Le San Pedro (Echinopsis pachanoi (Britton & Rose) H. Friedrich & G.D. Rowley, Cactacées) est un grand cactus cierge, vert glauque à vert clair, atteignant les 9 m de haut, qui pousse dans les régions montagneuses humides des Andes à partir de 3 000 m d'altitude au Pérou, au Chili, en Bolivie et en Équateur. Il est formé de 4 à 9 côtes dont les parties saillantes portent tous les 2 cm des épines groupées de une à quatre. Dès qu'il atteint 10 ans, de superbes grandes fleurs blanches s'épanouiront uniquement la nuit et donneront des fruits rouges comestibles. Le San Pedro est un cactus hallucinogène qui fait l'objet de rituels, est récolté dans les montagnes des Andes autour des lacs sacrés.
Voie orale ou topique
L'usage rituel du San Pedro remonte à 2000 ans av. J.-C. comme on peut le voir sur des textiles et des urnes funéraires de la culture Nazca mis à jour par des fouilles archéologiques. Le cactus orne également des poteries péruviennes datées du XIe et VIIIe siècles av. J.-C.. Le San Pedro était indiqué d’une part par voie orale pour soulager les maladies nerveuses, les douleurs articulaires et les insuffisances veineuses et d’autre part, en application locale pour cicatriser les blessures et traiter les mycoses. Mais l'usage le plus répandu est rituel et religieux : les chamanes le considèrent comme enthéogène c’est-à-dire que la plante hallucinogène rapproche des dieux et facilite la communication parfois fusionnelle avec le monde invisible, celui des ancêtres, des plantes et des animaux. Les séances aident aussi le chamane à formuler la causalité des maux et à choisir la plante médicinale qui convient. Cet état de conscience modifiée facilite la perception de problèmes refoulés ou de traumatismes antérieurs et de répondre aux interrogations restées sans réponse : cette séance facilitera un processus de guérison.
Préparé par le chamane
La préparation rituelle est réalisée par le chamane lui-même qui coupe le cactus débarrassé de ses épines en tranches, puis prépare une décoction pendant 7 heures, suivie d'une filtration sur un linge. Pour les participants, la cérémonie est précédée d'une diète d'une demi-journée, puis ils sont invités à boire successivement plusieurs tasses de la préparation. Les vomissements liés à la forte amertume participent à la purification du corps.
La mescaline induit de la joie ou de l'anxiété, puis une perte de réalité avec des images sonorisées et des musiques colorées suivies d'hallucinations parfois terrifiantes
Ce cactus renferme de la mescaline, un alcaloïde hallucinogène dont la structure chimique est proche de médiateurs du système nerveux central comme la dopamine ou la noradrénaline.
Elle induit dans un premier temps, selon l'état du consommateur, de la joie ou de l'anxiété, puis une perte de réalité avec des images sonorisées et des musiques colorées suivies d'hallucinations parfois terrifiantes. La séance peut induire des vomissements liés à une amertume très prononcée et une augmentation de la tension. La mescaline est hallucinogène à partir de 300 mg chez l’adulte et correspond à des quantités de cactus différentes en raison des variations de la teneur en mescaline, de 0,5 à 4,5 % de son poids sec. Un véritable détachement corporel se produit, le malade va s'épanouir la nuit comme la floraison du San Pedro. Les effets se prolongeront de 6 à 12 heures et la consommation n'induit pas de dépendance. Des essais cliniques ont été menés avec la mescaline dans les années soixante-dix pour le traitement de la dépression et des addictions, mais actuellement c'est la psilocybine qui fait l'objet d'études cliniques en combinant séance de prise d'hallucinogène et de psychothérapie.
Les conquistadors ont tenté d'interdire ces pratiques chamaniques païennes utilisant les hallucinogènes, mais les Amérindiens ont réussi à combiner les pratiques indigènes et chrétiennes dans un syncrétisme remarquable. San Pedro n'est-il pas Saint Pierre, le détenteur des clés du paradis ? On trouve au Pérou de petites crèches de la nativité en céramique avec à gauche de l'étable un cactus qui n'est autre que le San Pedro.
Plantes des dieux, des démons et des hommes (2019) Fleurentin J., Éditions Ouest France, 208 p. www.ethnopharmacologia.org
Repères
En France, le San Pedro est considéré comme stupéfiant car il renferme de la mescaline aux effets hallucinogènes. Par contre, au Pérou, la prise de San Pedro est consommée de façon rituelle et encadrée par des chamanes ou des curanderos, conditions qui les autorisent.