Small is beautiful. L’adage ne prévaut plus sur le marché de la transaction. Alors que, globalement, le nombre d’opérations a régressé de 10 % l’année dernière, le segment des petites officines (moins d’1,6 million d’euros de chiffre d’affaires) n’a été concerné que par 28 % des ventes, contre 35 % en 2023. « Les nombreuses fermetures constatées ces dernières années concernent principalement les petites pharmacies. Aussi, le marché se resserre autour de cette typologie d’officine, de moins en moins recherchée », constate Interfimo dans son étude 2025*. Une tendance qui s’opère, semble-t-il, au profit des officines plus importantes. Les pharmacies d’un chiffre d’affaires supérieur à 3 millions d’euros ont en effet constitué un quart des transactions alors qu’elles n’en représentaient que 18 %, un an auparavant.
La course à la taille
Leur taille semble également jouer contre ces « petites » officines dans la fixation de leur prix. Car, comme le signale l’étude Interfimo, « la taille est un élément déterminant du prix de cession, plus l’officine est importante, mieux elle est valorisée ». Plusieurs facteurs expliquent cette constante. Le contexte économique, d’une part, qui incite aux regroupements, permettant d’atteindre une taille critique, facilitant les économies d’échelle.
La taille est un élément déterminant du prix de cession, plus l’officine est importante, mieux elle est valorisée
Étude Interfimo 2024
D’autre part, l’exercice groupé est particulièrement prisé des nouvelles générations. On ne peut cependant faire l’impasse sur le développement des médicaments chers, phénomène dont l’impact n’est pas négligeable sur la rentabilité des officines. Les plus petites d’entre elles seront les plus vulnérables. Ou en tout cas les plus fragilisées par un recul de l’excédent brut d’exploitation (EBE) qui représente, sur le réseau officinal global en 2024, 8,6 % du chiffre d’affaires contre 9,7 % en 2023 et 12,6 % en 2019, comme le relève Interfimo. « Cette faible rentabilité a des répercussions importantes sur le niveau de trésorerie. Cette baisse des flux financiers peut avoir des conséquences financières très lourdes, notamment pour les petites pharmacies endettées », poursuit l’étude.
De nombreuses disparités
Autant de critères qui pèsent sur la valorisation des officines d’un chiffre d’affaires de moins de 2 millions d’euros. Sur un marché en récession, elles sont les plus touchées. En 2024, elles se sont cédées entre 64 % et 72 % de leur chiffre d’affaires, soit 10 points de moins qu’un an auparavant. Plus leur taille est moindre, et plus les officines subissent cette dévalorisation. « Les officines de moins de 1,2 millions d’euros de CA ont un prix de cession moyen historiquement bas à 54 %. » Même si ce recul de 5 points par rapport à 2023 est inférieur à celui des officines d’un chiffre d’affaires supérieur à 1,2 millions d’euros. Cette typologie, qui s’est cédée à 76 % de son chiffre d’affaires, a en effet perdu en un an huit points dans sa valorisation.
Les pharmacies d’un chiffre d’affaires supérieur à 3 millions d’euros ont constitué un quart des transactions alors qu’elles n’en représentaient que 18 %, un an auparavant
Mais au sein même de ce segment de ces « petites » officines (chiffre d’affaires inférieur à 1,2 millions d’euros) d’importantes disparités apparaissent dans la valorisation. Pour 60 % des transactions, le montant de l’opération s’est négocié entre 34 % et 68 % du chiffre d’affaires. Au niveau géographique, les mêmes inégalités interviennent. L’Île-de-France supporte ainsi la plus forte baisse de prix. La petite officine s’est cédée en moyenne à 44 % de son chiffre d’affaires, contre 60 % un an plus tôt. À noter que cette région représente un quart des transactions réalisées l’année dernière. Dans le Sud-ouest, ces pharmacies sont plus valorisées, à 58 % de leur chiffre d’affaires, mais subissent néanmoins un recul similaire de 6 points.
En 2024, les petites pharmacies se sont cédées entre 64 % et 72 % de leur chiffre d’affaires, soit 10 points de moins qu’un an auparavant
Ramené au taux de marge, le prix de cession passe de 1,87 à 1,78 fois la marge. Pour cet indicateur également, l’Île-de-France est la lanterne rouge, les petites officines ont changé de mains à hauteur de 1,5 fois leur marge, contre 1,9 en 2023. Et par conséquent, bien en deçà de la moyenne nationale.
La dépréciation des « petites » pharmacies touche de plein fouet celles situées dans les centres-villes. Elles ont ainsi vu leur valorisation passer de 65 % de leur chiffre d’affaires à 49 % en un an. Les « petites » pharmacies de quartier, qui ont connu leur âge d’or pendant la crise sanitaire, tirent leur épingle du jeu, et ne subissent qu’une érosion de quatre points. Elles se sont vendues en moyenne à 57 % de leur chiffre d’affaires, en 2024. Mais dans ce paysage morose, il est intéressant de noter que les « petites » pharmacies rurales sont les seules à avoir vu leur valorisation progresser. À 58 % de leur chiffre d’affaires, elles gagnent non seulement trois points mais elles se situent au-dessus de la moyenne. De même, leur prix moyen s’est élevé à 1,9 fois leur marge et par conséquent bien au-dessus de la moyenne nationale. « Ces pharmacies sont certainement moins sujettes au regroupement et bénéficient le plus souvent d’une concurrence limitée. Elles sont donc reprises dans le cadre d’une installation sans déperdition de chiffre d’affaires, permettant ainsi des prix de vente plus élevés », analyse Interfimo.
Un signe d’attractivité qui devrait rassurer les titulaires proches de la retraite. Et dans une moindre mesure de futurs acquéreurs. Reste cependant à anticiper sur le potentiel de développement de ces officines et les conditions d’exercice dans cette ruralité. Car la principale question sera de déterminer si elles sont localisées dans un territoire identifié, ou non, comme fragile. La réponse devrait venir prochainement des pouvoirs publics, des autorités sanitaires et des représentants de la profession.
* Prix de cession des pharmacies en 2024 – Étude 2025.