À gauche, le candidat à la présidentielle qui, pour le moment, fait le meilleur score, c'est Jean-Luc Mélenchon. Radical, il fascine les radicaux, au nombre desquels figure Mme Rousseau. Les premiers contacts entre M. Jadot et Mme Rousseau ont mis en relief leurs différences plutôt que leurs ressemblances. Yannick Jadot qui, d'emblée, s'est présenté comme le seul leader écologiste capable de franchir le cap du premier tour et de vaincre Emmanuel Macron, propose une écologie progressive, non-punitive et capable de maintenir les fondamentaux de notre économie. Mme Rousseau, au contraire, estime qu'il y a assez d'électeurs qui espérent un basculement des équilibres sociaux pour former, à terme, une majorité.
Il y a assurément une part de rêve dans le radicalisme. Rien n'indique en effet que les Verts aient un poids suffisant pour faire de la France insoumise une force de gouvernement ; rien ne démontre que le rassemblement à gauche inclue les socialistes, sous la houlette de Hidalgo. On peut même dire qu'Anne Hidalgo, qui sera, tôt ou tard, la candidate du PS, préfère comme allié un ou une centriste à un extrémiste qui l'entraînerait dans une mésaventure. Mais il existe une dynamique de la gauche désespérée ; elle a peu de chances si elle affiche un programme « raisonnable », et pas davantage de chances si elle cède devant LFI. Il faut seulement voir dans quelle direction souffle le vent : dans la complexité des rapports de forces politiques, on note une polarisation extrême droite (Le Pen, Zemmour) et extrême gauche (Mélenchon, PC, Verts).
Bertrand monte en puissance
Ces poussées de fièvre aux deux pointes du spectre idéologique sont favorisées par un mécontentement que n'ont apaisé ni la forte croissance ni le lent retour à l'emploi. Le prix de l'énergie a tellement augmenté que des centaines de milliers de familles sont menacées par la précarité ; le Covid semble vaincu, mais pour combien de temps ? Le gouvernement annonce des dépenses nationales non maîtrisées et financées par l'emprunt, ce qui permet à l'opposition de droite de remuer le couteau dans la plaie ; et enfin, Xavier Bertrand monte en puissance au sein de la droite classique et pourrait bien, au début de l'année prochaine, être capable de passer au second tour. Ce qui ferait de lui un adversaire autrement plus difficile à vaincre que Marine Le Pen.
Emmanuel Macron sait fort bien que la situation économique et sociale risque de se dégrader, au moment où il lui faut, logiquement, mettre un terme au « quoi qu'il en coûte ». Il n'a aucun espoir d'assister à une baisse du prix de l'énergie avant au moins un an. Il ne peut donc contrecarrer l'adversité qu'en aspergeant d'argent, une fois de plus, les Français soudainement accablés par le prix de l'énergie au moment précis où ils croyaient reprendre leur souffle. Pour lui, le défi est à la fois social et politique. Social parce qu'il doit dépenser des sommes qu'il n'a pas, après avoir multiplié les largesses ; politique parce que, s'il est vrai qu'Éric Zemmour a considérablement affaibli Marine Le Pen, sans même avoir annoncé sa candidature, il a également renforcé M. Bertrand, qui peut tailler des croupières à Emmanuel Macron.
Certes, ce n'est pas ce que disent les sondages, qui affirment encore aujourd'hui que, dans tous les cas de figure, seuls Macron et Le Pen se retrouvent au second tour et qu'inévitablement, le président sortant l'emportera. Mais le mauvais temps qui s'annonce pour la majorité présidentielle peut se transformer en tempête : comme chacun sait, le climat a changé, il est infiniment moins calme qu'auparavant, ce qui n'est pas de bon augure pour le candidat de la République en marche. L'affaiblissement de la gauche est tel qu'il est fortement improbable qu'elle passe, unie ou non, le premier tour. En revanche, le remplacement, à la tête de l'opposition, de Marine Le Pen par Xavier Bertrand serait un événement aux conséquences incalculables.