Enfant, Patrick Le Baron rêvait de voler. « Tous les soirs on regardait Concorde nous survoler. » Il voulait devenir pilote professionnel, mais il n'était pas « dans le bon milieu ». Il est devenu pharmacien. Mais il avait eu la chance, à 14 ans, que le père d'un copain l'emmène un jour faire un tour en avion. La chance s'est représentée, bien plus tard, à Granville (Manche) : « Je suis monté, et jamais redescendu… » Et depuis 2011, il est pilote.
Pharmacien à Saint-Etienne-du-Rouvray, une banlieue de Rouen (Seine-Maritime), il vole dès qu'il le peut à l'aéro-club de Rouen-Normandie, à Boos, utilisant les avions du club selon un planning, ou le sien propre, un petit avion de deux places.
Le terrain de Rouen est un « gros » terrain, qui reçoit des Airbus, qui est éclairé la nuit, et permet le vol aux instruments. L'aéro-club propose des vols de découverte, des baptêmes de l'air. Patrick Le Baron vole beaucoup, « au moins une fois par semaine, 150 heures par an ». La moyenne d'un pilote amateur est plus proche de 20 heures.
Des enfants et des ailes
Il y a quatre ans, un ami lui fait rencontrer Christine Pérignon, la présidente de « Vie et espoir », une association qui « cherche exclusivement à donner du plaisir, un autre regard » aux enfants soignés en oncologie au CHRU Charles-Nicolle de Rouen. Une nouvelle activité est créée : « Des enfants et des ailes ».
En 2017, le confrère, toujours avec un ou deux copains, convient d'emmener des enfants en traitement voir le soleil de minuit à Rovaniemi, le village du Père Noël en Laponie, pour le solstice d'été. Et d'y planter une banderole « Vie et espoir ». Des fonds sont trouvés, des médecins de Charles-Nicolle décident des enfants aptes au voyage. Quatre avions vont emmener quatre enfants, de 8 ans à 17 ans.
La machine à rêve
Le jour du départ, le projet est contrarié par une météo épouvantable, et les avions prennent le cap de l'Espagne et de l'Europe du sud. Un second voyage est organisé en 2019, un tour de France par Rouen, Dinard, La Baule, Saint-Pierre-d'Oléron, Cahors, Avignon, Annecy, Autun, Blois et Rouen, avec cinq avions. Un troisième voyage devait partir fin juin de cette année, mais il a été annulé à cause de l'épidémie de Covid.
« Ce sont juste des enfants qui n'ont pas de chance, remarque Patrick Le Baron. Les familles ont confiance en l'association, on emmène aussi des enfants et des parents pour un vol autour de Rouen, des médecins pilotent. Pendant les grands voyages, les étapes ne dépassent pas 1 h 30, il faut aussi une autre activité pour les enfants. En vol, on fait un jeu de piste, reconnaître le pont de Normandie, le Mont-Saint-Michel, le Pont du Gard, le viaduc de Millau. »
« Quand un enfant revient à l'hôpital au milieu des autres enfants, il n'est plus un malade, il est un héros. Lui aussi a eu de la chance. Nous, les adultes, avons l'impression de "réellement" servir à quelque chose. On est tellement contents de remettre la machine à rêve d'un enfant en route. Chaque expérience qui amène un enfant à sortir de sa situation a un impact énorme auprès des autres enfants. »
« Vie et espoir » organise ses voyages fin juin, lorsque les jours sont plus longs et que les plus jeunes enfants ont fini l'école, et les plus grands sont libérés des examens.
Apprendre la patience
Patrick Le Baron se dit émerveillé de « l'émerveillement des enfants. Ils recherchent des choses connues : c'est quoi, ça ? Ils sont très disciplinés, demandent à recommencer. L'un d'eux m'a donné une leçon un jour, alors qu'on attendait un peu trop longtemps au restaurant. Il m'a dit : « quand on est bloqué des mois dans une chambre, on apprend la patience ». Moi, j'ai appris de lui ».
« On ne les plaint pas, poursuit le pharmacien, ce sont des enfants ordinaires, mais ils vivent des choses extraordinaires. On cherche seulement à faire plaisir à ces enfants, tous en rémission ; il n'y a pas d'autre but. Juste donner un peu de bonheur à des enfants. »