Alors que le gouvernement italien d’extrême droite veut se lancer dans une opération de communication pour « relancer la natalité et éviter ainsi la substitution ethnique », l’agence italienne du médicament (Aifa) rend la pilule gratuite. Cette mesure, dont le coût annuel est estimé à quelque 140 millions d’euros, sera mise en place avant l’été.
La contraception orale sera gratuite à l’échelle nationale et remplacera les mesures adoptées par des régions comme le Piémont, la Toscane, l’Émilie-Romagne, les Pouilles (sud), le Latium et la province autonome de Trente (nord), qui ont déjà introduit la gratuité pour les moins de 25 ans, comme la France et la Belgique par exemple. L’ordonnance pourra être rédigée par un spécialiste ou par un généraliste. En parallèle, l’Aifa a également introduit la gratuité de la PrEP, la prophylaxie pré-exposition au VIH. De l’autre côté des Alpes, la contraception orale est devenue payante en 2016 lorsque certaines pilules des premières générations n’ont plus été remboursées. Selon les données de l’Aifa, quelque 2.5 millions de femmes prennent la pilule en Italie.
La messe n'est pas dite
La mesure sur la gratuité de la pilule contraceptive doit être entérinée par le Conseil d’administration de l’Aifa puis elle sera publiée au « Journal officiel ». Or la messe n’est pas dite, le Pr Giorgio Palù, virologue et président le conseil d’administration de l'agence, étant très proche du gouvernement et en particulier de la Ligue qui siège au gouvernement. En cas de blocage, le comité des prix et des remboursements sera à nouveau saisi et devra trouver une solution de compromis. Le Conseil d’administration pourrait par exemple contester l’évaluation faite par le Comité sur le modèle économique et demander des informations supplémentaires. Le Comité, pour couper court, pourrait aussi entamer des négociations avec les producteurs de contraceptifs oraux pour revoir à la baisse la partie prise en charge par la Sécurité sociale pour abaisser les coûts. En revanche, le ministère de la Santé ne pourra pas intervenir et obliger l’Agence à revenir sur sa décision comme le souhaite le gouvernement, l’Aifa étant un organisme indépendant.
Alors que l’Agence est sous le feu des critiques des associations pro vie ou proches des mouvances catholiques et de l’extrême droite, les responsables du CPR défendent leur choix. Pour le Dr Giovanna Scroccaro, spécialisée en pharmacologie clinique et présidente du CPR, cette mesure est une décision importante « qui permettra aux femmes qui renoncent à prendre la pilule en raison de son coût, d’utiliser cette méthode contraceptive ». L’idée de l’agence italienne du médicament est aussi de prévenir les potentielles répercussions des IVG sur la santé des femmes qui y ont recours, même si en Italie l’avortement est devenu une pratique quasiment en voie d’extinction compte tenu du nombre de gynécologues objecteurs de conscience. Selon une étude rédigée en juin 2022 par le ministère de la Santé, sept gynécologues sur dix refusent de pratiquer l’avortement. Plusieurs hôpitaux ont fermé les services d’IVG, notamment dans le sud du pays.
Tandis que l’opposition, notamment les démocrates, applaudit la décision de l’Aifa, la majorité d’extrême droite est déjà montée au créneau en demandant à l’agence de faire marche arrière. « Le pays a d’autres priorités au niveau de la santé » a argumenté la sénatrice Lavinia Mennuni. Pour le gouvernement, qui veut relancer la natalité en Italie pour éviter « la substitution ethnique » comme l’a déclaré récemment Francesco Lollobrigida, ministre de l’Agriculture, beau-frère et émince grise de la cheffe du gouvernement Giorgia Meloni, la décision de l’Aifa va à l’encontre des besoins du pays.