soutien en formation ou en orientation. L’organisation en syndicat serait perçue comme une concurrence directe par les syndicats traditionnels, de salariés ou patronaux.
Justement, une association portant la voix des pharmaciens non titulaires pour transformer le métier ne risque-t-elle pas de déplaire aux représentants traditionnels ?
À mon avis, les syndicats patronaux ont tout intérêt à accompagner ce mouvement, à aider à la création d’une structure qui fédère les adjoints. Sans les adjoints, l’officine n’existe pas. Leur donner la parole est un moyen pour redonner une certaine attractivité au métier d'adjoint. En outre, on observe une évolution des professions libérales, marquée par l'émergence d'activités innovantes ; ces pratiques sont bien souvent dans un entre-deux juridiques ou en limite de la légalité, mais elles ont l'avantage de faire bouger les lignes. Ces « expérimentations » non officielles permettent d’apporter par la preuve le bien-fondé d'imaginer de nouvelles formes de pratiques professionnelles pour le système de santé de demain. Ces pratiques sont mal acceptées par les structures de représentation traditionnelles, qui défendent une image de la profession et un modèle, plus qu’un exercice réel adapté au système de santé. Bien sûr, l'officine a besoin d'être défendue (d'autant qu'elle est régulièrement attaquée pour le marché qu'il représente), de même que les droits des salariés, mais cette défense ne doit pas empêcher des évolutions au sein de la profession et la création de nouveaux modèles d’exercice. Le système de santé a tellement besoin d’innovation et d’initiatives qui soient porteuses d’économie, mais également d’efficacité et de qualité, qu’il faut accepter que les modèles traditionnels évoluent pour s’adapter.