« Nous étions des enfants qui avaient des enfants », explique Jeanine. Violée à 11 ans, enceinte à 15, c’est aujourd’hui une vieille dame qui témoigne face caméra, avec émotion, humour et une sacrée résilience, de ce que fut son adolescence. Ce moment poignant est extrait du documentaire de 52 minutes « Camille et ses filles », réalisé par Christine Salavert-Griset*, pharmacienne à Angoulins, près de La Rochelle.
Passionnée de documentaire, fidèle du Festival de cinéma de La Rochelle, maman d’un doctorant en cinéma, elle s’offre, peu avant le confinement, un stage de formation vidéo. Sa première réalisation, très « corporate » est présentée au Congrès national des pharmaciens. Les suivantes seront diffusées sur sa propre chaîne You Tube ou destinées à des concours, comme « Et pourtant, elles tournent » organisé par Arte.
« L’idée de « Camille et ses filles » est née par hasard, explique Christine Salavert-Griset. Je participais à un congrès de la « médecine du futur » à Lectoure, dans le Gers. Au dîner, je me suis retrouvée à côté de Françoise Schwabe qui avait été intendante au « Centre Espoir » de Talence, en Gironde. Elle m’a raconté l’histoire de cet établissement unique en France. »
Appartenant à l’Éducation nationale, il accueille, de 1956 à 1976, des centaines de très jeunes « filles mères », comme on les appelait alors. Sa vocation : les héberger, leur permettre d'accoucher, de prendre soin de leur bébé et d’obtenir un diplôme (CAP) qui leur assurera une autonomie financière.
Chassées par leur famille
Adressées par des assistantes sociales, les pensionnaires avaient de 11 à 16 ans. Enceintes d’un premier amour ou d’un inceste, elles arrivaient au « Centre Espoir » pour éviter le discrédit ou chassées par leur famille. L’établissement était un havre de paix, parfois sévère, mais où elles pouvaient se (re)construire, retrouver avec leur enfant quelques moments d’insouciance.
Pour son documentaire de Christine Salavert-Griset a recueilli le témoignage de plusieurs anciennes pensionnaires et rend hommage à leur courage : « Ce sont des battantes, elles m’ont donné beaucoup d’énergie », confie la réalisatrice. Présenté en avant-première, le 12 juin, à Talence, en présence des témoins, son film a bouleversé les spectateurs. Il va maintenant faire le tour des festivals (La Rochelle, Bastia, Le Mans…). Il pourrait ensuite être diffusé par des chaînes de télévision, et même l’Éducation nationale.
Quant à Christine Salavert-Griset, cette réussite devrait la conforter dans sa carrière de réalisatrice engagée à porter la parole de femmes. Dans « Camille et ses filles », celle des anciennes mères célibataires devenues de formidables vieilles dames, irradie le film.
* Également présidente de la CPTS Aunis-Sud, membre du conseil d’administration de la Fédération nationale des maisons et pôles de santé, de la Société française de télémédecine et ancienne secrétaire générale URPS pharmaciens de Nouvelle-Aquitaine.