Le Quotidien du pharmacien.- La négociation salariale doit-elle faire partie du processus de recrutement ?
Olivier Clarhaut.- Il n’est pas concevable de ne pas parler de rémunération lors d’un entretien d’embauche. L’objectif de cet échange est d’évoquer et de négocier les conditions de travail. La rémunération fait partie intégrante de ces conditions. Bien entendu, il y a la manière d’aborder ce sujet, et surtout l’argumentaire présenté pour justifier une prétention salariale. Parler de rémunération d’emblée, dès le début de l’entretien, peut être mal perçu. Mais ne jamais évoquer la question de la rémunération est tout aussi choquant.
Les difficultés de recrutement actuelles créent un contexte favorable pour le salarié. Cependant, quelles sont les limites de cette situation ?
Pour une fois, la loi du marché est en faveur des salariés. Du fait de la pénurie observée dans le monde officinal, les employeurs ont du mal à recruter au salaire de base conventionnel et dans ce contexte en effet, la négociation d’un taux horaire supérieur aux minima conventionnels est une tendance observée. Cependant, le niveau de rémunération affiché doit être en corrélation avec les compétences et les qualités professionnelles. Outre la rémunération, l’employé doit prendre en compte les conditions de travail et les perspectives d’évolution de carrière proposée par l'employeur, avec l'évolution de la rémunération qui peut y être associée. Dans un entretien d’embauche, on ne peut pas se contenter de prendre une photo à un instant T de la mission qui est confiée au salarié ; s’engager dans un nouveau poste de travail aujourd’hui signifie aussi se projeter dans de nouvelles missions demain. Concernant la pénurie de personnel, ce n'est pas un phénomène propre au monde officinal. Et il existe des pistes à explorer, autres que la rémunération, pour atténuer cette situation. Dans le monde de la restauration par exemple, des efforts ont été réalisés pour mieux organiser les horaires et les conditions de travail.
Les négociations collectives assurées par les syndicats peuvent-elles éclipser des négociations individuelles ?
Il faut bien comprendre que les coefficients de la grille conventionnelle prévue dans la Convention collective déterminent des échelons de rémunération. Ces minima conventionnels font l’objet de négociations entre les syndicats patronaux et les syndicats de salariés. En 2022, le point a été revalorisé à deux reprises de 3 %, puis à nouveau en 2023. J’ai l’habitude de comparer la Convention collective à la voiture-balai : on ne peut pas être derrière, mais on peut être devant. C’est tout l’objet de la négociation individuelle lors de l’entretien d’embauche, où le salarié met en avant ses qualités et compétences personnelles et les transforme en salaire. L’employeur est libre de ne pas négocier individuellement sous prétexte qu’il y a eu revalorisation du point, mais est-ce qu’il va trouver des candidats dans ces conditions ? Autrement dit, prétexter la revalorisation du point pour évincer la négociation de salaire n’est pas un argument recevable.