Originaire de Flers (Orne), le futur pharmacien de Gruchet-le-Valasse (Seine Maritime) a été bachelier à 18 ans sans savoir quoi faire de son diplôme. Il est parti pour son service national, et, de retour, à fait « un peu de physique et de chimie » à la faculté de Caen, été pion, et a rencontré Anne, sa future épouse. Le beau-père était couvreur, Monuments historiques (MH), le jeune homme de vingt ans devient couvreur, diplômé de la fameuse École supérieure de couverture d'Angers (Maine et Loire), pays de l'ardoise.
Cinq ans après, sa femme est à l'école normale de Caen, et lui reprend des études… de pharmacie. « Il fallait le bac, le concours était à l'issue de la première année. » Il tente une première fois, finit 110e sur 400. Il en fallait soixante. Il recommence, réussit, et sera diplômé en 1986.
« J'ai commencé par des remplacements, des assistanats autour de Caen, mais j'avais fait des études pour être autonome, pour devoir compter sur moi. Je me suis toujours senti un peu à l'écart », dit-il.
Un copain le dirige, fin 1990, vers une association pour reprendre la pharmacie de Gruchet, un bourg de 3 000 habitants. Il reste associé jusqu'en 1999, puis seul vingt ans, avant la retraite, en 2019. Patrick Emile est toujours présent à la pharmacie, mais il poursuit ses passions.
Sixième doigt de la main
L'une d'elles l'amène à devenir coutelier, après des formations à Thiers (Puy-de-Dôme), une capitale de la coutellerie. « Partir d'un bout de métal, rond ou carré, le forger, le replier, le reforger, et ainsi de suite, en ajoutant du carbone. Faire une forme, un outil utile, pas une arme », explique-t-il avec envie. Il fera une exposition sur le « sixième doigt de la main ».
Il possède plus de trois cents couteaux, chinés, trouvés chez des couteliers qui les ont fabriqués.
Une chapelle restaurée
En 1999, il acquiert à 10 km de Gruchet une propriété à Alvimare : un ancien restaurant à l'abandon, flanqué d'une tour Renaissance, et, dans le jardin, la chapelle à pans de bois des Blanques, classée Monument historique, en pire état que la maison.
Il prend cela comme un défi : restaurer la maison, la tour, la chapelle. La restauration – ou la reconstruction - de celle-ci, construite en 1518 et consacrée à Sainte Anne (le prénom de sa femme), patronne des moissons, s'étendra de novembre 2002 à avril 2004, avec des entreprises des Monuments historiques. Patrick Emile fait lui-même la couverture de la tour, en 2017, et finit la maison en 2018.
Le patron c'est le client
Entre-temps, le Laboratoire Biogaran lui permet de suivre une formation de management à l'École de commerce - l'ESSEC -, à Cergy, près de Paris. « J'ai appris que le patron, c'est le client, que la base du commerce n'est pas de le recevoir, mais de le faire revenir. » S'ensuivra un transfert sur une zone commerciale plus passante que le centre bourg où était l'officine, une surface de vente qui passe de 50 m2 à 110 m2, l'équipe de 9 à 17 collaborateurs, dont quatre adjoints, et un chiffre d'affaires accru de 60 % entre 2015 et 2019.
Il voit à présent sa retraite comme le retour à d'autres passions. L'âge aidant, il ne monte plus sur les toits. Il a aussi arrêté les circuits de vitesse à moto, après deux chutes. Mais a acheté une Norton monocylindre de 500 cm3, débarquée sur les plages normandes en juin 1944, pour la restaurer. Il prévoit un nouveau stage de coutellerie, et « de faire un tour du monde des monuments anciens, des vieilles pierres, avec [sa] femme ». Ensuite d'apprendre à tailler le silex !
« J'ai été le gérant de ma pharmacie, pas son propriétaire. Je le suis de la chapelle, pas son propriétaire. Je suis de passage, mon rôle est de rendre le plus beau possible ce que j'ai. »