Difficile d’échapper à l’atavisme. Dans le cas de Nicolas Sevenet, c’est un généticien qui nous le dit. À 52 ans, le nouveau doyen de la faculté de pharmacie de Bordeaux, est le dernier rejeton d’une lignée de cinq générations de pharmaciens. Et s’il a peu d’information sur son plus lointain ancêtre, titulaire d’une pharmacie à Arras, il connaît bien la carrière de son grand-père paternel qui s’est éloigné de l’officine pour fonder les Laboratoires Sevenet (produits d’hygiène), puis diriger les Laboratoires Caillaud (créateurs d’Hydralin).
À la génération suivante, son père choisit la recherche sur les substances naturelles, médicinales et antitumorales. Il travaillera au CNRS, avec Pierre Potier dont les équipes ont créé le Taxotère. Sa mère pharmacienne exerce plusieurs années dans une officine de Nouvelle-Calédonie, avant que la famille ne rentre en métropole et s’installe à Paris. À l’heure des choix, le jeune Nicolas se destine à la biologie. Une inclinaison qui devient vocation, grâce à son professeur de SVT de terminale D, au Lycée Condorcet.
Découverte de l’officine
À 17 ans, en 1988, le voilà en pharmacie à Paris V. « J’ai adoré ces études », confie-t-il. Tous les samedis, il travaille dans une officine du 18e arrondissement, découvre le comptoir, la nécessité d’une bonne formation pour répondre aux besoins des patients qui dépassent parfois le champ pharmaceutique : « C’est là que, pour la première fois, j’ai entendu le terme mascara », se souvient-il.
À l’université, il se passionne pour la biologie moléculaire, fait de l’immunologie à l’hôpital Necker. Attiré par la recherche, il se dirige vers la génétique, travaille avec le Pr Josué Feingold*, « un enseignant incroyable », puis à Cochin. Il s’oriente vers la filière industrie, fait un stage à Rhône-Poulenc, mais l’ambiance ne lui convient pas. En 1995, il décroche un DEA en oncogenèse à l’Institut Curie, puis il fait une thèse en génétique du cancer, avec Olivier Delattre** : « Le travail était intense, indique-t-il, mais la richesse des enseignants et de l’environnement hospitalier, était étonnante. »
En 2001, il prend le poste de maître de conférences à Amiens, puis rejoint Bordeaux en 2007. En 2014, il est nommé professeur des universités*** – praticien hospitalier, coordinateur de l’unité oncogénétique de l’Institut Bergonié. L’an passé, il devient doyen de l’UFR des sciences pharmaceutiques : « Mon rôle est celui d’un chef d’orchestre chargé de coordonner et stimuler les équipes pédagogiques, pour former des jeunes en phase avec le monde de l’officine, de l’industrie ou de l’hôpital, explique-t-il. Je crois très fort à la transmission. Même si, avec 1 500 étudiants en première année et peu de moyens, faire un bon enseignement est difficile. »
Rendre visible les études de pharmacie
Nouveau doyen, il entend travailler main dans la main avec les officinaux, renforcer les liens avec l’Ordre et le réseau des maîtres de stages. Mais l’heure est grave : le nombre d’étudiants en 2e année de pharmacie est en chute libre. « Parcours sup « invisibilise » le métier de pharmacien », déplore Nicolas Sevenet, qui œuvre au sein de la conférence des doyens pour infléchir la tendance. En attendant, il suggère deux actions simples : « Si chaque officine prend 3 stagiaires de 3e, cela permettra à 80 000 jeunes de découvrir notre métier. Et si chacune consacre une partie de sa vitrine à la présentation du métier, ses missions et aux études qui y mènent, l’information passera. » Toujours pour rapprocher ses étudiants de l’officine, il prépare la création d’une pharmacie expérimentale sur le site universitaire.
Engagé dans son métier, notre doyen l’est aussi dans ses loisirs : voyages en famille à la découverte des peuples d’Asie, création d’un café associatif dans sa ville de Bègles, pratique de l’ébénisterie, de la course à pied pour le plaisir, mais aussi pour se dépasser dans des marathons et semi-marathons. Bref, il ne fait rien à moitié.
* Docteur en médecine et diplômé d’études génétiques, il a dirigé de 1977 à 1999 l’unité de génétique épidémiologique de l’INSERM.
** Pédiatre, directeur de recherche INSERM à l’Institut Curie.
*** Il enseigne la génétique et la biologie moléculaire en PASS, en 2e, 4e année de pharmacie et en master.