Dépistage, prévention, coordination des soins, gestion des données de santé et demain, e-prescription : les évolutions du métier, dont celles négociées par les syndicats dans le cadre conventionnel, ne pourront se passer de supports numériques à la fois simplifiés, robustes et performants. Ces outils transversaux seront même indispensables aux avancées de la pratique officinale. Face à cet enjeu, les acteurs de la profession, Ordre et syndicats, ont travaillé avec les pouvoirs publics à la construction du volet officines du Ségur du numérique en santé. Il s'agissait de définir la configuration des nouveaux systèmes d'information et la mise à niveau des logiciels métier (LGO).
Les applications sont en effet pléthoriques à l'officine. Les logiciels métiers ne se contenteront plus désormais d'effectuer uniquement des tâches de facturation et de gestion des stocks. Ils seront aussi capables de gérer le parcours de soins et d'intégrer certaines fonctionnalités du tout récent « Mon espace santé », outil réservé aux patients. En un mot, il sera possible au pharmacien de consulter via son LGO des documents reçus par messagerie sécurisée de santé (MSS) ou provenant du DMP du patient. En retour, l'officinal pourra générer, toujours via son LGO, des documents issus des entretiens pharmaceutiques, d'un bilan partagé de médication (BPM) ou encore une notification de vaccination. Et envoyer ces documents sur une MSS ou sur le DMP. « D’ici à un an, l’ensemble des logiciels utilisés par les professionnels de santé seront compatibles avec « Mon espace santé ». L’objectif est d’atteindre les 250 millions de documents échangés par an via « Mon espace santé » d’ici à 2024 », promet le ministère.
Des données complètes et sécurisées
L'accès se fera en deux vagues, précise Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Dès cet automne, les pharmaciens pourront consulter les documents en format Web (en ligne) en se connectant sur une messagerie. Ce n'est qu'un an plus tard qu'ils pourront télécharger ces documents de synthèse médicale ou examens biologiques et les verser au dossier patient, par exemple. De même, pourront être intégrés les différents entretiens pharmaceutiques existants aujourd'hui ou futurs, comme l’entretien « femme enceinte ». Celui-ci donne une parfaite illustration de ce nouvel usage du numérique au comptoir. Les messages de prévention pourront être adressés à la cliente via « Mon espace santé » tandis que, sur le DMP, la vérification du traitement pourra être assurée afin de prévenir tout risque tératogène. « Tout sera rationalisé depuis le poste de travail, y compris les prochains entretiens pharmaceutiques que nous négocieront dans le cadre conventionnel en 2023 », annonce Philippe Besset.
Changement de paradigme dans les échanges entre pharmaciens et patients, ils se feront désormais sur un canal sécurisé et non plus sur des messageries de type WhatsApp ! Le patient pourra transmettre son ordonnance par messagerie sécurisée dès lors que son pharmacien le lui aura proposé. Habilité à administrer près d'une dizaine de vaccins, l'officinal pourra également alimenter le carnet de vaccination électronique de son patient. De même, grâce à un accès au DMP, le bilan de médication partagé (BPM) du patient enregistré sur le LGO, sera communiqué aux autres acteurs de son parcours de soins.
Zéro coût
Pour obtenir cette mise à niveau « Ségur du numérique » de leur LGO, il suffira aux titulaires d'envoyer un bon de réservation à leur éditeur. Celui-ci le remettra à l'assurance-maladie en échange d'un financement de 750 à 1 050 euros (800 euros en moyenne)*. Trop peu, selon Cyril Boissier, directeur commercial du logiciel LEO (Astera), au regard des heures de développement, mais surtout des coûts d'installation, de formation des pharmaciens et d'accompagnement. « Ce forfait pénalise par ailleurs les petits éditeurs qui doivent faire face aux mêmes coûts de développement que les grands », ajoute celui dont le logiciel est utilisé par 1 300 officines (part de marché en croissance de 20 % en 2021).
Les pharmaciens n'auront par conséquent rien à débourser pour ces nouvelles fonctionnalités. Mieux même, ils percevront pour l'utilisation de ces nouveaux outils numériques une ROSP dont le montant fera l'objet de négociations dans le cadre de la convention pharmaceutique. Pourvu que celle-ci soit signée rapidement.
* Dispositif défini par un arrêté paru le 12 février au « Journal officiel ». Le montant est indexé au chiffre d’affaires annuel de l’officine sur les médicaments remboursés par l’assurance-maladie.