L'œsophagite à éosinophiles (OeE) est une maladie chronique évolutive à médiation immunitaire caractérisée cliniquement par un dysfonctionnement œsophagien et histologiquement par une inflammation et la prédominance de polynucléaires éosinophiles au niveau de la paroi œsophagienne. Décrite pour la première fois en 1993, elle reste une maladie rare ou orpheline. Elle peut survenir à tout âge avec une forte incidence pour le sexe masculin chez les adolescents et dans la tranche d'âge de 30 à 50 ans. L'OeE est la deuxième cause d'œsophagite chronique après le RGO, les deux pathologies peuvent coexister mais il n'y a aucun lien entre elles.
Le diagnostic de l'OeE est établi en combinant les symptômes cliniques, l'endoscopie et l'histologie (de 3 à 6 biopsies). Il convient d'exclure notamment le RGO mais aussi d'autres causes systémiques et locales associées à l'OeE comme la gastro-entérite à éosinophiles, des infections parasitaires et la maladie de Crohn.
Dysphagie et impaction du bolus alimentaire
Les symptômes de l'OeE les plus courants sont la dysphagie et l'impaction du bolus alimentaire (aliments se coinçant dans l'œsophage) pouvant provoquer une perforation de la paroi qui constitue une urgence thérapeutique. De nombreux patients ont une prédisposition atopique bien que l'on ignore si l'atopie joue un rôle dans la pathogenèse de la maladie. De plus, bien que l'OeE ne soit pas médiée par les IgE, il existe des allergènes alimentaires médiés par les IgE, qui sont évoqués comme des déclencheurs possibles de l'OeE (lait, blé, œufs, soja, légumineuses, fruits à coques, poissons et fruits de mer). La réponse immunitaire est limitée à la muqueuse œsophagienne, elle n'affecte pas les autres organes. « En l'absence de traitement, les réactions inflammatoires entraînent un remodelage fibrotique accompagné d'exsudats, d'anneaux, de stries, d'un œdème et de sténoses complexes provoquant un rétrécissement de la lumière œsophagienne. La dilation de l'œsophage au cours d'une procédure endoscopique est un geste mécanique efficace » détaille le Pr Frank Zerbib hépato-gastroentérologue au CHU de Bordeaux.
Deux études cliniques de phase III
L'une des options thérapeutiques est de proposer des régimes alimentaires qui excluent certains allergènes, mais la mesure est contraignante et difficile à respecter au long cours. « La prise en charge médicamenteuse repose le plus souvent en première ligne sur les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP). Ils réduisent l'inflammation dans 40 % des cas mais ils ne bénéficient pas d'une AMM dans cette indication. En l'absence de réponse aux IPP, des corticoïdes locaux sous forme de sprays ou de solution visqueuse à déglutir, également hors AMM, peuvent être proposés mais l'acheminement du principe actif sur le site de l'inflammation est difficilement quantifiable » précise le gastroentérologue. Jorveza est actuellement le seul médicament autorisé, en deuxième intention, dans le traitement des patients adultes atteints d'OeE n'ayant pas répondu aux IPP prescrits hors AMM. La forme galénique orodispersible assure une exposition optimale ciblée et limitée de la muqueuse œsophagienne à la substance active. Les objectifs thérapeutiques sont l'induction d'une rémission clinique et histologique et son maintien à long terme. Deux études européennes de phase III randomisées versus placebo ont évalué l'efficacité de Jorveza.
La première étude dédiée à l'induction a montré qu'à la fin du traitement de 6 semaines les symptômes disparaissent chez 58 % des patients et au bout de 12 semaines 85 % d'entre eux étaient en rémission complète. La seconde étude a montré que la dose de 0,5 mg deux fois par jour était suffisante pour maintenir une rémission. Les deux études ont mis en évidence un profil de tolérance satisfaisant : les effets secondaires type mycoses et irritations pharyngées sont faciles à traiter. L'action du budésonide restant localisée au niveau de l'œsophage, ses effets systémiques sont limités même au long cours. La prescription initiale annuelle est réservée aux gastroentérologues, son renouvellement est non restreint. La prescription initiale est d'un comprimé de 1 mg matin et soir, l'induction de rémission nécessite en général une durée de 6 à 12 semaines de traitement, le traitement d'entretien est d'un comprimé de 0,5 mg matin et soir. Le succès du traitement est régulièrement contrôlé par biopsie car la maladie a une évolution chronique. Son arrêt entraîne dans la plupart des cas (90 %) une récidive des symptômes.
D'après une conférence de presse du Laboratoire Dr Falk.