En trente ans, la PDA à l’officine a considérablement évolué passant du manuel à l’automatisation pour intégrer aujourd’hui des systèmes gouvernés par l’IA

Robotik Technology, un pas dans le futur de la PDA

Publié le 07/12/2023
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De la boîte à la bouche, c’est le parcours ultrarapide que suit aujourd’hui une dose de médicament préparée pour être administrée. Un circuit accéléré et sécurisé sous l’effet d’une technologie, la PDA automatisée, que Robotik Technology a fait connaître et érigé au rang d’industrie à l’envergure mondiale.

Crédit photo : Robotik

Les voyages forment la jeunesse, répète-t-on à loisir. Dans le cas de Miguel Mellick, fondateur du groupe Robotik Technology, jamais adage n’aura sonné plus juste, dépassant même tous les accomplissements que suggère la formule. C’est en 1987, tout juste diplômé de la faculté, que le jeune pharmacien embarque pour le Canada. Son idée, simple mais constructive, consiste alors à « voir du pays et s’ouvrir à d’autres cultures ». Arrivé à Québec, il s’adresse à l’instance ordinale locale pour trouver une collaboration et intègre rapidement une chaîne de pharmacies. C’est alors que se produit l’étincelle, celle qui décide d’une vie entière, illuminant tout du long son parcours.

Là, au cœur d’une officine québécoise, le jeune Français constate l’existence d’un système de préparation des doses à administrer qu’il ne connaît pas. Et ce qu’il observe diffère radicalement des pratiques de dispensation qui ont cours dans les officines françaises. Car il ne s’agit pas ici de délivrer des boîtes de médicaments mais bien d’organiser un traitement dans l’objectif d’optimiser sa prise par le patient. Effectué manuellement, le système de PDA québécois fonctionne sur la base de blisters à remplir et à sceller en fin d’opération. Outre l’individualisation des traitements, il permet de répondre aux problématiques de traçabilité et de suivi du médicament. Ce système de PDA manuelle fait au jeune pharmacien l’effet d’une révélation. Dans ce service, qui consiste à conditionner les médicaments de façon à sécuriser leur prise, il voit la lumière.

Dans toute l’Europe

Quelques mois plus tard, Miguel Mellick repart en France et ouvre sa propre officine dans la région lilloise. L’établissement, modeste à ses débuts, ne compte que deux employés. Personne n’imagine alors que de ce berceau naîtra, vingt-cinq ans plus tard, une activité d’envergure mondiale. Il faudra le temps de la réflexion pour que l’idée se précise mais, une fois aboutie, elle portera en elle les germes de toute une industrie en devenir. Dans un premier temps, le pharmacien va s’employer à transposer le système de PDA manuelle en France et en Europe. Heureux de connaître d’autres nationalités, curieux de voir comment s’exerce la pharmacie d’officine dans les pays frontaliers, il avait, auparavant, sillonné l’Europe, participant aux grands rendez-vous de la profession, visitant les salons, rencontrant les confrères en Belgique, en Espagne et même dans l’Allemagne fraîchement réunifiée grâce à la chute du mur de Berlin, en 1989. Toutes ces rencontres lui confirment le potentiel que renferme la méthode de PDA manuelle qu’il a découverte lors de son voyage à Québec. Dès lors, il va se consacrer à déployer autant que possible le système, important matériel et technique de cette ville où il a conservé tous ses contacts.

Aux débuts des années 1990, la société Medical Loca Service (MLS) est créée pour développer l’activité. En dix ans, elle va multiplier les contrats passés avec des réseaux d’officine de différents pays. La chaîne Boots, en Grande-Bretagne, est la première à équiper ses pharmacies du système de PDA manuelle proposé par MLS. Suivront les pays scandinaves et l’Allemagne, avant que la France ne l’adopte à son tour. Bientôt, toute une partie de l’Europe figure au nombre des clients du jeune entrepreneur. Mais le système est bientôt victime de son succès. De plus en plus utilisée, appliquée à des milliers de patients, la préparation des traitements sous blister occupe un temps croissant dans le planning des officines. Et pour cause, un pilulier prend une quinzaine de minutes à remplir. Il est temps pour MLS de revoir ses procédés. La solution, pour autant, n’est pas hors de portée, elle nécessite juste de passer à un niveau supérieur de technologie. Cette étape va propulser toute l’entreprise dans une nouvelle ère industrielle, celle de la PDA automatisée.

Nouvelle ère industrielle

Pionniers en matière d’automatisation, le Japon et la Corée utilisent déjà des robots de dispensation. MLS va s’en inspirer pour les adapter aux besoins des pratiques européennes. Pour ce faire, l’entreprise fait évoluer son outil de production. Elle crée trois entités, l’une dédiée au développement de robots de dispensation, l’autre spécialisée dans l’élaboration des logiciels nécessaires pour piloter la production mécanique, la troisième consacrée au e-learning, assurant la formation des pharmaciens au fonctionnement des machines. Toute une gamme de robots voit ainsi le jour, répondant aux différentes exigences techniques – conditionnement des doses sous blisters, sous sachets… - des pays auxquels ils se destinent. L’automatisation de la PDA révèle alors toutes ses possibilités : gain de temps grâce à la suppression du geste manuel, mais aussi traçabilité totale de la dose puisque toutes les données liées au traitement sont sauvegardées. Le circuit du médicament est sécurisé, l’erreur humaine est supprimée.

En 2005, l’activité de PDA manuelle est définitivement abandonnée pour laisser place à l’automatisation. Dans le même temps, l’entreprise de Miguel Mellick prend le nom de Robotik Technology, plus évocateur de son nouveau champ d’expertise. La modeste PME des débuts est devenue un groupe industriel qui se renforce en intégrant peu à peu ses anciens fournisseurs. Une stratégie qui lui ouvre les portes du marché asiatique, Chine et Corée du Sud où elle implante deux usines en 2015. Deux ans après, elle investit les États-Unis en créant la filiale Robotik US Corp.

Pas sans l’IA

En moins de trois décennies, le spécialiste de la PDA automatisée a conquis trois des continents du globe. Une évolution également à l’œuvre sur le plan technologique. À l’aube des années 2020, l’entreprise se focalise sur l’interopérabilité des systèmes de santé. Elle développe la plateforme EurekaPharma qui centralise toutes les données liées au patient et à sa PDA pour permettre aux professionnels de santé impliqués dans son suivi de disposer des informations actualisées à l’instant « T ». L’Ehpad, les médecins, l’hôpital accèdent à un « avatar » du patient via la plateforme renseignée à partir du logiciel de l’officine. Cette identité virtuelle permet, en outre, de révéler les erreurs pour mieux les supprimer, de faciliter et sécuriser les décisions. La dispensation et l’observance des traitements gagnent ainsi en efficacité.

Une autre avancée technologique, essentielle pour les équipes R & D du groupe, va également contribuer à la sécurisation des procédés. L’intelligence artificielle et ses possibilités monopolisent désormais toute l’attention de Robotik Technology. L’IA a notamment permis d’élaborer différents systèmes intelligents, reconnaissance des formes, contrôle optique par photographie, garantissant à 100 % le contenu des sachets doses. Elle a aussi conduit au développement de la facturation automatique des opérations de PDA. Gain de temps, qualité des procédés devraient faciliter les démarches engendrées par le MAD. Mais le maintien à domicile n’est pas le dernier des champs visés par le groupe. Le « homecare », en effet, devrait dépasser celui-ci en termes de besoins à l’avenir. « Sur dix patients, trois relèvent du homecare », précise Miguel Mellick. « Ce marché sera plus important que celui du MAD. »

Anne-Sophie Pichard

Source : Le Quotidien du Pharmacien