On le sait, le paracétamol est l’antalgique-antipyrétique le plus utilisé en ville et à l’hôpital. Autorisée chez le nourrisson, la femme enceinte durant toute la grossesse et l’allaitement, la prise de paracétamol est perçue par le grand public, comme exempte de tout danger. Il est en effet bien toléré lorsque la posologie maximale quotidienne et l’intervalle entre deux prises sont respectés – contrairement aux anti-inflammatoires non stéroïdiens. Les rares effets indésirables se traduisent par des réactions allergiques cutanées ou une thrombopénie.
Chez l'adulte, la dose maximale journalière recommandée est, rappelons-le, de 3 grammes répartis en 3 prises espacées d’au moins 6 heures ; et chez l’enfant : 10 à 15 mg/kg toutes les 6 heures sans dépasser 60 mg/Kg/jour.
Sa seule contre-indication concerne les insuffisants hépatiques. De fait, il représente la première cause d’hépatite aiguë, dose dépendante, dans les pays développés. Son administration nécessite par ailleurs des précautions d’emploi en cas d’insuffisance rénale, qui s’imposent aussi chez le patient consommateur chronique d’alcool et le patient dénutri et/ou soumis à des traitements modifiant le métabolisme hépatique.
Le surdosage massif ou overdose, souvent dans un contexte suicidaire, doit être distingué du mésusage
Mais au-delà des posologies maximales dépassées ou lors d’une administration prolongée, il présente une toxicité hépatique importante, voire mortelle, qui retient depuis peu l’attention : celle liée au redoutable « paracétamol challenge », nouvelle pratique qui séduit depuis quelques mois de trop nombreux adolescents. Rappelons que le seuil de toxicité hépatique aiguë habituellement admis par voie orale, correspond à une dose supérieure à 150 mg/kg chez l'adulte sur 24 heures ou à 10 g en une prise et à 200 mg/kg chez l’enfant.
Les intoxications liées au paracétamol constituent la première cause de greffes hépatiques dues à un médicament en France
Le surdosage massif ou overdose, souvent dans un contexte suicidaire, doit être distingué du mésusage qui survient à des doses comprises entre 4 et 10 g par jour ou de mauvaise observance du traitement (plus de 1 g en une prise ou intervalle entre deux prises inférieure à 4 heures). Si le paracétamol possède bien un antidote, la N-acétylcystéine, précurseur du glutathion, qui neutralise ses métabolites toxiques au niveau des hépatocytes, les intoxications liées à l’antalgique constituent la première cause de greffes hépatiques dues à un médicament en France. Du fait de l’augmentation des signalements de pharmacovigilance, notamment liée à l’apparition des « challenges », le principe actif a fait l’objet d’une alerte récente (19/02/2025) de l’ANSM.
Sécuriser le bon usage du paracétamol
Les médicaments antalgiques contenant uniquement du paracétamol existent à différents dosages et sous des formes pharmaceutiques très variées : comprimé, gélule, suppositoire, suspension buvable ou poudre pour solution buvable, solution injectable en milieu hospitalier, et plus récemment, comprimé orodispersible, dont l’effet rapide est susceptible de remplacer la forme injectable. Cette multiplicité de l’offre, et son accessibilité, nous invitent à proposer plusieurs recommandations visant à sécuriser le bon usage du paracétamol :
– Sensibiliser le grand public au fait que le recours au paracétamol n’est pas un acte anodin et notamment prévenir et dénoncer la pratique des « paracétamol challenges », défis absurdes promus par les réseaux sociaux.
– Communiquer sur le bon usage et les risques liés à une consommation de doses suprathérapeutiques sur de longues périodes particulièrement chez les personnes âgées.
– Concevoir et proposer un accompagnement éducatif des patients algiques chroniques, comme dans des structures hospitalières ou ambulatoires.
– Proscrire « la prescription si besoin » ou mettre en place une dispensation « adaptée », ajustée en fonction des symptômes perçus par le patient.
– Appliquer, comme en Irlande ou en Suède, la restriction de vente en officine, voire imposer l’obligation de prescription.
– Réduire le nombre d’unités dans chaque boîte de paracétamol, ou la concentration en principe actif de chaque unité.
La présence de paracétamol dans un grand nombre de spécialités pharmaceutiques, nécessite, au moment de la dispensation, le contrôle d’un éventuel surdosage accidentel par addition des doses. Le rôle des pharmaciens dans le bon usage du médicament est à cet égard, essentiel.
L’ensemble de ces mesures de prudence semblent totalement ignorées par certains acteurs de la grande distribution qui font peser sur les patients et le grand public en général, des risques potentiels d’effets indésirables, qu’il s’agit de prévenir, de souligner, mais aussi de dénoncer.