Le programme de retour à domicile (Prado) a été créé par l’assurance-maladie en 2010 pour anticiper les besoins des patients liés à leur retour chez eux après une hospitalisation et « fluidifier le parcours hôpital-ville ». Réservé au départ aux sorties de maternité, ce service a été étendu, en 2012, aux sorties d’hospitalisation après une intervention chirurgicale, puis aux retours à domicile après une décompensation cardiaque en 2013, et après une broncho-pneumopathies chronique obstructive (BPCO) en 2015. Aujourd’hui le Prado prend également en charge les personnes hospitalisées pour cause de Covid-19, d’AVC ou d’AIT, et toutes les personnes âgées de 75 ans et plus, quel que soit le motif de leur hospitalisation. Mais, jusqu’ici, ce dispositif d’accompagnement personnalisé s’appuyait sur les médecins traitants, les spécialistes, les infirmier(e)s et les kinésithérapeutes, mais pas sur les pharmaciens de ville. C’est désormais le cas depuis la signature de la dernière convention nationale des pharmaciens d’officine. Du moins dans les textes, car la mise en œuvre débute à peine et sera progressive.
Pharmacien désigné par le patient
« Nous étions étonnés, offusqués même, de ne pas être concernés, ce n’était pas logique. Maintenant, le pharmacien sera au cœur du Prado et c’est l’assurance-maladie qui fera le lien, ça change tout pour les patients », commente Christophe Wilcke, pharmacien à Spincourt (Meuse) et président de l’URPS Grand Est.
Mais, pour l’instant, les pharmaciens d’officine n’ont guère le temps de se pencher attentivement sur la mise place de ce dispositif qui, jusqu’ici, ne les concernait pas. Quelques éclaircissements sur son fonctionnement s’imposent. Premier pas : l’équipe médicale de l’établissement hospitalier déclare le patient éligible - compte tenu de ses problèmes de santé, de son autonomie et du contexte social - et liste ses besoins médicaux à son retour à domicile. Un conseiller de l’assurance-maladie (CAM) vient alors présenter l’offre Prado au patient et recueillir son accord avant sa sortie afin de contacter le médecin traitant, le pharmacien d’officine et les autres professionnels de santé retenus en fonction des besoins identifiés par l’équipe hospitalière (infirmier(e), kiné, orthophoniste…) et instaurer ainsi son suivi. Pour que le pharmacien soit inclus dans la boucle d’un Prado, aucune formation n’est nécessaire. Il n’est pas non plus indispensable d’être intégré dans un système d’interprofessionnalité de type CPTS (communauté professionnelle territoriale de santé) car c’est l’assurance-maladie qui fait le lien. Le pharmacien doit simplement être désigné par le patient (assuré social ou ayant-droit de plus de 18 ans) bénéficiant de ce service. Le CAM l’informera alors par téléphone de la date de sortie du patient en question et des modalités de dispensation des médicaments.
Dispensation à domicile et accompagnement
Si le patient est isolé, dans l’incapacité de se déplacer et n’a pas d’aidant, l’équipe hospitalière peut ainsi préconiser une dispensation à domicile. Si le pharmacien donne son accord, le CAM fixe avec lui le créneau horaire de passage. Il aura alors accès à l’ordonnance (dans le DMP notamment) et pourra préparer à l’avance la délivrance des médicaments et dispositIfs médicaux. La rémunération de la dispensation à domicile dans le Prado est fixée à 2,50 € par patient, dans la limite de 5 par jour et par officine. Elle prendra la forme d’un paiement annuel basé sur les codes traceurs DDO d’un montant de 0,01 € TTC facturés durant l’année. Le pharmacien devra indiquer dans la facture : l’identification du patient (NIR), l’identifiant du médecin prescripteur, son numéro d’identification dans la zone exécutant, la date de la prescription et la date de la dispensation au domicile du patient. La période donnant lieu à rémunération est limitée à la durée de l’accompagnement avec Prado : 15 jours après un séjour en chirurgie, 1 mois pour les personnes âgées de 75 ans et plus, 3 mois en cas d’AVC ou de Covid-19, et 6 mois en cas d’insuffisance cardiaque, de BPCO ou après un séjour en SMR (soins médicaux et de réadaptation). À noter : la CNAM stipule que la dispensation à domicile implique le déplacement d’un pharmacien diplômé, titulaire ou adjoint. Les préparateurs en pharmacie et les étudiants en pharmacie ne sont donc pas autorisés.
L’équipe hospitalière peut également demander un accompagnement pharmaceutique pour les patients sous traitement chronique (AVK, AOD, anti-asthmatiques) ou chimiothérapie orale. Dans ce cas, là aussi, le pharmacien est en lien préalable avec le CAM. Avant de proposer ce service au patient, il vérifie qu’il répond aux critères d’éligibilité, puis planifie avec lui cet accompagnement : entretiens pharmaceutiques ou bilan de médication partagé (BPM), en présentiel ou en télésoins. La facturation est alors celle de droit commun définie dans la convention.
Un nouveau défi
Pour Fabrice Camaioni, pharmacien à Revin, président du Syndicat des Ardennes et vice-président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), le pharmacien est devenu incontournable. La crise sanitaire a révélé des besoins et accéléré le changement de la profession. « On a su relever tous les défis : modification des ordonnances, accompagnement du patient, vaccinations, tests antigéniques, nouvelles missions… Le Prado va dans le même sens, celui d’un élargissement des compétences de l’officinal. »
Il note cependant deux points qui pourraient freiner l’implication du pharmacien dans le dispositif Prado : la fatigue accumulée depuis 3 ans avec la pandémie de Covid-19 et la multiplication des nouvelles missions, ainsi que le manque de personnel, donc de temps. Mais il reste optimiste et fait confiance aux CPAM - « elles sont tenues de développer le Prado, c’est leur intérêt ». Christophe Wilcke aussi, pour qui l’invitation toute récente de l’hôpital proche pour parler du Prado personnes âgées est de bon augure…