La santé sexuelle, ce n’est pas une mince affaire. La déesse Aphrodite en sait quelque chose ! C’est justement ce pour quoi elle a aujourd’hui réuni les dieux de l’Olympe autour de la table. Lasse de devoir enseigner aux mortels tout ce qu’ils doivent savoir sur la santé sexuelle, elle s’est mise, sous la surveillance de Zeus, le roi des dieux, à la recherche de celui ou celle qui sera le plus à même de reprendre le flambeau et d’éclairer les mortels de ses lumières. Voilà le scénario du jeu de cartes les Sexperts, que Pierre Brochard, 27 ans et tout juste diplômé de la faculté de pharmacie de Nancy, a développé dans le cadre de sa thèse.
De kiné à pharmacie
Aphrodite aurait pu ne jamais se poser ces questions, puisque l’officine, ce n’est pas ce vers quoi se dirigeait le jeune bachelier. Après le bac, c’est à la poursuite du diplôme d’état de masseur-kinésithérapeute qu’il s’était d’abord lancé. Seulement, lors de la première année commune aux études de santé (Paces), il se passionne « pour la botanique, la mycologie et la biochimie. » Une appétence qui, il en convient lui-même, est à rebours d’un grand nombre d’étudiants, et motivera, plutôt que la kinésithérapie, son choix du cursus pharmaceutique.
Avec mes encadrants de thèse, nous avons finalement produit deux versions, l’une à destination des professionnels et l’autre du grand public
Pierre Brochard
Le chemin qui le conduit à développer ce jeu, il l’entreprend par un heureux hasard. « J’ai beaucoup hésité entre l’internat et l’officine, avant de choisir l’internat, sans succès. » Lorsqu’il se réoriente « sans regret » dans la filière officine, c’est la première année de l’unité d’enseignement (UE) de sexologie. « Cette UE m’a ouvert les yeux. La manière spécifique à ce domaine de la santé d’approcher le patient et l’aspect très psychologique présent dans le suivi m’ont séduit, alors je me suis inscrit au diplôme inter universitaire (DIU) de sexologie et de médecine sexuelle. » Un DIU ouvert à tous les professionnels de santé, y compris, donc, les pharmaciens. « Quand est venu le moment de choisir un sujet de thèse, j’ai voulu créer quelque chose qui aiderait les professionnels de santé à aborder ce sujet intime avec leurs patients. Avec mes encadrants de thèse, nous avons finalement produit deux versions, l’une à destination des professionnels et l’autre du grand public. »
1 000 élèves ont testé le jeu
Au début du jeu, chaque joueur pioche une carte divinité, qui lui conférera un bonus et un malus, pour pimenter le jeu. Ensuite, par groupe de 3 à 6, les participants se posent les questions rédigées sur les quelque 400 cartes. « Les thèmes englobent l'anatomie, la contraception, l'identité de genre, les infections et leurs traitements, la prévention, la contraception. Et le succès est au rendez-vous ! » En effet, parmi les plus de 1 000 élèves qui ont essayé le jeu dans leur établissement, « les groupes qui ne disaient pas un mot au début ont terminé en larmes. Les jeunes sont incités à échanger en petits comités, ils ne sont plus soumis au regard de la classe entière s’ils ont une question. Quant aux enseignants, c’est plus ludique et plus agréable comme approche que l’habituel cours magistral. »
Un travail colossal
Tout le monde y gagne, donc, pharmaciens compris. Si ceux que Pierre côtoyait en stage au moment du choix de son sujet de thèse ont été surpris lorsqu’il leur a annoncé son projet, les interrogations ont vite été oubliées. « Mon jury de thèse a reconnu que j’avais fait un travail « colossal » qui allait être très utile. C’est un sujet très récent dans nos études, dans l’exercice de nos professions. Après avoir découvert les premiers prototypes, j’ai reçu beaucoup d’avis positifs et encourageants. Les pharmaciens reconnaissaient qu’ils n’avaient pas le bagage adéquat pour recevoir et accompagner les patients qui rencontrent des problèmes dans leur vie intime. » Le jeu s’est même retrouvé en officine, en « tête de gondole », sur proposition de titulaires qui ont souhaité soutenir Pierre Brochard dans sa démarche.
Depuis l’obtention de sa thèse, le jeune docteur en pharmacie et sexologue a continué d’exercer dans la pharmacie où il était en stage. Il voudrait désormais proposer des consultations en sexologie, ce que lui permet son diplôme. « Je pense que les officinaux ont toute leur place dans le conseil en santé sexuelle, à condition d’y être formé. Le choix des mots, l’ouverture du dialogue sont très importants. Et si le patient ne se sent pas tout de suite à l’aise, il sait où nous trouver. » En ce qui concerne son jeu, déjà très apprécié, les dieux l’ont entendu. Une rencontre avec le rectorat et le festival du jeu de Cannes sont prévus, pour faire connaître les Sexperts.