Gérer une pharmacie est loin d’être un long fleuve tranquille, quel que soit le mode d’exercice, et il est difficile de définir le bénéfice prochain avec certitude. L’établissement des documents comptables et du budget permet d’estimer néanmoins avec prudence un niveau de rémunération qui pourra être réactualisé chaque année.
Un principe : adapter la rémunération à l’économie de l’officine
Si la crise sanitaire n’a pas eu d’impact négatif sur la rémunération des titulaires, bien au contraire, rien n’indique que celle-ci va pouvoir se maintenir au même niveau dans les prochaines années. Donc, avant de penser à percevoir sa rémunération, le titulaire doit déjà rembourser ses emprunts, ses cotisations de travailleur non salarié, mais il doit également s’acquitter de ses impôts professionnels et personnels.
Enfin, il y a plusieurs cas de figure. Pour un début d’activité, il n’existe pas de référence, et le plan prévisionnel, quoi que l’on puisse en dire, reste un modèle théorique. Pour un primo-accédant, l’expert-comptable pourra préconiser, pour la première année d’exploitation, une rémunération proche de celle perçue comme adjoint. Pour un titulaire qui possède déjà une officine, cela pourra être une simulation basée sur les derniers bilans de l’officine achetée. Il faut avoir à l’esprit que les banquiers, qui sont sollicités pour ces opérations, sont vigilants sur le niveau de rémunération des titulaires : trop bas, ils ne pourront pas vivre correctement et faire face à leurs charges personnelles, trop élevé, ils dégraderont la situation financière de leur pharmacie.
Calculer au mieux une rémunération, c’est possible
Différents paramètres servent généralement de base au calcul et certaines précautions sont de mise, parmi lesquelles la constitution d’un montant pour faire face aux éventuels imprévus financiers. Pour éviter toute erreur, c’est généralement lors du bilan que votre expert-comptable vous présentera ses recommandations.
L’excédent brut d’exploitation est l’indicateur utilisé comme référence de calcul pour déterminer ce que le titulaire pourra s’octroyer comme rémunération. Votre expert-comptable se basera normalement sur l’EBE du dernier compte de résultat, mais pourra envisager un excédent brut d’exploitation prévisionnel. C’est le cas lors d'une acquisition ou d’un transfert, par exemple. Quoi qu’il en soit, le budget prévisionnel personnel doit être actualisé chaque année pour mettre à plat toutes les dépenses et les charges. C’est important lorsque, par exemple, vos enfants commencent des études supérieures ou lorsque vous décidez d’acquérir votre résidence principale.
Les charges sociales sont un paramètre à prendre en compte et rien ne doit être oublié. Dans les SNC et les SELARL à gérance majoritaire, la rémunération perçue est brute, les pharmaciens associés devront donc s’acquitter de la CSG, de la CRDS et des charges sociales. Les cabinets comptables ont à leur disposition des applications qui produisent chaque année des prévisions afin que vous puissiez mettre de côté ces sommes. Même chose pour la fiscalité personnelle, c’est un facteur majeur à prendre en compte quand on parle de rémunération nette. À tout cela s’ajoute parfois la charge des emprunts personnels pour l’achat des parts.
L’exercice en société, une politique à part
Le pacte d’associés et le règlement intérieur comportent généralement une clause déterminant le calcul de la rémunération des associés. Pour qu’elle soit équitable, sont pris en compte la rentabilité de l’officine et le temps de présence de chacun. En général, les rémunérations sont identiques à travail égal et sont, le cas échéant, complétées par la rémunération capital, donc déterminée suivant la quote-part de capital détenue par chaque pharmacien exploitant ou non. Vous pouvez décider que la rémunération des associés variera en fonction de l’évolution du point de salaire de la convention collective, par exemple, et le mentionner dans le règlement intérieur. Mais bien évidemment, si les résultats sont meilleurs que prévus, les associés peuvent décider de se verser une prime exceptionnelle, somme qui donnera lieu à un paiement d’impôt et de charges sociales de travailleur non salarié. Enfin, n’oubliez pas que la rémunération des associés exploitants est validée en assemblée générale, et par conséquent toute modification également. La prise en charge des cotisations des travailleurs non salariés par la pharmacie n’est pas une obligation : c’est un choix collectif, voté par les associés en assemblée générale. Dans le cas inverse, la rémunération brute sera donc plus importante pour que le titulaire s'acquitte à titre personnel de ses charges sociales de travailleur non salarié.
Une règle : éviter d’éventuelles frictions liées à la rémunération
La rémunération de gérance peut être cause de dissension, tout particulièrement en cas d’association exploitant-investisseur ; mieux vaut donc respecter le formalisme juridique chaque fois que c’est nécessaire et possible. Il est ainsi primordial que les modes de rémunération figurent dans le règlement intérieur. Il faut également aborder l’éventualité d’une suppression totale ou partielle du bonus à l’issue d’une année difficile. Il va sans dire que si des désaccords interviennent à cette étape du projet d’association, inutile de poursuivre le processus.
La politique de rémunération est un sujet délicat pour certains : le conseil de l’expert-comptable et des juristes (avocats ou notaires) sera donc décisif. Dans tous les cas de figure, ils seront là pour vous aider à rédiger des clauses solides. Ils disposent par ailleurs d’outils fiables pour connaître les incidences fiscales et sociales des différentes options. Leurs préconisations seront donc précieuses pour faire les bons choix en matière de rémunération et éviter les mauvaises surprises.
Article écrit en collaboration avec Philippe Becker, consultant du département Pharmacie de Fiducial.