La campagne vaccinale contre la grippe revêt cette année un aspect particulier. Il est vraisemblable que nous ne disposions pas de vaccins en quantité suffisante pour satisfaire une demande sans doute beaucoup plus forte qu’à l’habitude.
Comment, dès lors, assurer une couverture vaccinale adéquate compte tenu des pathologies prévisibles induites par la circulation simultanée des deux virus, grippe et Covid ? L’option adoptée par nos hauts fonctionnaires repose sur une discrimination sélective des demandes. Jusqu’au 30 novembre a minima : seules les personnes munies d’un bon de retrait, ou évaluées à risque par l’administration, pourront prétendre à une délivrance d’un vaccin.
Comme dans chaque décision, il y a le fond et la forme. Le fond semble juste : protection de la population à risque. La forme est pour le moins discutable, maladroite, et peut être mal perçue et mal interprétée, tant par le public que par le pharmacien, qui voit d’année en année son exercice professionnel dégradé, réduit à un rôle de simple exécutant, auxiliaire agent de l’État.
Le malaise est plus profond, inscrit dans l’histoire de notre pays, où l’esprit de défiance prévaut sur l’esprit de confiance, contrairement aux pays anglo-saxons. Peut-on faire confiance à un praticien de santé, lié par un code de déontologie, sans l’en suspecter en permanence de violation, ou doit-on systématiquement brandir le glaive d’une réglementation punitive en lui confisquant son pouvoir de discernement ? En l’occurrence, le pharmacien a été considéré comme incapable de discernement.
Force est de constater que le pharmacien tente de préserver l’économie de son officine, parfois de façon inintelligente, en vidant lui-même le contenu de sa fonction et de son rôle (incapacité par exemple à relever le défi du sevrage tabagique en se contentant d’une « course aux prix » des substituts nicotiniques). Les dérives mercantiles de nombre de groupements qui tirent la profession vers le bas, n’encouragent pas les dirigeants de notre pays à valoriser notre profession, et amplifient leur tendance lourde à la dégrader, à la piller… et à la fonctionnariser. Quand bien même nos hauts fonctionnaires sont, pour beaucoup, intellectuellement brillants, il n’en demeure pas moins qu’ils sont, en toute bonne foi, capables de mésusage de la puissance publique. Stratosphériques, hors sol, loin du terrain et de la pratique, formatés dans le moule de la bien-pensance, ils forment une caste capable du meilleur et du pire. Leur dogme de la priorité donnée au secteur public sur le privé, ce dernier étant constamment dédaigné, est un exemple parmi tant d’autres.
Le malaise, profond, endémique, ne cesse de s’amplifier… Jusqu’où ?
Mais après tout, exécuter une mesure potentiellement mal perçue par le public n’est-il pas plus confortable que d’avoir à en assumer la responsabilité ?
Let it be…