Le Quotidien du pharmacien. – De nombreuses personnes âgées se présentent au comptoir. Comment savoir si elles souffrent de dénutrition ?
Mélanie Oullion-Simon. – Il existe différentes situations à risque en termes de dénutrition : un appareil dentaire mal réglé ou mal fixé qui peut gêner l'alimentation normale, un traitement médicamenteux anorexigène, des difficultés à se déplacer pour faire ses courses, un régime thérapeutique qui impose des restrictions alimentaires, l’existence d’une maladie neurodégénérative, des troubles de la déglutition provoquant une appréhension à manger… Au comptoir, on peut déceler un problème de dénutrition en observant la personne (vêtements trop grands, dentier mal fixé, maigreur), à partir de l’ordonnance (polymédication) ou en déterminant le rapport poids/taille de la personne (un poids inférieur à 15 par rapport à la taille dénote d’un IMC trop bas, un IMC normal étant compris entre 19 et 25 kg/m²). On pourra vérifier ces constats à l’aide de quelques questions : « Avez-vous maigri ? », « Avez-vous plaisir à manger ? », « Avez-vous subi une opération récemment ? », « Vivez-vous seul ? »…
Quelles solutions basées sur l’alimentation quotidienne peut-on proposer pour enrichir l’apport nutritionnel ?
Plusieurs stratégies peuvent être mises en place : enrichir systématiquement tous les plats de beurre, huile, crème fraîche, fromage, sucre (sauf contre-indication) afin d’augmenter l’apport calorique ; privilégier les aliments qui apportent un maximum de calories dans un minimum de volume (fruits secs, graines, oléagineux) ; débuter les repas par le plat principal (protéines et féculents) en sachant que la personne sera rassasiée toujours trop tôt, avant de passer aux légumes qui sont moins énergétiques ; fractionner les repas en 5 ou 6 prises (en ajoutant des collations) augmentera les chances d’atteindre la totalité des apports recommandés en fin de journée. Si l’appétit manque au moment du dessert ou du fromage (à pâte dure car plus énergétique), ils peuvent être consommés au moment de la collation. Enfin, il faut penser à boire, 1,5 à 2 litres par jour, en petites quantités tout au long de la journée, car être dénutri signifie aussi être déshydraté (eaux minérales riches en magnésium et calcium, infusions, thé, bouillon).
Dans quels cas peut-on proposer un complément nutritionnel oral (CNO) ?
Si l’alimentation ne suffit plus, on introduit des CNO entre les repas de façon à supplémenter l'alimentation de 400 kcal soit 30 g de protéines par jour. Pour encourager l’observance, on peut les introduire dans des recettes (formules neutres), les proposer sous forme de crèmes dessert plus faciles à consommer, les agrémenter de fruits, par exemple. Le pharmacien doit veiller à demander les préférences alimentaires de la personne avant de lui faire découvrir un produit, expliquer les bénéfices attendus, sachant qu’il n’y a pas mieux que les CNO pour retrouver poids et force.